Osamu Tezuka est né le 3 novembre 1928 à Toyonaka, dans la préfecture d'Osaka. Chose rare pour l'époque, son père possédait un projecteur de films. Les oeuvres de Charlie Chaplin et de Disney ont fait très tôt partie de la culture cinématographique du garçon. Très jeune, il est marqué par la vision des dessins animés de
Walt Disney et il voue une affection toute particulière au film
Bambi. L'influence de Disney apparaît dans le style graphique de Tezuka, rond, généreux et franc. Il donne aussi à ses héros de grands yeux enfantins et très expressifs, en écho au style de Disney. Cette caractéristique sera reprise ensuite par de nombreux dessinateurs japonais.
La famille de Tezuka s'établit dans la ville de Takarazuka alors que Osamu est âgé de 4 ans. Ce dernier y reste une vingtaine d'années. L'environnement naturel de la région de Takarazuka a sans doute joué une grande influence sur la passion de Tezuka pour la nature. Sa fascination pour les insectes est née là-bas, alors qu'enfant, il parcourt les alentours.
Sa mère l'introduit très jeune à la vie artistique très riche de la ville, réputée pour son théâtre et sa revue. La Takarazuka Revue est un mouvement moderne de théâtre. En opposition au théâtre traditionnel japonais joué exclusivement par des hommes, occupant tous les rôles, même ceux des personnages féminins, la revue de Takarazuka ne fait jouer que des femmes.
Enfant, il ne cesse de dessiner et gagne l'admiration de ses camarades de classe en reproduisant leurs héros de mangas préférés. Il publie très jeune ses premiers mangas en 1946, et décroche à l'âge de 17 ans une place de rédacteur permanent pour un quotidien où sa première bande dessinée professionnelle est éditée, Le Journal de Ma.
En parallèle à sa profession de dessinateur, il suit des études de médecine à l'Université d'Osaka. On retrouve des traces de cette formation dans son oeuvre, particulièrement dans son manga Blackjack (1973), mettant en scène un chirurgien à gages, qui exerce dans l'illégalité. Le personnage du scientifique est une figure que l'on rencontre couramment dans son oeuvre. Docteur en médecine: Nara Igaku Zasshi :Vol.11 n.5, pp.719-735 (1960)
Dans un Japon détruit par la guerre, Tezuka rencontre le succès dès 1947, grâce à un manga appelé La Nouvelle Île au Trésor (Shin takarajima). Ce titre se vend à ce moment à plus de 400 000 exemplaires, un best-seller. Il mène alors une vie partagée entre la création artistique pour des magazines et ses études. Il travaillera aussi ensuite en tant que critique de cinéma.
En 1952, Osamu Tezuka donne naissance à un héros qui marquera des générations de japonais : Astro Boy (Tetsuwan Atom). Un petit robot, crée le 7 avril 2003 dans un monde futuriste, ayant l'apparence d'un jeune garçon. Détenteur de grand pouvoirs, sérieux malgré son apparence et fondamentalement bon, ce personnage est un défenseur de la paix. «A la fin de la guerre, en 1945, le Japon était ruiné. Les enfants n'avaient rien à manger, explique Tatsuya Matsui, designer du robot enfant Posy. En 1952, ils ont découvert Astro Boy et les mangas de Osamu Tezuka. Astro Boy a alors apporté au pays une dose d'espoir et d'énergie impensable. Les enfants se sont remis à rêver. Astro Boy a influencé de nombreux futurs concepteurs de robots. Moi le premier !»
Le style de Tezuka rencontre un franc succès en raison des éléments nouveaux qu'il introduit dans ses planches de mangas. Il adopte en effet un découpage cinématographique et un style précurseurs, se jouant des cases de bande dessinée avec beaucoup d'intelligence et de malice. Il est de ce fait présenté comme le père du manga moderne, mais sa contribution à l'art nippon ne s'arrête pas à ce domaine.
Dans les années 1950, pour les besoins de son travail de mangaka, l'auteur s'entoure d'une équipe de dessinateurs pour l'assister dans ses travaux. En 1953, il s'installe pour travailler à Tokyo sur la recommandation d'un éditeur, dans une petite maison de bois appelée Tokiwaso (la villa Tokiwa) où il travaille avec son équipe. Tokiwaso « s'apparente à une sorte d'atelier de la Renaissance, où le maître donne les directives pendant que les « apprentis » font les décors, les trames et le travail de documentation » . Cette bâtisse deviendra célèbre pour avoir abrité depuis une succession d'artistes.
En 1962, il fonde ses propres studios d'anime, Mushi Productions.
Mushi signifie insecte en japonais, Tezuka leur voue une véritable passion. Son pseudonyme, ??, est d'ailleurs constitué de ?, son vrai prénom, auquel est accolé ?, qui est le kanji pour mushi (mais qui, ici, se fond dans le kanji précédent, conservant la prononciation Osamu).
Ils lui donnent l'indépendance nécessaire pour mener ses recherches sur les techniques de l'animation. Des courts métrages expérimentaux sont ainsi réalisés. Le succès rencontré par les oeuvres permettront au studio d'employer de jeunes talents, comme Osamu Dezaki ou encore Hayashi Shigeyuki, célèbre sous le pseudonyme Rintaro, qui intègre le studio en 1962.
