Analyse #2 : Another Earth
Issu du ciné club sur Brit Marling:
« Another Earth » de Mike Cahill:
Sommes-nous seuls dans l’Univers ? Cette question, vous vous l’êtes déjà certainement déjà posée, les yeux fixés vers le ciel étoilé. Au-delà des théories du complot, la possibilité de la présence d’une planète telle que la nôtre, quelque part dans l’Univers, fascine depuis toujours. Mais cette présence, qui semblerait miraculeuse et magnifique, dans l’idéal, pourrait impliquer sur chacun de nous des réactions différentes, allant de la fascination donc, mais aussi de la peur. Cette présence ferait surtout l’objet d’une grosse remise en question de l’Humanité et de notre monde, et de notre place dans l’Univers. L’Humanité a déjà était soumis à ce genre de remise en question, lors des premières révolutions coperniciennes pour ne citer qu’elles, lorsque le modèle héliocentrique devint une hypothèse bien plus valable que le modèle géocentrique imposé. « Une blessure narcissique de l’humanité » comme dira Freud. Ce profond bouleversement provoquera surtout une avalanche d’émotions chez chacun de nous.
Un sujet proprement fascinant, à ma connaissance assez peu traité au cinéma, et c’est pourtant l’un des sujets principaux du film du jour, le premier film de Mike Cahill, avec Brit Marling, « Another Earth »
Nous suivons Rhoda Williams, jeune diplômée, rentrant de soirée et responsable d’un accident de voiture alors qu’à la radio la découverte d’une autre planète semblable à la Terre est annoncée. Dans la voiture d’en face, John Burroughs, compositeur avec sa femme enceinte et son fils. John plonge dans le coma alors que sa femme et son fils meurent sur le coup. Rhoda passe 4 ans en prison et, ravagée par les remords, tente de se racheter au près du père sortit du coma mais en état de profonde dépression. Pendant ce temps-là, la mystérieuse planète se rapproche de la Terre…
Nous sommes ici devant de la science-fiction intimiste, au sujet semble au « Melancholia » de Lars Von Trier (sorti à peine 2 mois avant « Another Earth »). Brit Marling interprète magistralement le personnage principal, en quête de rédemption. John Burroughs est interprété par William Mapother (qui jouait Ethan dans Lost pour les fans de la série). Another Earth dépeint les tréfonds de l’âme et de nos sentiments. Comme dans « Melancholia » il est ici sujet du spleen et de la dépression mais également de culpabilité et d’impuissance face aux évènements. Le scénario grouille d’allégories, la plus flagrante étant l’allégorie de cette planète, identique à la Terre, s’approchant peu à peu de la planète sur laquelle vivent les personnages, et nous sommes petit à petit amenés à suivre des débats durant le film qui, la plupart du temps, donnent littéralement le tournis. Si cette autre planète est identique à la Terre, les erreurs que l’on a fait ce sont elles également réalisées sur cette autre planète, autrement, les vies suivent-elle le même destin que sur la Terre ? Cette autre Terre est-elle au final un paradis où règne la paix, un monde parfait et si c’est le cas, la Terre ne serait-elle pas l’enfer, où règnent les guerres et les malheurs ? A mi-chemin entre la science-fiction et le drame intimiste, « Another Earth » est fascinant, l’ambiance qui y règne est tout simplement unique, une atmosphère à la fois triste et joyeuse sur certaines scènes, mais aussi profondément dépressive mais où il suffit de lever la tête en direction du ciel pour, peut-être, entrevoir l’espoir, et attendre passivement la rencontre avec son autre-soi, se confronter avec ce que nous aurions pu être, si notre vie avait été différente. Mike Cahill nous propose, lorsqu’il n’y a plus d’espoir, lorsque plus rien ne nous retient sur Terre, de s’envoler, pour croire en nouveau en quelque chose et recommencer sa vie, sans regarder en arrière.
Dans ce film visuellement magnifique, Brit Marling explose littéralement, on peut voir dans ses yeux toute la douleur qui imprègne son personnage, son impuissance face à ce qui lui arrive et la volonté de se racheter d’un évènement dramatique dont elle a été la cause. En cela, « Another Earth » est avant tout un grand film sur la culpabilité. Captivant, très émouvant et poignant, « Another Earth » témoigne de la volonté du réalisateur d’étudier la condition humaine et les émotions par le prisme d’un postulat de SF fascinant.
Je vous invite à vous ce film au pouvoir de fascination assez subjuguant, Brit Marling y est parfaite, dans un rôle complexe, un film à la fois troublant et émouvant.
J’aimerais, pour terminer cette critique sur ce film si poétique, citer Marcel Proust, « Les vrais paradis sont les paradis qu’on a perdus ».
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(2011)Drame, Film de SF | 1h34Synopsis : Rhoda Williams, brillante jeune diplômée en astrophysique, rêve d’explorer l’espace. John Burroughs est un compositeur au sommet de sa carrière qui attend un deuxième enfant. Le soir une autre planète semblable à la Terre est découverte, la tragédie les frappe et les vies de ces étrangers deviennent inextricablement liées l’une à l’autre.