Le talent de Jean-Loup Dabadie lui a permis de faire plusieurs carrières simultanément : scénariste, romancier, parolier, dramaturge, journaliste. Peu d'auteurs peuvent revendiquer autant de titres. Côté chanson, cet homme toujours souriant connut beaucoup de succès grâce à la diversité de ses interprètes.
Fils de Marcel Dabadie, qui fut aussi parolier (
Maurice Chevalier, Julien Clerc, Les Frères Jacques), Jean-Loup Dabadie voit le jour à Paris en 1938. Il passe son enfance à Grenoble chez ses grand-parents, puis poursuit ses études, d'abord au lycée Janson-de-Sailly, puis au lycée Louis-le-Grand. Par la suite, la Faculté des Lettres de Paris accueille le jeune homme, qui se passionne déjà pour l'écriture.
En 1957, alors qu'il n'a que dix-neuf ans, Jean-Loup Dabadie publie son premier roman, aux éditions du Seuil. Cette oeuvre, intitulée Les Yeux secs, est suivie l'année suivante par Les Dieux du foyer. Pendant ses débuts de romancier, le jeune auteur amorce une carrière de journalisme grâce à Pierre Lazareff, dirigeant de Candide. Pendant cette période, il collabore également à la création de la revue Tel quel, avec
Philippe Sollers et Jean-Edern Hallier et écrit des critiques de films et des reportages pour Arts.
Déjà fort occupé, Jean-Loup Dabadie écrit dès 1962 pour la télévision. Il fait alors équipe avec Jean-Christophe Averty et
Guy Bedos pour les émissions produites par Michèle Arnaud (Histoire de sourire et Les Raisins verts). Vient, ensuite, le temps du service militaire, pendant lequel Jean-Loup est affecté aux parachutistes, dans une caserne de Tarbes.
Au cours de son service, l'auteur envoie quelques sketches à Guy Bedos, dont Bonne fête Paulette et Le boxeur. Peu après, en 1963, alors que Jean-Loup regarde la télévision, il a l'honneur de voir Guy interpréter ses deux sketches. Cette nouvelle collaboration donnera naissance à d'autres joyaux de l'humour tel que Monsieur Suzon, Un jeune homme de lettres ou Dernier dans la première.
Jean-Loup Dabadie amorce également, pendant les années soixante, une brillante carrière de scénariste. Il collabore, au fil des années, avec les plus grands réalisateurs français :
Claude Sautet (Les choses de la vie, César et Rosalie, Une histoire simple), Yves Robert (Salut l'artiste, Un éléphant ça trompe énormément, Nous irons tous au paradis),
Claude Pinoteau (Le Silencieux, La Gifle, La Septième Cible), François Truffaut (Une belle fille comme moi, 1971).
La carrière de l'auteur fut également marquée par le théâtre. En effet, Jean-Loup Dabadie a signé plusieurs pièces dont La Famille écarlate (1967), Le Vison voyageur (1969), Madame Marguerite (1974) et Double mixte (1986).
Après tous ces métiers reliés à l'écriture, il n'est pas étonnant que Jean-Loup Dabadie se lance dans l'écriture de chansons. Dès 1967, il écrit, sur une musique de Jacques Datin, qu'il considère comme son parrain, Le petit garçon pour
Serge Reggiani. L'interprète, qui a toujours su choisir des auteurs et des compositeurs de qualité, enregistrera pendant sa carrière plusieurs autres joyaux signés Dabadie : Et puis (1968), De quelles Amériques (1970), L'Italien (1971), Hôtel des voyageurs (1972), Les mensonges d'un père à son fils (1972), Le vieux couple (1972).
C'est à la même époque que Régine, qui vient de se lancer dans la chanson et se cherche un répertoire de qualité (elle a chanté
Gainsbourg et Frédéric Botton, également) enregistre une chanson de Dabadie : Il m'a laissé deux cigarettes (1968). L'année suivante, en 1969, elle enregistre L'accident et, en 1970, Les filles de la rue d'Amérique. Plus tard, la chanteuse récidivera en chantant Moi mes histoires (1978).
La charnière des années 1960/1970 voit les interprètes de Jean-Loup Dabadie se multiplier considérablement. D'abord, Michel Polnareff collabore avec l'auteur dès 1969, ce qui donne Tous les bateaux, tous les oiseaux et Ring a ding. Cette collaboration se poursuit, au cours des années suivantes, avec beaucoup de succès : Dans la maison vide (1970), Holidays (1972), On ira tous au paradis (1972), Lettre à France (1977), Jour après jour, Nos mots d'amour.
