Arnaud Desplechin est le fils de Robert et de Mado Desplechin, habitant Croix près de Roubaix. Il a un frère,
Fabrice Desplechin, diplomate et acteur dans plusieurs de ses films, et deux soeurs : la romancière Marie Desplechin et la scénariste Raphaëlle Desplechin. Il a vécu avec la comédienne
Marianne Denicourt au début des années 1990. Uni ensuite pendant une décennie à l'actrice
Hélène Fillières, il fut aussi le compagnon de Florence Seyvos dont il a un fils (2006).
Décidé à faire du cinéma depuis sa jeunesse, Arnaud Desplechin suit les cours de cinéma de l'Université Paris III (dont ceux de Serge Daney et Pascal Kané) puis intègre l'IDHEC (l'ancêtre de La Fémis) à sa deuxième tentative, et en sort diplômé de la section Réalisation et prises de vue en 1984. Il rencontre à l'IDHEC plusieurs de ses futurs collaborateurs dont
Pascale Ferran, Noémie Lvovsky et Éric Rochant. Pendant cette période où Desplechin éprouve des difficultés à achever ses films de scolarité, il ne termine que deux courts-métrages, inspirés de l'univers du romancier belge Jean Ray : Le Polichinelle et la Machine à coder, en 1983 puis Le Couronnement du monde, en 1984. Il découvre alors le travail d'un autre passionné de Jean Ray ; le réalisateur
Alain Resnais, dont Desplechin dira plus tard qu'il est « le cinéaste qui a touché le plus violemment » au cours de ses études.
Après son diplôme, Desplechin travaille comme directeur de la photographie sur Comme les doigts de la main (1984), French Lovers (1985) et Présence féminine (1987) d'Éric Rochant, ainsi que sur I Fotografia (La Photo) (1986) de Nico Papatakis. Il participe aussi au scénario d'Un Monde sans pitié d'Éric Rochant, en 1989.
En 1990, il commence à travailler sur le moyen-métrage
La Vie des morts. Le film réunit plusieurs acteurs appelés à devenir des habitués des films de Desplechin, parmi lesquels Marianne Denicourt,
Emmanuelle Devos,
Emmanuel Salinger et
Thibault de Montalembert, et marque également la première collaboration entre Desplechin et le directeur de la photographie Éric Gautier. L'intrigue tourne autour d'une réunion de famille dans une maison de province, après la tentative de suicide de l'un des cousins. La Vie des morts est présenté pour la première fois au Festival Premiers plans d'Angers en janvier 1991, où il reçoit plusieurs prix, avant d'être sélectionné pour la Semaine de la critique au Festival de Cannes. Le Prix Jean-Vigo du court-métrage lui est décerné la même année.
La même année, Pascal Caucheteux crée sa société Why Not Productions, et finance
La Sentinelle, le premier projet de long-métrage de Desplechin. Le film est co-écrit avec Pascale Ferran, Emmanuel Salinger et Noémie Lvovsky. Le jeune cinéaste reprend une partie de l'équipe de La Vie des morts, et collabore pour la première fois avec
Mathieu Amalric et László Szabó. Son frère Fabrice est également présent dans la distribution. Le film, dont le thème rappelle
Muriel, ou le temps d'un retour de Resnais, traite des fantômes d'une guerre passée, ici la Guerre froide et les conflits européens. Le personnage principal, l'étudiant en médecine Mathias Barillet, joué par Emmanuel Salinger, se retrouve impliqué dans une affaire d'espionnage après avoir rencontré un ancien prisonnier de guerre dans un train, et retrouvé une tête réduite dans ses bagages. Le film est acclamé par la critique et sélectionné dans les festivals. Il est notamment en compétition à Cannes en 1992 et est nommé plusieurs fois aux Césars pour le meilleur premier film, le meilleur scénario original et le meilleur espoir masculin, que remporte Emmanuel Salinger, avant d'obtenir également le Prix Michel-Simon 1993.
Fin 1994, Desplechin démarre le tournage de son deuxième long métrage, co-écrit avec
Emmanuel Bourdieu, Comment je me suis disputé... ("ma vie sexuelle"). C'est Mathieu Amalric qui interprète cette fois l'alter ego de Desplechin, un universitaire nommé Paul Dédalus, naviguant entre plusieurs conquêtes : Sylvia (Marianne Denicourt), Esther (Emmanuelle Devos), et Valérie (
Jeanne Balibar). La présence du film au Festival de Cannes et aux César en 1996, ainsi que son succès critique assoient Desplechin comme un auteur important des années 1990. Certains journalistes parlent alors de « génération Desplechin » pour décrire le jeune cinéma français.
En 1997, Arnaud Desplechin est à l'initiative, avec
Pascale Ferran, du Manifeste des 66 cinéastes appelant à la désobéissance civile contre les lois Debré qui qualifient pénalement l'hébergement d'étrangers en situation irrégulière.
En 2000, Desplechin co-écrit avec Emmanuel Bourdieu un scénario adapté d'une nouvelle d'Arthur Symons.
Esther Kahn est tourné en anglais et s'attache au passage à l'âge adulte, à travers la découverte du théâtre et de l'amour d'une jeune fille anglaise issue d'une famille juive.
