Marcel Bluwal est l'un des plus anciens et des plus célèbres réalisateurs de la télévision française. Artiste engagé et metteur en scène ambitieux, sa filmographie regorge d'adaptations de pièces et de romans lyriques du répertoire mondial. Bluwal en profite pour remettre en cause l'interprétation courante et figée des grands auteurs classiques. Il transforme finalement des sujets rebattus en films très personnels. Dans une dédicace adressée à Jean d'Arcy, il écrit : « nous avions envie de faire de la télévision et de faire la télévision ».
Né de parents juifs polonais, Marcel Bluwal devient le réalisateur le plus engagé de la télévision française. Dans son autobiographie Un Aller, il évoque son enfance et sa rencontre précoce avec le septième art. Il voue déjà une véritable passion pour la mise en scène des images animées. Les plus grands réalisateurs tels que
Carl Theodor Dreyer (Vampyr - 1932) ou encore
Jacques Feyder (
La Loi du Nord 1942) en sont les principaux inspirateurs.
À l'époque des grands bouleversements politiques, le jeune Marcel Bluwal découvre l'espoir du Front populaire en 1935, puis la montée brutale et soudaine de l'antisémitisme. Son adolescence est bouleversée par la seconde guerre mondiale en 1939 et l'occupation allemande. Suite à la rafle du Vel D'Hiv en 1942, son professeur de piano cache le jeune Marcel et sa mère pendant près de vingt-sept mois dans une pièce close et étroite.
Après la Libération de Paris, Bluwal est admis à l'École technique de la photo et du cinéma de Vaugirard. Quelques années plus tard, il fait son entrée à la télévision qu'il n'abandonnera pas, sauf pour quelques tentatives cinématographiques peu fructueuses (Le Monte-Charge 1962, Carambolages 1963). Pour le petit écran, il débute avec la réalisation d'émissions enfantines jusqu'en 1954, année où il met en scène ses premières dramatiques en direct (Le Pèlerin...).
En 1960, il réalise le film télévisé La Surprise, qui remporte la palme d'Or du film de télévision au festival de Cannes. À cette époque, il signe avec
Marcel Moussy un nouveau concept d'émission à caractère social, qui s'occupe de préoccupations concrètes : Et si c'était vous... Dans Le Figaro littéraire, Claude Mauriac déclare à propos de l'émission : « la vérité dans la simplicité » et André Bazin d'affirmer dans Radio, Ciné, Télévision : « L'un des trois ou quatre événements de la télévision française, depuis ses origines ». La série s'arrête en plein succès...
Bluwal décide finalement d'affirmer son goût pour le baroque dans des films spécialement réalisés pour la télévision : Les Perses (1961), Le Mariage de Figaro de Beaumarchais (1961), Le Scieur de long, d'après sa propre pièce de théâtre (1963), Woyzeck de Georg Büchner (1963), Dom Juan ou le festin de pierre d'après Molière, considéré comme son chef d'oeuvre (1965), Le Jeux de l'Amour et du Hasard (1966) et La Double Inconstance (1968), inspirés de Marivaux, Beaumarchais ou Les 60 000 fusils (1966), inspiré de la vie du célèbre auteur... Bluwal adapte aussi par la suite deux autres grands auteurs classiques : Dostoïevski en 1969 (Les Frères Karamazov) et Victor Hugo en 1972 (Les Misérables).
En 1962, il lance le concept du feuilleton avec la série des Inspecteur Leclerc, mais décroche le succès en 1967 grâce à la célèbre série fantaisiste Les nouvelles aventures de Vidocq. Deux suites sont d'ailleurs créées en 1970 et en 1972. De 1973 à 1986, il réalise des drames au sein d'univers bourgeois tels que Antoine Bloyé (1973), Thérèse Humbert (1985) ou encore Music Hall (1985). Avec le film d'anticipation 1996, réalisé en 1987, Bluwal s'est parfaitement adapté au style de la télévision contemporaine. Ce polar orwellien tire un portrait au couteau d'un univers télévisuel en pleine dégénérescence.
Ce maître de la fiction sut aussi exercer son talent dans d'autres domaines : celui de la variété, avec des émissions comme La Boîte à sel (de 1956 à 1958), L'École des Vedettes et Discorama (de 1959 à 1963), Tête Bêche (1966) ; pour des séries télévisées à caractère social comme Celles qui parlent, Vieillir au Soleil ; à l'opéra et au théâtre, pour la mise en scène : Dom Juan revient de la guerre (1975), Les Femmes savantes de Molière, Don Quichotte de la Manche d'après Cervantès (1979), Don Giovanni, Cosi fan tutte, La Clémence de Titus de Mozart (1986)...
En 2008, après 13 ans d'absence à la télévision, Marcel Bluwal dirige la mini-série À droite toute consacrée à la montée de l'extrême droite en France durant les années 1935-1937 à travers la formation de La Cagoule, organisation clandestine d'extrême-droite qui fomentait le renversement de la République. La série de 200 mn, diffusée sur France 3 en février 2009, a reçu le FIPA d'argent 2008 de la meilleure série, les FIPA d'or pour l'interprétation masculine à Bernard-Pierre Donnadieu et pour la meilleure musique à Antoine Duhamel ainsi que le prix du meilleur scénario à Marcel Bluwal et Jean-Claude Grumberg.