Avec onze nominations, le film de Daniel Scheinert et Daniel Kwan part favori de la 95ᵉ cérémonie des Oscars, qui aura lieu le 12 mars prochain à Los Angeles. “Saint Omer”, d’Alice Diop, n’a en revanche pas été retenu dans la catégorie du Meilleur film international.

Michelle Yeoh dans « Everything, Everywhere All at Once », de Daniel Kwan et Daniel Scheinert, alias « The Daniels ». A24
Publié le 24 janvier 2023 à 15h11
Mis à jour le 25 janvier 2023 à 09h49
Fin du suspense pour l’industrie cinématographique américaine et… française. Pour la énième fois, nous échouons dès le stade des nominations à l’Oscar du meilleur film étranger, désormais appelé film international. Il y a maintenant trente ans que la France s’en empara pour la dernière fois, grâce à Indochine, de Régis Wargnier. Voyant venir cet anniversaire un brin humiliant, la ministre de la Culture elle-même avait veillé à la mise en place, l’été dernier, d’une nouvelle marche à suivre pour sélectionner le film candidat à la nomination. C’est ainsi que fut désigné Saint Omer, le premier long métrage de fiction d’Alice Diop. Un choix fort mais difficile, qui se révèle trop audacieux et ne réussit donc pas à sauver l’honneur.
Il est vrai que, dans cette catégorie, la compétition était spécialement rude cette année. En témoignent les titres qui seront en lice pour l’obtention de la statuette le 13 mars 2023 : Argentina, 1985, de Santiago Mitre, vainqueur du Golden Globe (et visible sur Prime Video), EO, de Jerzy Skolimowski, et Close, de Lukas Dhont, tous deux primés à Cannes, The Quiet Girl de Colm Beréad, un magnifique film irlandais au succès phénoménal, et enfin À l’ouest, rien de nouveau, de l’Allemand Eward Berger, qui se paie le luxe d’être présent dans huit autres catégories, y compris celle du meilleur film de l’année. Une victoire pour Netflix, qui misait d’abord, à tort, sur Bardo, fausse chronique de quelques vérités, d’Iñarritu, peu cité. L’autre film étranger très attendu était la Palme d’or Sans filtre, qui ne pouvait concourir comme œuvre internationale, étant en langue anglaise. Le Suédois Ruben Östlund continue à briller, présent dans les prestigieuses catégories meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur scénario original.
Deux grands favoris
Dans cette préfiguration des Oscars 2023, deux films apparaissent déjà victorieux. Tout d’abord, Les Banshees d’Inisherin, de Martin McDonagh, avec neuf nominations qui mettent en lumière la réalisation, le scénario, la musique, le montage et toute l’interprétation : Colin Farrell, Brendan Gleeson, Barry Keoghan et Kerry Condon. On sent un enthousiasme franc et massif, qui devrait se traduire par un bon nombre de statuettes. Prêt à faire sensation aussi, et très applaudi durant l’annonce de ses onze nominations, le très spécial Everything Everywhere All At Once poursuit son parcours fou en devenant chouchou des Oscars. Les deux réalisateurs, Daniel Kwan et Daniel Scheinert, trentenaires surnommés The Daniels, se hissent dans la catégorie du meilleur réalisateur, et propulsent haut leur distribution, Michelle Yeoh, Jamie Lee Curtis, Stephanie Hsu et Ke Huy Quan.
Derrière ces sprinters, un peloton tonique réunit Elvis, de Baz Luhrmann (huit nominations), The Fabelmans, de Steven Spielberg (sept), Top Gun : Maverick (six) et Tár (six). Des duels de favoris sont annoncés : l’interprète d’Elvis, Austin Butler, face à Colin Farrell dans Les Banshees d’Inisherin, Cate Blanchett, la cheffe d’orchestre de Tár (déjà récompensée à Venise et aux Golden Globes) face à Michelle Yeoh dans Everything Everywhere All at Once. Chez les actrices, des réussites plus isolées pourraient toutefois créer la surprise : Ana de Armas a été sauvée du peu aimé Blonde et la moins connue Andrea Riseborough, portée par un mouvement de soutien inédit, se distingue avec To Leslie, un petit film indépendant qui n’a pas encore de sortie annoncée en France. Côté acteurs, trois solitaires nommés font le plus bel effet : Bill Nighy dans Vivre, Brendan Fraser dans The Whale, et surtout l’impressionnant Paul Mescal dans Aftersun, premier long métrage de Charlotte Wells, qui arrive chez nous le 1er février.
