On assiste là peut-être enfin à un #MeToo tardif au Japon : selon Shukan Josei, un magazine hebdomadaire proche du tabloïd, qui a recueilli plusieurs témoignages en ce sens, le cinéaste japonais Sion Sono aurait commis plusieurs agressions sexuelles, notamment des chantages répétés lors de castings. On soupçonnait une forme de voyeurisme lubrique chez le sexagénaire mais ici l’histoire dépasse le simple fantasme pour macérer dans la boue. Une comédienne anonyme rapporte ainsi que Sono lui aurait dit avoir eu de nombreuses relations avec des jeunes femmes qui voulaient travailler dans ses films, et qu'elles ont réussi dans l'industrie grâce à ça. L'actrice raconte également comment, après que Sono lui a offert un rôle dans l'un de ses films, il a tenté de la forcer à coucher avec lui. Son refus n’a pas affecté outre mesure le directeur de casting, qui a fait venir une ancienne actrice pour satisfaire le réalisateur... Sous le choc, elle était accompagnée dehors par un assistant, non pour la protéger, mais pour l'emmener avec le directeur dans un love hotel… Une autre actrice a rapporté qu'après que Sono l'a forcée à avoir des relations sexuelles en échange d’un rôle, il lui a dit : "Je veux te baiser pendant que tu parles à ton petit ami au téléphone." Lorsqu'elle lui a dit qu'elle n'avait pas de petit ami, il aurait répondu: "Eh bien, prends-en un, j'aime ce genre de choses." Un distributeur nippon a enfoncé le clou, déclarant au journaliste de Shukan Josei : "Il y a un réalisateur qui n'hésite pas à dire 'Si tu baises, je te donne du travail'. Ses films sont acclamés et de nombreuses actrices veulent y figurer. Il s'en sert pour agresser les femmes comme si de rien n'était. Ce réalisateur, c’est Sion Sono." La nouvelle est d’autant plus terrible que jaillissait, dans le cinéma rebel et ambigu de Sono, un féminisme flamboyant : de Requiem pour Noriko (2006) à The Forest of Love (2019), en passant par Guilty of Romance (2011) ou Love Exposure (2008), toute sa filmographie prenait acte du patriarcat, de l’objectivation des femmes, et tout encourageait à leur empowerment voire à leur révolte, violemment si possible (rappelons-nous de la scène mémorable où Aya Koike casse le membre de son violeur dans Love Exposure). Sion Sono n'a pas encore répondu aux allégations formulées dans l'hebdomadaire mais en tout cas la parole se libère au Japon : le mois dernier, des accusations similaires ont été porté contre le réalisateur Hideo Sakaki et l'acteur Houka Kinoshita.