Clara Bow est née dans le quartier pauvre de Brooklyn à New York, dernière enfant d'un couple ayant déjà perdu deux filles en bas âge. Elle passa une enfance solitaire et misérable entre un père très souvent absent et incapable de subvenir aux besoins de sa famille, et une mère épileptique et psychotique, prostituée occasionnelle. Afin de s'évader de cette atmosphère oppressante, la jeune Clara développa un goût immodéré pour le cinéma. De cette époque elle tira sa détermination à devenir actrice.
À l'âge de seize ans, Clara se présente au concours annuel du Fame and Fortune, remporte le premier prix et décroche un rôle dans Beyond the Rainbow. Malheureusement les scènes tournées seront retirées au montage, et Clara se trouvera forcée de travailler dans un bureau.
Cependant, Bow s'acharne, soutenue par son père. Après un petit rôle dénudé non crédité dans Enemies of woman,elle finit par trouver un rôle de garçon manqué dans Down to the Sea in Ships d'Elmer Clifton, une prestation qui lui vaudra des critiques élogieuses.
Au printemps suivant, elle obtient un rôle dans The Daring Years et dans l'été, elle interpète à nouveau un rôle de garçon manqué dans Grit, un film qui traite de la délinquance juvénile, écrit par F. Scott Fitzgerald. Bow rencontre son premier petit ami, le cameraman Arthur Jacobson, et fait la connaissance du réalisateur Frank Tuttle, avec qui elle travaillera par la suite.
Grâce à Ernst Lubitsh notamment (dans Embrasse-moi), Clara devient une nouvelle figure sexy du cinéma. Elle sort avec Sam Jaffe, directeur de production du studio et beau-frère de Bud Schulberg, le grand patron, ainsi qu'avec l'acteur mexicain
Gilbert Roland, sa co-vedette dans The Plastic Age de
Wesley Ruggles, qui donne un coup de fouet à sa carrière. Sa côté grimpe : payée 750 dollars par semaine, Preferred Pictures n'hésite pas à la louer 3000 dollars par semaine à d'autres compagnies !
Lorsque Preferred Pictures est absorbée par Paramount Pictures, Schulberg obtient carte blanche et décide de faire de Clara Bow sa première étoile. Il commence par faire courir des ragots sur sa "protégée"...
Clara obtient le premier rôle dans Mantrap réalisé par
Victor Fleming. Elle entre alors dans le "saint des saints". Fleming (futur réalisateur de Autant en emporte le vent...) sort tout juste d'une aventure avec
Norma Shearer. Clara et lui entament une liaison tandis qu'elle vit encore avec Roland. Il la dirige ensuite dans l'exotique Hula.
Le premier scandale qui touche l'actrice est dû à un étudiant avec qui elle a déjeuné et qui simule un suicide par désespoir d'amour...
Clara devient la femme fatale préférée du public américain. Alors que son mariage avec Roland est annoncé par le service publicitaire de Paramount, elle couche avec ses partenaires Larry Gray et
Eddie Cantor sur le tournage de Kid's Boots, qui marque les retrouvailles avec Tuttle (The Canary Murder Case avec
Louise Brooks en 1929) et remporte un franc succès.
Le studio prélève 500 dollars sur le salaire renégocié de sa vedette, versés sur un compte bloqué : en cas de nouveau scandale, le compte lui sera confisqué !
Par la suite elle tourne le monumental
Les Ailes, considéré comme un des principaux chefs d'oeuvre du Hollywood muet. L'actrice retrouvera l'année suivante Wellman pour Ladies of the Mob avec
Richard Arlen (déjà présent dans
Les Ailes) en gangster. Mais c'est dans le registre de la comédie qu'elle s'impose bientôt.
En 1925, Schulberg avait essayé de lancer sa protégée sous le surnom du "brasier de Brooklyn" - sans succès. La Paramount avait alors sous contrat le "volcan polonais" en la personne de
Pola Negri... En 1926, le nabab lit le roman de Glyn, It. Il rémunère l'auteur 50 000 dollars pour lui faire faire de Clara l'incarnation de son fameux "It", autrement dit le sex appeal version années folles. L'adaptation du roman est lointaine (Bow joue une petite vendeuse qui décide d'appliquer les préceptes du livre) mais le film et son interprète remportent un triomphe et inaugurent une fructueuse collaboration avec le réalisateur Clarence Badger et l'écrivaine Elinor Glyn - Red Hair, Three Weekends. Clara Bow passera à la postérité sous le surnom de "It Girl" !
La ronde des amours de Clara n'en finit plus : la rumeur lui prête une liaison avec
Fredric March, son partenaire dans
The Wild Party. Clara préfère s'afficher avec Harry Richman, le "roi de Broadway du moment", et devient la meilleure publicité de celui-ci, qui ambitionne de succéder à
Al Jolson. L'annonce de leurs fiançailles ne crée pas de remous particuliers : le public et les journaux, blasés, ne croient plus aux fiançailles sans cesse renouvelées de Clara.
Bow jette ensuite son dévolu sur
Rex Bell, ancien livreur de matériel à la Fox et son partenaire dans True to the Navy, autre film mis en scène par Tuttle, devenu son directeur régulier. A côté, l'actrice numéro un du box-office travaille avec Malcolm St. Clair, A. Edward Sutherland qui fut le mari de
Louise Brooks, Lothar Mendes qui filmera quelques années plus tard Le Juif Süss. Désormais elle donne la réplique d'égal à égal à des comédiens de composition illustres (
Warner Baxter,
George Bancroft) et aux jeunes premiers les plus séduisants : outre Cooper et March,
Antonio Moreno et Charles 'Buddy' Rogers.
