Francis Scott Key Fitzgerald naît le 24 septembre 1896 dans une famille de la petite bourgeoisie de Saint Paul, capitale du Minnesota. Ses trois prénoms lui sont donnés en hommage à son lointain parent Francis Scott Key qui est le parolier de l'hymne national américain, The Star-Spangled Banner. Son père, Edward Fitzgerald, est d'origine relativement modeste ; né dans une ferme du Maryland, il s'est installé à Saint Paul suite à son mariage. À la naissance de son fils, il y exerce comme Président d'une manufacture de meubles qui fait faillite deux ans plus tard. Engagé ensuite par Procter & Gamble, il est un commis-voyageur sans ambition, vu comme un raté par Scott. Sa mère, Mary (Mollie) McQuillan, est l'une des trois filles d'un homme d'affaires d'origine irlandaise ayant fait fortune grâce à l'expansion économique qu'entraîne la Guerre de Sécession. Élevée au couvent de la Visitation de Saint Paul puis à New York, elle parcourt également l'Europe pour parfaire son éducation soignée.
Dans les mois qui précédent la naissance de Scott, Edward et Mollie voient leurs deux filles, de un et trois ans, mourir prématurément. L'écrivain y fait allusion dans son registre, quarante ans plus tard :
Une troisième fille meurt à la naissance en 1900, mais l'année suivante, Annabel voit le jour à New York. La famille revient s'installer à Saint Paul en 1908 sans parvenir à trouver une stabilité financière et sociale. Cependant, les déconvenues professionnelles d'Edward sont compensées par l'argent hérité par Mollie. Ainsi, le jeune Scott devient l'élève de l'école privée Saint Paul Academy. Rapidement impopulaire, il rêve de gloire tout en se considérant différent des autres garçons. Lecteur éclectique et assidu, il commence à écrire des poèmes et des nouvelles qu'il publie dans le journal de l'établissement huppé où il est inscrit en 1911 : l'école Newman dans le New Jersey.
C'est là qu'il rêve d'entrer dans une des toutes meilleures universités du pays : Princeton. Le jeune Scott va y connaître ses premières grandes désillusions.
En effet, sa prétention et son immaturité l'excluent rapidement de l'impitoyable société estudiantine, alors que ses efforts pour intégrer l'équipe de football de l'université se révèlent vains : cet échec le marquera toute sa vie. Ce n'est que lors de sa deuxième année dans le New Jersey que le futur écrivain parvient à se faire des amis, ainsi qu'une place dans les journaux de l'université. Accompagné de Edmund Wilson et John Peale Bishop, Scott participe ainsi a l'écriture d'une comédie musicale du Princeton Triangle Club et offre sa plume au magazine humoristique Princeton Tiger et au Nassau Literary Magazine... Reste que Butler, Byron, Coleridge et Keats deviennent vite trop envahissants. Scott néglige ses études au profit de la poésie. Bientôt, il quitte Princeton sans le diplôme.
À l'époque, c'est l'armée qui est la plus à même de réaliser ses rêves de gloire. Il s'y engage en 1917, à l'entrée en guerre des États-Unis lors de la Première Guerre mondiale et, en juin 1918, est envoyé à Camp Sheridan, près de Montgomery, en tant que sous-lieutenant. C'est là qu'il tombe amoureux de l'excentrique Zelda Sayre, dix-huit ans mais déjà pleine d'esprit. Dans le but de la conquérir, il écrit l'ébauche de ce qui sera son premier roman : Le Romantique Égotiste. Rejeté deux fois par Maxwell Perkins, il est finalement accepté en juillet 1919 sous le titre de L'Envers du paradis, et paraît en librairie le 26 mars 1920. Malgré d'évidentes lacunes, le roman connaît un énorme succès, et fait de son auteur le représentant de toute une génération, celle de L'Ère du Jazz. Les retombées financières permettent à l'écrivain d'épouser Zelda. Comme nombre de leurs compatriotes, Francis Scott Fitzgerald et sa femme décident de tirer profit du dollar fort et émigrent alors en France (à Paris (Montmartre) et sur la Côte d'Azur où il fréquenta l'Hôtel du Cap et Eden Roc (été 1922), puis les villas America, Paquita et Eilenroc avant la villa Saint-Louis.