La force d'innovation de Tezuka lui permet de concevoir la réalisation d'épisodes de séries animées à un rythme hebdomadaire ; un concept et surtout une technicité qui sont très vite adoptés par les plus grands studios et sont à l'origine des séries animées actuelles, pour le meilleur comme pour le pire.
Tezuka est ainsi à l'origine de la première série animée japonaise diffusée hebdomadairement (Astro Boy en 1963), qui narre les aventures animées du robot aux allures de garçon qu'il avait créé en bande-dessinée.
Il est aussi l'instigateur de la première série japonaise en couleurs (Le Roi Leo en 1965), adaptation animée d'une autre de ses oeuvres phares.
Entré en 1962 au studio, Rintarô a travaillé sur la série Astroboy et sur celle du Roi Léo et se rappelle le challenge technique et narratif que représentait leur conception. « On insistait constamment sur la rapidité. Chaque histoire devait fonctionner sans temps mort. Pour y parvenir, il nous fallait surmonter de nombreuses contraintes. A la télévision, l'écran est si petit que les plans d'ensemble ne fonctionnent quasiment pas. Il faut donc enchaîner les gros plans rapides pour que le résultat ait un impact. De plus, les épisodes sont sans cesse interrompus par des publicités, elles mêmes montées très "cut". Il est donc nécessaire de fonctionner au diapason. »
Les studios Mushi font faillite en 1973 et renaissent de leurs cendres en 1980 sous un nouveau nom : l'actuel Tezuka Productions.
Il supervise dans ses studios l'animation de plusieurs séries originellement publiées en mangas : Princesse Saphir, Le Roi Leo, Astro.
Osamu Tezuka est aussi l'auteur de nombreux courts et moyens métrages animés inédits, notamment des films expérimentaux comme Jumping (1984). La Légende de la forêt (1987) se veut un hommage musical et visuel au cinéma de Disney et un clin d'oeil rendu à la fin de sa vie sur l'évolution des techniques du cinéma d'animation.
Affaibli par le cancer, son matériel de dessin ne le quitte pas, même dans sa chambre d'hôpital et il poursuit les projets qu'il a entamés (une biographie de Beethoven en manga, l'adaptation animée de la Bible) jusqu'à sa mort en 1989.
Des funérailles nationales sont organisées en son honneur.
Il laisse une oeuvre majeure de la bande-dessinée qui, au-delà de ses qualités techniques, demeure intemporelle, visionnaire, généreuse et humaniste. Et si Tezuka indique qu'il y a dans l'histoire de l'animation « un avant et un post-Disney », force est de constater qu'il y a un avant et un après Tezuka également.
Le studio Tezuka Productions gère désormais le patrimoine du maître et veille à adapter régulièrement ses oeuvres sur écran avec le concours de nouvelles générations d'animateurs. C'est ainsi que Black Jack a connu de toutes nouvelles aventures en version animée par Dezaki sous la forme de thrillers médicaux. Son manga Metropolis, inspiré des images qu'il avait vues du film homonyme de
Fritz Lang a été adapté en long métrage d'animation en 2001 par Rintaro, l'un de ses disciples, formé dans ses studios.
En 2003, des événements ont été organisé par le studio autour de la figure d'Astro Boy, dont la date de conception imaginée par Tezuka est le 3 avril 2003. Les studio Tezuka Productions ont autorisé le mangaka Naoki Urasawa (prix Tezuka) à laisser libre court à ses talents de dessinateurs et de concepteurs de thrillers pour rendre hommage au petit robot dans une aventure particulièrement périlleuse. Le manga est intitulé Pluto, en référence au dieu romain des enfers Pluton. Le scénario est fondé sur une histoire de Tezuka qui avait particulièrement plu à Urasawa quand il était enfant.
En 2009, un remake de la série de 1989 du roi Léo a été produit à l'occasion du 50ème anniversaire de Fuji TV. Il réunit des artistes de renom : Goro Taniguchi pour la réalisation, un scénario de l'écrivain Osamu Suzuki, et au nombre des characters designers le peintre Yoshitaka Amano.
Un musée consacré à l'oeuvre Tezuka a été créé à Takarazuka, la ville où il a passé son enfance. Ce musée a été inauguré en avril 1994. La vie de l'auteur est retracée le long d'un parcours, dans une salle pleine de grandes capsules transparentes et futuristes abritant les données de l'exposition. A l'extérieur, le public découvre un Walk of Fame amusant, les empreintes des différents personnages étant imprimées dans le béton.
La gare de Kyoto lui rend également hommage : outre un mini-cinéma et un mini-musée, on y trouve un magasin de produits dérivés de ses créations. Plus symboliquement, ses héros les plus familiers apparaissent en haut des panneaux indicateurs, et une horloge à l'image du Phénix rappelle que la vie d'un homme sur Terre est bien courte et qu'il ne tient qu'à lui d'accomplir de grandes choses.