René Goscinny est né le 14 août 1926 dans le 5e arrondissement de Paris, originaire d'une famille d'immigrés polonais de confession juive. Son père, Stanislas « Simkha » Goscinny, est un ingénieur chimiste originaire de Varsovie, fils du rabbin Abraham Goscinny, il s'installe à Paris après la première guerre mondiale pour suivre des études d'ingénieur chimiste. Sa mère, Anna née Beresniak est issue d'une famille d'éditeurs, et doit quitter avec sa famille le village de Khordorkow (maintenant en Ukraine), à la suite des pogroms récurrents. La famille s'établit à Paris en 1912, au 12 de la rue Lagrange, où le grand-père maternel de René Goscinny, Lazare Abraham Beresniak, tient une imprimerie à son nom. À l'époque, l'imprimerie Beresniak s'occupe notamment de l'édition de plusieurs des principaux journaux yiddishophones et russophones de Paris, l'entreprise est plus tard reprise par les fils Béresniak qui emploieront une centaine de personnes dans les années 1930.
Stanislas Goscinny et Anna Beresniak se rencontrent à Paris et se marient en 1919. Ils ont d'abord un premier fils, Claude Goscinny, né le 10 décembre 1920. En 1928, deux ans après la naissance de leur fils René, les Goscinny partent pour Buenos Aires, en Argentine, suite au nouveau poste d'ingénieur chimiste que Stanislas trouve là-bas. René Goscinny étudie dans les écoles françaises de la ville. Il passe ses grandes vacances en Uruguay, où il monte à cheval sur la Pampa. Il a l'habitude de faire rire ses camarades de classe, probablement pour compenser une timidité naturelle. Il commence à dessiner très tôt, inspiré par les histoires illustrées comme Zig et Puce, Superman, Tarzan et surtout Les Pieds Nickelés dont il recopie scrupuleusement l'album qu'il ramène de Paris.
En Europe, la Seconde Guerre mondiale commence. Si sa famille directe est à l'abri en Argentine, une partie de la famille de Goscinny est victime de la Shoah et trois de ses oncles meurent en déportation dans les camps d'Auschwitz et de Pithiviers. De l'autre côté de l'Atlantique, le 26 décembre 1943, peu après l'obtention de son diplôme à dix-sept ans, le jeune René Goscinny perd son père des suites d'une hémorragie cérébrale, et se voit obligé de rechercher un travail. L'année suivante, il obtient son premier emploi comme comptable adjoint dans une entreprise de pneumatiques. Il démissionne peu après pour devenir dessinateur dans une agence de publicité. Parallèlement, il publie ses premiers textes et dessins dans Quartier latin, bulletin interne du lycée français de Buenos Aires.
René Goscinny, accompagné de sa mère, quitte l'Argentine pour New York en 1945, afin de rejoindre son oncle Boris, le frère de sa mère. Goscinny devient traducteur dans une firme marocaine d'import-export en attendant de trouver une situation plus stable. Pour échapper au service militaire américain, Goscinny part pour la France rejoindre l'armée française en 1946. Il sert à Aubagne, dans le 141e bataillon d'infanterie alpine. Promu caporal, Goscinny devient l'illustrateur officiel du régiment, illustrant menus et affiches.
Il illustre ensuite le livre La fille aux yeux d'or et retourne à New York. Goscinny traverse alors la période la plus difficile de sa vie. Il reste un moment sans emploi, seul et totalement déprimé (il en tirera l'un de ses plus percutants textes : Seul, sans amis, sans un sou...).
En 1948, il trouve un travail dans un petit studio, collaborant avec Harvey Kurtzman, Willy Elder, John Severin et Jack Davis dans l'équipe de Mad magazine. Contrairement à l'archétype du rêve américain, il sera le seul de cette équipe à bâtir une fortune... en allant s'installer en France !
Goscinny devient ensuite directeur artistique à Kunen Publishers où il écrit quatre livres pour enfants. En 1949, il rencontre, grâce à Jijé, Maurice de Bévère alias Morris, le dessinateur et premier auteur de la série d'albums « Lucky Luke ».
Puis il rencontre Georges Troisfontaines, directeur de World Press agency, qui le convainc de retourner à Paris travailler comme directeur de l'antenne locale en 1951. Il y rencontre
Albert Uderzo, avec qui il débute une longue coopération. Ils travaillent ensemble sur Bonnes Soirées, un magazine féminin pour lequel Goscinny écrit Sylvie.