“Babylon” presque ignoré
Après des années difficiles désorientées par la pandémie, les Oscars 2023 déroulent un paysage plus lumineux pour le cinéma américain et international. L’ambition artistique, l’originalité, la jeunesse trouvent des ambassadeurs de choix avec Les Banshees d’Inisherin et Everything Everywhere All At Once. La présence de Spielberg, consacré aux Golden Globes le 11 janvier, permet à Hollywood de retrouver le chemin d’une continuité fructueuse, à travers The Fabelmans, un film qui célèbre la passion du cinéma. Babylon, de Damien Chazelle fait, tout autrement, la même chose, mais a été presque totalement ignoré avec seulement trois nominations dans des catégories techniques (musique, décor, costumes). James Cameron, qui redresse la barre du paquebot cinéma avec Avatar : La Voie de l’eau, peut s’estimer chichement récompensé avec quatre nominations (au lieu des neuf récoltées par le premier opus). Mais le grand spectacle est présent quoi qu’il en soit, salué aussi à travers Top Gun : Maverick, nommé dans la catégorie meilleur film (pas pour Tom Cruise, c’est dommage), et Black Panther : Wakanda Forever. Ce retour du cinéma à un monde d’avant, plus équilibré, sera malgré tout pointé, à juste titre, comme une façon de renouer aussi avec de vieilles habitudes : aucune femme, cette année, n’est citée dans la catégorie de la meilleure réalisation, alors que Sarah Polley (Women Talking), Maria Schrader (She Said) ou même la jeune Charlotte Wells (Aftersun) pouvaient être retenues. Après les victoires de Chloé Zhao et de Jane Campion ces deux dernières éditions, une envie de changement sur la durée se faisait sentir. Nul doute qu’en 2023 les étonnantes actrices susceptibles de l’emporter sauront le rappeler.
Meilleur film
The Fabelmans, de Steven Spielberg
Everything Everywhere All at Once, de Daniel Scheinert et Daniel Kwan
Les Banshees d’Inisherin, de Martin McDonagh
Tár, de Todd Field
Elvis, de Baz Luhrmann
Top Gun : Maverick, de Joseph Kosinski
Avatar : La voie de l’eau, de James Cameron
Sans filtre, de Ruben Östlund
À l’ouest, rien de nouveau, d’Edward Berger
Women Talking, de Sarah Polley
Meilleur réalisateur
Steven Spielberg pour The Fabelmans
Daniel Scheinert et Daniel Kwan pour Everything Everywhere All at Once
Martin McDonagh pour Les Banshees d’Inisherin
Todd Field pour Tár
Ruben Östlund pour Sans filtre
Meilleure actrice
Cate Blanchett dans Tár
Ana de Armas dans Blonde
Andrea Riseborough dans To Leslie
Michelle Yeoh dans Everything Everywhere All at Once
Michelle Williams dans The Fabelmans
Meilleur acteur
Brendan Fraser dans The Whale
Austin Butler dans Elvis
Paul Mescal dans Aftersun
Colin Farrell dans Les Banshees d’Inisherin
Bill Nighy dans Vivre
Meilleure actrice dans un second rôle
Angela Bassett dans Black Panther : Wakanda Forever
Hong Chau dans The Whale
Kerry Condon dans Les Banshees d’Inisherin
Jamie Lee Curtis dans Everything Everywhere All at Once
Stéphanie Hsu dans Everything Everywhere All at Once
Meilleur acteur dans un second rôle
Brendan Gleeson dans Les Banshees d’Inisherin
Barry Keoghan dans Les Banshees d’Inisherin
Ke Huy Quan dans Everything Everywhere All at Once
Judd Hirsch dans The Fabelmans
Brian Tyree Henry dans Causeway
Meilleur film en langue étrangère
À l’ouest, rien de nouveau, d’Edward Berger (Allemagne)
Argentina, 1985, de Santiago Mitre (Argentine)
Close, de Lukas Dhont (Belgique)
EO, de Jerry Skolimowski (Pologne)
The Quiet Girl, de Colm Bairéad (Irlande)
Meilleur scénario adapté
À l’ouest, rien de nouveau, d’Edward Berger
Glass Onion : une histoire à couteaux tirés, de Rian Johnson
Vivre, de Kazuo Ishiguro
Top Gun : Maverick, d’Ehren Kruger, Eric Warren Singer et Christopher McQuarrie, d’après Peter Craig and Justin Marks
Women Talking, de Sarah Polley
Meilleur scénario original
Les Banshees d’Inisherin, de Martin McDonagh
Everything Everywhere All at Once, de Daniel Scheinert et Daniel Kwan
The Fabelmans, de Steven Spielberg
Tár, de Todd Field
Sans filtre, de Ruben Östlund
Meilleure photographie