Summer Phoenix interprète le rôle-titre, aux côtés de
Ian Holm et de László Szabó. Fabrice Desplechin et Emmanuelle Devos sont eux aussi présents, aux côtés d'une riche distribution anglo-saxonne. Le film est reçu comme un hommage à l'oeuvre de François Truffaut parce qu'il traite d'une éducation, comme L'Enfant sauvage (1969), qu'il est tourné en anglais, comme Fahrenheit 451 (1966) et
Les Deux Anglaises et le continent (1971), et aussi parce qu'il utilise des formes filmiques de la Nouvelle Vague et plus particulièrement du cinéma de Truffaut comme les fermetures à l'iris ou les nappes de musique.
Trois ans plus tard, Desplechin prépare un diptyque autour de l'adaptation de Dans la compagnie des hommes d'Edward Bond avec
Nicolas Saada. Le premier film doit s'appeler Répétitions de « Dans la compagnie des hommes » et être composé à 70 % de vidéo tournée pendant les répétitions et à 30 % d'images du film lui-même, et le second film En jouant « Dans la compagnie des hommes » et être composé d'images vidéo et d'images argentiques dans les proportions inverses du premier film. Entre la réalisation de chacun des deux films, Desplechin prévoit d'en tourner un troisième, alors titré Rois sans arroi, reine sans arène. Au final, le tournage du troisième film est reporté à 2004, et Desplechin termine successivement, après avoir présenté une version préliminaire de son travail à Cannes en 2003, les films Léo, en jouant « Dans la compagnie des hommes » qui est majoritairement en argentique, puis Unplugged, en jouant « Dans la compagnie des hommes » qui reprend les répétitions tournées en DV. Dans Léo,
Sami Bouajila interprète le personnage de Léonard Jurieu, fils adoptif d'un industriel, fabricant d'armes, joué par
Jean-Paul Roussillon, qui en décidant de s'affranchir de son père pour mener ses propres affaires va le ruiner. Desplechin mêle la trame d'Edward Bond avec celle de Hamlet, en introduisant notamment dans l'histoire le personnage d'Ophélie, interprétée par
Anna Mouglalis. Léo sort dans une seule salle, au Cinéma du Panthéon à Paris, le 28 janvier 2004, après avoir été diffusé sur ARTE la veille. Unplugged ne sera pas visible avant la sortie en DVD du film.
Cette même année, Desplechin achève
Rois et Reine, co-écrit avec Roger Bohbot. Le film croise les parcours, burlesque pour l'un et tragique pour l'autre de deux anciens amants, Ismaël, un musicien névrosé joué par Mathieu Amalric, et Nora, interprétée par Emmanuelle Devos, qui passe le film au chevet de son père mourant, repensant au père de son enfant, mort suicidé devant ses yeux des années plus tôt. Le film marque aussi la deuxième collaboration de Desplechin avec Jean-Paul Roussillon,
Hippolyte Girardot, et la première avec
Catherine Deneuve, qui joue ici une psychiatre s'occupant du cas d'Ismaël. Le film est acclamé par la critique et connaît un important succès public. Rois et Reine reçoit plusieurs nominations et de nombreux prix, dont le Louis-Delluc en 2004, et le César du meilleur acteur pour Mathieu Amalric l'année suivante. Desplechin est violemment pris à partie à la sortie du film par Marianne Denicourt qui l'accuse d'avoir utilisé des éléments de sa vie privée pour écrire Rois et Reine. En 2005, elle publie Mauvais génie, avec la journaliste Judith Perrignon, où elle décrit sa rencontre avec un réalisateur sans scrupules nommé Arnold Duplancher. Elle attaque finalement Desplechin en justice en 2006, pour atteinte à la vie privée, lui réclamant 200 000 euros de dommages-intérêts. Elle est déboutée le 3 avril 2006.
Desplechin commence, en 2007, deux films ayant trait à la famille. Le premier, L'Aimée, voit Desplechin filmer son père, son frère Fabrice et ses neveux dans la maison familiale de Roubaix à la veille de la vente de celle-ci. Ils évoquent le souvenir de la grand-mère d'Arnaud Desplechin, morte deux ans après la naissance de son père. C'est la deuxième incursion dans le documentaire du cinéaste après l'expérience autour de Dans la compagnie des hommes. Le film est présenté à la Mostra de Venise en septembre 2007, dans la section Horizons Documentaires, où il reçoit de la province autonome de Trente le prix du meilleur documentaire, avant de sortir le 14 novembre 2007 au Cinéma du Panthéon.
Le second film, Un Conte de Noël, reprend en l'enrichissant le canevas de La Vie des morts, en montrant une réunion de famille à Roubaix, autour de la mère, Junon (
Catherine Deneuve), atteinte d'un cancer, que peut seule sauver une greffe de son fils Henri (Mathieu Amalric), « banni » de la famille des années plus tôt par sa soeur Elizabeth (
Anne Consigny). La distribution comprend également
Melvil Poupaud et plusieurs acteurs récurrents du cinéma de Desplechin dont Jean-Paul Roussillon, Emmanuelle Devos, Hippolyte Girardot et Chiara Mastroianni. Un Conte de Noël a été présenté en compétition au 61e Festival de Cannes.