“ Je suis mort qui, qui dit mieux ” : cette fois-ci Jacques Higelin n'entonnera plus sa petite ritournelle bravache et rieuse, le musicien a été rattrapé par sa chanson, “ fauché en plein rêve ”, à 77 ans.
On ne le sait pas forcément, mais avant de devenir le grand chanteur fantasque et poétique de Tombé du Ciel, Jacques Higelin nourrissait un fol espoir de comédie, à telle enseigne qu'il a longtemps foulé les planches et interprété une trentaine de rôles pour le cinéma. Le destin (et le cadre trop strict des plateaux de tournage) en aura décidé autrement.
Un temps cantonné aux petits rôles ou aux films mineurs (Bébert et l'omnibus d'Yves Robert ou Elle court, elle court, la banlieue de Gérard Pirès), il s'était entretenu sur son parcours avec Jacques Morice en 2001. Morceaux choisis.
“ Lettre à la petite amie de l'ennemi public n°1, c'est clairement inspiré d'A bout de souffle de Godard. Plus généralement, je pense et j'écris en termes d'images. En studio, quand j'enregistre avec mes musiciens et que je veux tel ou tel son, je parle d'un ciel ombragé, je décris un paysage, pour qualifier telle couleur musicale. La musique pour moi, ce sont des images. L'inverse est aussi vrai. ” “ Le montage est une écriture rythmique, qui nécessite un sens du tempo et du timing. Chaplin, Godard, Tati, tous les grands cinéastes que j'aime sont des musiciens. ”
“ Quand je suis sur scène, je vais vers les gens, il y a un échange direct. Le cinéma, c'est du différé. Sur les tournages, on est entouré de gens, mais il faut les oublier. J'ai toujours eu un peu de mal avec ce décalage. Et puis, ça m'a toujours fait chier d'attendre. Au cinéma, on ne fait quasiment que ça... Je me souviens d'un tournage dans le port de Hambourg où un bateau devait passer au loin. Les types communiquaient par talkie-walkie, ça a duré des plombes : attendre ce foutu bateau était plus important que tout. Le cinéma, c'est aussi faire entrer les choses dans un cadre. Moi, je veux plutôt en sortir. Etre en roue libre. ”
“ Dans le cinéma français, j'ai l'impression que moins on en fait, mieux c'est. C'est le jeu en demi-teinte qui domine. Les réalisateurs se prennent la tête, font du cinéma bavard, intimiste, bourgeois. Or, les drames de la bourgeoisie, ça me fait chier. Moi, ce que j'aime, c'est quand il y a du sang, du sperme, de la sueur, quand les personnages débordent, sont bâfreurs, baiseurs. Quand ils mordent la vie à pleines dents, quoi ! ”
Lui il l'aura mordu jusqu'au bout, jusqu'à la poussière. Adieu Jacques.