Les scandales s'accumulent et les échotiers s'en font les chroniqueurs cruels. Le comique Jolson y fait des "allusions appuyées" à la radio, des articles assassins sapent le crédit de l'actrice. Elle-même accorde un entretien dévastateur à une feuille de choux qui donnera d'elle l'image d'une femme "infidèle et sans cervelle".
La toute puissante Commission Hays veut l'obliger à épouser Rex Bell ou à abandonner le cinéma. Clara semble un temps pencher vers la seconde solution. Cependant Paramount choisit de presser les dernières gouttes du citron : dans Her Wedding Night (de Tuttle), Bow interprète une star nymphomane et attire le public en foule.
Après son renvoi, la secrétaire de Clara menace de vendre la correspondance privée de la star si 125 000 dollars ne lui sont pas versés. Si l'employée est inculpée "d'extorsion de fonds sous trente-cinq chefs d'accusation", le procès ruine la carrière de Bow. "Pour la remercier de n'avoir révélé qu'une infime partie de ses turpitudes, Clara implora la clémence du juge"...
Le film suivant de la "It Girl" est un échec, Clara a lassé aussi bien le public que le studio. Le Coast Reporter publie "une interminable liste des amants de Clara" avec des "détails" pour le moins choquants, allant jusqu'à la zoophilie et la syphilis - cette dernière étant jugée "une juste rétribution de ses péchés". Le propriétaire du journal propose de vendre le journal de Clara Bow 25 000 dollars et envoie pour cela des exemplaires du brûlot aux fonctionnaires de la Commission Hays : il est inculpé pour avoir fait circuler par voie de poste des "documents obscènes"...
Au terme de ces épreuves, Clara s'écroule, incapable de travailler. Elle est renvoyée par la Paramount. Elle a vingt-cinq ans.
Bow quitte Hollywood avec Rex Bell pour un ranch au Nevada. Ils se marient peu de temps après à Las Vegas.
Cependant Clara est loin d'être oubliée : elle reçoit des propositions de tous les studios - sauf la Paramount - car sa célébrité est intacte. Elle signe un contrat de 250 000 dollars pour deux films à la Fox.
Dans Call Her Savage/Fille de feu, ultime collaboration avec
Frank Lloyd, avec pour partenaire son ancien amant
Gilbert Roland, figurent "alcool, sexe, scène de flagellation, viol et soupçon de zoophilie et de syphilis"... Le public salue ce retour avec enthousiasme, et ses nouveaux patrons offrent à Clara, pour la remercier de sa performance, un voyage en Europe. La star américaine sera particulièrement frappée par la liberté qui semble régner à Paris devant le spectacle des Folies Bergère.
Dans son film suivant, Hoopla, son rôle de "danseuse sexy" ameute moins les foules. Clara Bow se retire définitivement de l'écran et de la vie publique.
De sa seconde vie, on sait peu de choses : Clara demeure mariée avec
Rex Bell, elle aura deux enfants, séjournera en hôpital psychiatrique, fera des études, ne se manifestant qu'à de rares occasions dans la sphère cinématographique : ainsi elle écrira son admiration à un tout jeune
Marlon Brando mais celui-ci traitera par le mépris la missive, n'ayant pas la moindre idée de qui la lui envoie.
En 1929, Clara Bow devient - enfin - l'actrice la mieux payée d'Hollywood, et en 1931 elle se retire définitivement de l'écran et de la vie publique. Rarement l'industrie du cinéma américain aura exploité de manière aussi ostentatoire une de ses stars, mais rarement une star du cinéma aura donné autant de fil à retordre aux pontes de Hollywood ! Si sa carrière a été brisée par les scandales, ceux-ci l'ont pourtant entretenue - sur une durée restreinte il est vrai.
L'histoire du cinéma retient une star délurée dont les films restent hélas invisibles, une actrice naturelle, moderne, qui annonçait d'autres bombes :
Jean Harlow (au destin aussi bref) et Marilyn Monroe. Incarnation parmi d'autres de l'ère jazz des années folles, la plus américaine des étoiles de l'époque annonçait tout autant
Joan Crawford ou
Barbara Stanwyck, cristallisant une perte d'innocence flagrante (comparée avec
Mary Pickford et
Lillian Gish) et l'éloignement du modèle européen pérennisé un temps par
Greta Garbo,
Marlène Dietrich et
Hedy Lamarr...
Balayée de la mémoire du grand public, Bow demeure au sommet du panthéon cinématographique. Son origine modeste, son ambition démesurée, sa soif de reconnaissance, qui passe d'abord par la reconnaissance de sa beauté et de son charisme, l'ont menée à la gloire, à la déchéance et à l'oubli.
Le livre Hollywood Babylon répandit la légende que l'amitié de Bow avec les membres de la session 1927 de l'équipe universitaire de football de Californie du sud incluait des activités sexuelles de groupe avec toute l'équipe. Cette information fut finalement démantie par son biographe, David Stenn, qui a réalisa des interviews des membres encore vivants de cette équipe au cours de recherches pour son livre.
Au cours de sa vie, Bow a été l'objet des rumeurs les plus folles sur sa vie sexuelle, la plupart d'entre elles étant avérées fausses. Un tabloïd, nommé The Coast Reporter publia de sinistres allégations à son sujet en 1931, l'accusant d'exhibitionnisme, d'inceste, d'homosexualité, de bestialité, de toxicomanie, d'alcoolisme, et l'accusant en outre d'avoir contracté une maladie vénérienne. Par la suite l'éditeur de ce tabloïd tenta de faire chanter Bow, offrant de cesser l'impression de ces histoires pour 25.000 $, ce qui conduisit à son arrestation par des agents fédéraux, et à une peine de prison de huit ans.