James Friend pour À l’ouest, rien de nouveau
Florian Hoffmeister pour Tár
Mandy Walker pour Elvis
Roger Deakins pour Empire of Light
Darius Khondji pour Bardo, fausse chronique de quelques vérités
Meilleur film d’animation
Pinocchio, de Guillermo del Toro
Marcel the Shell With Shoes on, de Dean Fleischer-Camp
Le Chat potté 2 : La Dernière Quête, de Joel Crawford
Le Monstre des mers, de Chris Williams
Alerte rouge, de Domee Shi
Meilleur court métrage d’animation
L’Enfant, la taupe, le renard et le cheval, de Charlie Mackesy et Peter Baynton
Le Matelot volant, d’Amanda Forbis et Wendy Tilby
Marchands de glace, de João Gonzalez et Bruno Caetano
Mon année de bites, de Sara Gunnarsdóttir
An Ostrich Told me the World is Fake and I Think I Believe it, de Lachlan Pendragon
Meilleur film documentaire
All That Breathes, de Shaunak Sen
Toute la beauté et le sang versé, de Laura Poitras
Fire of Love, de Sara Dosa
A House Made of Splinters, de Simon Lereng Wilmont
Navalny, de Daniel Roher
Meilleur court métrage documentaire
The Elephant hisperers, de Kartiki Gonsalves
Haulout, Maxim Arbugaev, d’Evgenia Arbugaeva
How do You Measure a Year ?, de Jay Rosenblatt
The Martha Mitchell Effect, d’Anne Alvergue
Stranger at the Gate, de Joshua Seftel
Meilleur court métrage de fiction
An Irish Goodbye, de Tom Berkeley et Ross White
Ivalu, d’Anders Walter et Rebecca Pruzan
Le Pupille, d’Alice Rohrwacher et Alfonso Cuarón
Night Ride, d’Eirik Tveiten et Gaute Lid Larssen
The Red Suitcase, de Cyrus Neshvad
Meilleur montage
Mikkel E.G. Nielsen pour Les Banshees d’Inisherin
Matt Villa et Jonathan Redmond pour Elvis
Paul Rogers pour Everything Everywhere All at Once
Monika Willi pour Tár
Eddie Hamilton pour Top Gun : Maverick
Meilleure chanson originale
Applause, dans Tell it Like a Woman
Hold my Hand, dans Top Gun : Maverick
Lift Me Up, dans Black Panther : Wakanda Forever
Naatu Naatu, dans RRR
This is a Life, dans Everything Everywhere All at Once
Meilleure musique de film
Volker Bertelmann pour À l’ouest, rien de nouveau
Justin Hurwitz pour Babylon
Carter Burwell pour The Banshees of Inisherin
Son Lux pour Everything Everywhere All at Once
John Williams pour The Fabelmans
Meilleurs décors
Christian M. Goldbeck et Ernestine Hipper pour À l’ouest, rien de nouveau
Dylan Cole, Ben Procter et Vanessa Cole pour Avatar : La voie de l’eau
Florencia Martin et Anthony Carlino pour Babylon
Catherine Martin, Karen Murphy et Bev Dunn pour Elvis
Rick Carter et Karen O’Hara pour The Fabelmans
Meilleur costume
Mary Zophres pour Babylon
Ruth Carter pour Black Panther : Wakanda Forever
Catherine Martin pour Elvis
Shirley Kurata pour Everything Everywhere All at Once
Jenny Beavan pour Une robe pour Mrs. Harris
Meilleurs maquillage et coiffure
Heike Merker et Linda Eisenhamerová pour À l’ouest, rien de nouveau
Naomi Donne, Mike Marino et Mike Fontaine pour The Batman
Camille Friend et Joel Harlow pour Black Panther : Wakanda forever
Mark Coulier, Jason Baird et Aldo Signoretti pour Elvis
Adrien Morot, Judy Chin et Anne Marie Bradley pour The Whale
Meilleur mixage de son
Viktor Prášil, Frank Kruse, Markus Stemler, Lars Ginzel et Stefan Korte pour À l’ouest, rien de nouveau
Julian Howarth, Gwendolyn Yates Whittle, Dick Bernstein, Christopher Boyes, Gary Summers et Michael Hedges pour Avatar : La voie de l’eau
Stuart Wilson, William Files, Douglas Murray et Andy Nelson pour The Batman
David Lee, Wayne Pashley, Andy Nelson et Michael Keller pour Elvis
Mark Weingarten, James H. Mather, Al Nelson, Chris Burdon et Mark Taylor pour Top Gun : Maverick
Meilleurs effets visuels
Frank Petzold, Viktor Müller, Markus Frank et Kamil Jafar pour À l’ouest, rien de nouveau
Joe Letteri, Richard Baneham, Eric Saindon et Daniel Barrett pour Avatar : La voie de l’eau
Dan Lemmon, Russell Earl, Anders Langlands et Dominic Tuohy pour The Batman
Geoffrey Baumann, Craig Hammack, R. Christopher White et Dan Sudick pour Black Panther : Wakanda Forever
Ryan Tudhope, Seth Hill, Bryan Litson et Scott R. Fisher pour Top Gun : Maverick