En 1955, Goscinny, Jean-Michel Charlier et Uderzo tentent de monter un syndicat au sein de la World Press afin que les dessinateurs soient considérés comme les propriétaires de leurs oeuvres, et non les éditeurs. Goscinny, suspecté d'avoir fomenté ce mouvement, est licencié de l'agence de presse. Charlier, Uderzo et Jean Hébrard l'accompagnent par solidarité et fondent le syndicat d'édition Edipress/Edifrance. Goscinny et Uderzo coopèrent également sur Bill Blanchart dans Jeannot, Pistolet dans Pistolin et Benjamin et Benjamine dans le magazine du même nom. Sous le pseudonyme d'Agostini, Goscinny écrit Le Petit Nicolas pour Jean-Jacques Sempé dans Le Moustique et plus tard Sud Ouest puis Pilote.
Goscinny est également scénariste et dessinateur du Capitaine Bibobu, série parue en 1955 dans l'éphémère hebdomadaire en couleurs au format journal « Risque-tout » (dont le rédacteur en chef, Claude Moine, connaitra un plus grand succès sous le nom d'
Eddy Mitchell).
Le 6 septembre 1956, Goscinny est contacté par André Fernez, le rédacteur en chef du journal. Ce dernier a en effet entendu parler de la réputation de scénariste et d'humoriste de Goscinny et souhaite travailler avec lui pour redonner au journal la pointe d'humour qui lui manque pour rivaliser avec le Journal de Spirou. L'auteur démarre alors une fructueuse collaboration avec Le Journal de Tintin. Il collabore avec de nombreux auteurs :
- Jo Angenot (Mottie la marmotte) ;
- Dino Attanasio (Signor Spaghetti) ;
- Jo-El Azara (Paco Marmota) ;
- Berck (Strapontin) ;
- Noël Bissot (Coccinelle) ;
- Paul Coutant (Kenott et Futé, le trappeur attrapé) ;
- André Franquin (Modeste et Pompon) ;
- Raymond Macherot (Klaxon et Le Père la Houle et les petits bateaux) ;
- Maurice Maréchal (Prudence Petitpas) ;
- Bob De Moor (Monsieur Tric) ;
- Rol (Wa-Pi-Ti, enfant scalpeur et Oscar Baudruche mène l'enquête) ;
- Albert Uderzo (Oumpah-Pah de 1958 à 1962, Poussin et Poussif, La Famille Moutonet puis La Famille Cokalane) ;
- Tibet (un synopsis de Chick Bill, ainsi que Globul le martien et Alphonse) ;
- Albert Weinberg (Le professeur est distrait).
En complément, Goscinny participe au magazine Paris-Flirt et collabore avec Morris sur Lucky Luke (1955-1977).
Parallèlement, il rédige pour Jours de France le scénario et les gags des Aventures du docteur Gaudeamus, dessinées par Coq. Cette série destinée à des adultes lui permet de brocarder avec humour le snobisme parisien.
Goscinny gardera de cette collaboration à Tintin le souvenir d'un travail gigantesque.
En 1959, les éditions Édifrance/Édipresse lancent le magazine Pilote. Goscinny devient un des écrivains les plus productifs pour le magazine. Dans la première édition, il lance sa plus fameuse création, Astérix le Gaulois, avec
Albert Uderzo.
Il fait de Pilote un magazine pour adolescents, publiant des bandes dessinées plus inventives et libérées que celles de la presse pour enfants.
Goscinny reprend également l'écriture du Petit Nicolas et de Jehan Pistolet, maintenant appelé Jehan Soupolet.
Pilote est acheté par Georges Dargaud en 1960. Goscinny en sera le rédacteur en chef de 1963 à 1974. Il commence de nouvelles séries :
- Les Divagations de Monsieur Sait-Tout avec Martial ;
- La Potachologie Illustrée et Le Potache est servi avec Cabu ;
- Les Dingodossiers avec Gotlib de 1965 à 1967 ;
- La Forêt de Chênebeau avec Mic Delinx ;
- Iznogoud avec Jean Tabary de 1962 à 1977. Cette série fut commencée dans le magazine Record sous le nom des Aventures du calife Haroun-el-Poussah.
Il se marie à Gilberte Pollaro-Millo en 1967. En 1968 naît sa fille Anne, devenue écrivain.
Goscinny meurt d'un arrêt cardiaque le 5 novembre 1977 à l'âge de 51 ans au cours d'une épreuve d'effort de routine à la clinique de la rue de Chazelles à Paris. Il est enterré au carré juif du cimetière du Château, à Nice. Uderzo continuera Astérix en signant par respect pour sa mémoire les albums de leurs deux noms. Cependant, selon plusieurs critiques, Astérix régresse à partir de ce jour au rang des histoires pour enfants, voire pire, et l'hommage n'en est de ce fait plus un.
Le marketing ne faiblit cependant pas, au contraire. Avec 107 langues et dialectes traduits dans le monde entier, Astérix est la bande dessinée la plus traduite au monde.