Mireille Mathieu chante également Jean-Loup Dabadie, avec plus ou moins de succès : C'est la vie mais je t'aime (1970), Pour toi (1970), L'homme qui sera mon homme (1971) et C'était dimanche (1972). Autre grande vedette, Claude François chante Je danse (1971) et Nina nana (1972), du même auteur. Parmi les autres interprètes de cette époque figure Marcel Amont (Dagobert, 1970, L'école), Michèle Arnaud (La maison), Barbara (Marie-Chenevance, 1971), Dalida (Le clan des Siciliens, 1970), Juliette Gréco (Ta jalousie, 1974), Marie Laforêt (La ballade de Clérambard) et Dominique Walter (Les années 1970, 1969, L'enfant sur la montagne). Enfin, en 1974, il écrit le texte qui consacre le retour de
Jean Gabin à la chanson, Maintenant je sais (qui est plutôt un monologue, qu'une chanson).
Au milieu des années 1970,
Jacques Dutronc, qui diversifie ses auteurs, collabore également avec Jean-Loup Dabadie : J'comprends pas (1975) et Mais surtout sentimentale (1975).
Petula Clark interprète Dans la ville, en 1973 et
Nicole Croisille La femme et l'enfant, en 1977. Cette dernière interprète également d'autres chansons de l'auteur (David, Au revoir et merci). Cependant, cette période est surtout marquée, pour Jean-Loup Dabadie, par sa collaboration avec
Julien Clerc.
En effet, ce dernier amorce alors un virage et a besoin de nouveaux paroliers. En 1976, Jean-Loup lui écrit la chanson Le coeur trop grand pour moi et, en 1978, Ma préférence, qui deviendra un classique du répertoire de l'interprète. La collaboration entre Julien Clerc et Jean-Loup Dabadie donnera naissance, au fil des années, à d'autres magnifiques classiques de la chanson : L'assassin assassiné (1980), Femmes, je vous aime (1982), Je suis mal et Elle danse ailleurs (1997), entre autres.
Par ailleurs, au début des années 1980,
Robert Charlebois, qui amorce également un virage dans sa carrière, se tourne lui aussi vers Dabadie : Nuage no 9 (1979), Meurs pas (1982), Les chiffres parlent (1982). Pendant cette période, l'auteur signe également les dernières chansons d'
Yves Montand (L'addition, 1980, Valentin).
Johnny Hallyday ajoute également des chansons de Jean-Loup Dabadie à son répertoire, dont J'ai épousé une ombre, en 1983.
Ces années, où ne cesse de s'allonger la liste des interprètes de Dabadie, nous ont laissé d'autres beaux fleurons de la chanson dont, entre autres, L'homme au bras fermés, que chante Alice Dona, en 1980. Aussi, plusieurs artistes ayant jadis connu leur heure de gloire tentent de renouveler leur répertoire grâce à la désormais prestigieuse plume de l'auteur dont
Sacha Distel (Donne-moi la main encore, 1982), Patrick Juvet (Rêves immoraux, Le saturnien, 1982) et Nicoletta (Un homme, 1981).
Michel Sardou, est quant à lui, toujours au sommet de la gloire, après des années 1970 difficiles. Jean-Loup Dabadie lui écrit plusieurs succès, qui s'ajoutent à la longue liste de ceux que Sardou a déjà remportés : Chanteur de jazz (1985), L'acteur (1987), Tous les bateaux s'envolent (1987), Féminin comme, Salut, Road book...
Les années 1990 n'arrêtent guère l'auteur qui écrit pour les enfants (Petit bateau, 1997 par
Sylvie Vartan). Richard Cocciante, qui avait déjà interprété Jean-Loup Dabadie, enregistre Être aimé, en 1993. La même année, l'auteur écrit Tout le temps, tout le temps pour Elsa.
Enfin, d'autres interprètes ont jalonné la carrière de parolier de Jean-Loup Dabadie, dont Didier Barbelivien,
Liane Foly (La Chanson d'Hélène (de son film Les Choses de la vie, là chanté par
Romy Schneider et
Michel Piccoli), La Bicyclette bleue), Jesse Garon et
Henri Salvador.
Pendant sa brillante et multiple carrière, Jean-Loup Dabadie aura été récompensé pour son talent à plusieurs reprises. D'abord, il reçoit le grand prix Vincent Scotto, en 1972. Suivront, le grand prix de la Sacem, en 1984 et le Grand prix de la chanson française, en 2000. Côté cinéma, deux de ses films ont reçu le prix Louis Delluc (La Gifle et Les Choses de la vie). Enfin, ce qui fait la force de Jean-Loup Dabadie, c'est d'avoir su toucher plusieurs aspects de l'écriture. Bref, un homme multiple, mais de talent.
Après un échec en 1989 où il avait récolté 13 voix, il est élu le 10 avril 2008 à l'Académie française au fauteuil de Pierre Moinot (fauteuil no 19). Avec lui, l'Académie renoue avec le cinéma, qui n'était guère représenté sous la Coupole depuis la mort en 1981 de
René Clair, élu au même fauteuil en 1960. Il est intronisé par ses pairs le 12 mars 2008 et prononce, selon la tradition, l'éloge de son prédécesseur, devant un parterre d'amis et de proches.