Puîné d'une famille de six enfants, orphelin de mère à l'âge de deux ans, ce fils d'un maréchal-ferrant est élevé par ses grands-parents maternels qui exploitent une tuilerie à Villers-Robert, Jura. Le village lui servira de décor pour La Jument verte et de nombreux autres romans tels que La Vouivre, Gustalin ou encore La Table aux crevés (1929). C'est de ce monde-là qu'il s'inspire pour décrire les très vives passions politiques, anticléricales ou religieuses du monde rural. Il expérimente d'ailleurs lui-même ces querelles à l'intérieur de sa propre famille puisqu'il faudra attendre la mort du grand-père (anticlérical) pour le faire baptiser à l'âge de sept ans. En 1910, à la mort de sa grand-mère, il est pris en charge par une tante, employée de magasin, qui le place en pension au collège de Dole, mais il retourne passer ses vacances à la campagne où il se fait berger à l'occasion . Bien qu'élève médiocre, il prépare le concours de Polytechnique ; toutefois l'épidémie de grippe espagnole qui sévit à l'automne 1919 met fin à ses études et le laissera longtemps d'une santé fragile.
Voir ses oeuvres et son enfance.
Après son service militaire de (1919) a (1923), il arrive à Paris où il exerce les métiers les plus divers : employé de banque, agent d'assurance, journaliste. Il ne se trouve aucun talent :
Il profite pourtant d'une convalescence pour écrire son premier roman très remarqué : Brûlebois publié en 1926, puis Aller-retour (1927), La Table aux crevés (1929) qui obtient cette même année le prix Renaudot, La Rue sans nom (1930) qui obtient le Prix du roman populiste. Mais c'est avec La Jument verte (1933) que Marcel Aymé obtient la grande notoriété. À partir de là, il considère la littérature comme un métier, il se lance en même temps dans le cinéma et commence à s'intéresser au théâtre. C'est avant la Seconde Guerre mondiale qu'il a écrit Vogue la galère, pièce qui ne sera jouée qu'en 1947.
Son parcours est en effet déconcertant. Tandis qu'en pleine Occupation il fait équipe au cinéma avec un réalisateur marxiste, Louis Daquin, il donne dans le même temps romans et nouvelles à des journaux collaborationnistes : Je suis partout, La Gerbe, mais comme il n'y a dans ses textes aucune trace d'engagement politique, il ne sera pas mis sur la liste noire des écrivains à la Libération. Il a même férocement tourné en dérision le régime nazi avant 1939 (Voir :Travelingue , et La Carte ou Le Décret dans Le Passe-muraille) et n'a donné aucun gage de ralliement à l'occupant après 1940. Ironie du sort, c'est une collaboration cinématographique avec la Continental film qui lui vaudra un « blâme sans affichage » en 1946, pour avoir « favorisé les desseins de l'ennemi » , En conséquence, il refuse la Légion d'honneur qui lui est proposée trois ans plus tard en 1949. Il est alors invité à l'Élysée, invitation qu'il décline en s'estimant indigne pour le motif qui a entrainé son blâme et il écrit :
En réalité, ce ne sont pas ses écrits ni son scénario qui lui valent l'accusation de collaboration, c'est la défense de ses amis : Robert Brasillach (en 1945), Maurice Bardèche (en 1949) et Céline (en 1950).
L'écrivain a été attaqué par tous ceux qui ne supportaient pas que ses romans décrivent assez crûment la France des années quarante et celle de l'épuration, mettant sur le même pied les collaborateurs monstrueux et les revanchards sinistres, décrivant avec une exactitude désinvolte le marché noir, les dénonciations, les règlements de comptes (Uranus, Le Chemin des écoliers). Mais il a surtout soutenu jusqu'au bout Robert Brasillach, tentant de faire signer à des intellectuels et des artistes de tout bord la pétition contre la peine de mort dont Brasillach était frappé. Albert Camus,
Jean Cocteau, François Mauriac et d'autres l'ont signée. Mais Brasillach a été fusillé quand même, De Gaulle ayant rejeté sa grâce.
Bien que très blessé par cet épisode, Marcel Aymé n'en continue pas moins à publier un grand nombre de romans, contes, nouvelles et de pièces de théâtre. Si ses oeuvres lui valent un immense succès populaire, la critique le met en pièces ou l'ignore, et cela jusqu'à sa mort. Champion du contre-courant, on lui reproche l'anti-américanisme de La Mouche bleue en pleine période pro-américaine.
À propos de sa pièce Les Oiseaux de lune, mise en scène par André Barsacq au Théâtre de l'Atelier, Elsa Triolet écrit naïvement : « On rit énormément à ces oiseaux de lune. Mais hier comme aujourd'hui, qu'on pleure ou qu'on rie, il y a quelque chose de pourri dans ce royaume-là ».
Et pourtant, au théâtre, Marcel Aymé obtient de grands succès en particulier avec La Tête des autres, mise en scène par André Barsacq au Théâtre de l'Atelier, une satire dont la magistrature est seule à ne pas rire.
La Tête des autres est le premier grand plaidoyer contre la peine de mort qui fait scandale. Marcel Aymé y ridiculise les procureurs de la République.