C'est sur la Côte-d'Azur, qu'après Les Heureux et les Damnés, il écrit son premier grand roman,Gatsby le Magnifique, dont il fait lire le manuscrit à Ernest Hemingway à la terrasse de La Closerie des Lilas, une brasserie de Montparnasse ; et le jeune journaliste d'alors est enthousiaste. Maxwell Perkins, des éditions Scribner (qui publient Fitzgerald depuis ses débuts), aussi, d'ailleurs : enchanté par le style de l'écrivain, il se met à rêver d'une grande destinée pour le roman. À la mise en vente de Gatsby le Magnifique, en avril 1925, malgré les bonnes critiques, les ventes ne décollent pas, même si elles lui rapportent la jolie somme de 28 000 dollars. Cela ne satisfait guère l'écrivain, et Fitzgerald est donc forcé de continuer à écrire des nouvelles, puisque le Saturday Evening Post et d'autres journaux les lui achètent encore à prix d'or.
Gatsby, ruiné, n'en devenait pas pour autant un ni riche ni pauvre comme Nick : Fitzgerald le montre comme un riche par essence se trouvant ne l'être plus par accident et de façon provisoire: la fortune lui reviendra vite tandis que Nick, lui, ne quitte jamais vraiment sa condition initiale malgré quelques gains momentanés. Une grande partie des nouvelles ultérieures portera en filigrane ce même message, à un point que mentionneront tous les commentateurs de Fitzgerald : Les riches sont différents. Même dans une nouvelle sentimentale comme Trois heures entre deux avions, le souci d'afficher comme d'évaluer un statut social est décrit sans complaisance.
Trop d'excès amènent à une fin rapide. Après l'aventure de Zelda avec Édouard Jozan, aviateur français rencontré sur la Riviera, Francis Scott devient invivable. Et son succès, quoique très relatif commercialement, relègue Zelda à un rôle secondaire en totale contradiction avec sa nature. Ses tentatives pour atteindre la célébrité - peinture, danse, littérature - sont méritoires mais se révèlent vaines, et sa schizophrénie apparaît.
Dès la fin de 1926, Scott est appelé à Hollywood et Zelda commence à perdre la tête, et le fait d'entendre désormais les fleurs parler l'oblige à entamer une tournée des maisons de repos, ce qui rend les dernières années de l'écrivain très difficiles. Entre les visites à sa femme (Fitzgerald fait interner Zelda en Suisse, puis à Asheville ; toujours dans les meilleures cliniques), son propre alcoolisme, les dépressions psychologiques et les soucis financiers (lire le recueil de nouvelles : La Fêlure ; et la déchirante nouvelle du même nom), Francis Scott Fitzgerald parvient toutefois - au bout de neuf ans ! - à écrire Tendre est la nuit, aujourd'hui considéré comme son chef-d'oeuvre. Pourtant, les meilleurs livres de Fitzgerald sont ceux qui se vendent le moins bien, et celui-ci ne fait pas exception.
C'est dans la misère que Francis Scott Fitzgerald meurt à Hollywood en 1940, alors qu'il exerce la profession détestée de scénariste. Il laisse le fort prometteur Dernier Nabab inachevé. Sa femme meurt quelques années plus tard dans l'incendie qui ravage le sanatorium d'Asheville, où elle est internée. Le temps a fait de Fitzgerald l'émouvante incarnation du talent gâché et incompris. De son vivant, les critiques n'ont souvent vu dans ses romans que le reflet de la vie insouciante de leur auteur, passant au travers de leur grande force tragique. La capacité de Scott Fitzgerald à capter l'instant, à définir les atmosphères, dans le style visuel et hautement lyrique qui lui est propre - en somme : son génie - est aujourd'hui pleinement reconnue.
- Si de nombreuses biographies de Francis Scott Fitzgerald existent, celle de Matthew Bruccoli fait référence. Elle est disponible en poche : Francis Scott Fitzgerald - Une certaine grandeur épique, Éditions de la Table ronde.