Sean Baker ou Steven Soderbergh avaient déjà tourné avec un smartphone, sans but commercial toutefois : le premier pour filmer clandestinement des comédiens non professionnels et trans dans les rues de L.A. (Tangerine, 2015), le second par défi surtout, le réalisateur de Sexe, mensonges et vidéo (1989) n’aimant rien moins que renouveler sa narration par l’épure (Paranoïa, 2018). Pas de considération esthétique ici : "La vie n'est qu'un rêve", le premier segment d’une longue campagne d’Apple, est avant tout une démonstration des dernières avancées techniques du produit phare (et extrêmement lucratif) de la marque à la pomme. Faire appel à un grand nom pour mettre en scène des produits de luxe, c’est une pratique courante ; souvent des enseignes de grands couturiers qui se mettent au parfum, déclinaison la plus profitable de leur marché : on se souvient du spot de Scorsese pour Bleu de Chanel (avec Gaspard Ulliel, récemment disparu), de celui de Wong Kar-wai chez Dior, ou encore Spike Jonze pour Kenzo (avec une Margaret Qualley en furie) mais ici, on a droit à un véritable court métrage de 21 minutes. Le “film” de Park Chan-wook (Old Boy, Mademoiselle) se présente comme un Wu xia pian à la manière d’Histoire de fantômes chinois (1987), dans un conte plus véritablement burlesque que kung-fu (la touche coréenne), les morts s’y battent pour un cercueil et à la fin, on a droit à un climax aux allures de trip hippie, ou plutôt… de bon coup de yuppie. Car on l’a bien compris, l’essentiel est de montrer les potentialités du téléphone : prise de vue en faible luminosité, qualité du contraste, profondeur de champ, etc. Apple, épinglé pour avoir fait travailler les Ouïghours par l’intermédiaire de ses sous-traitants, préfère sans doute en rester aux jolis aphorismes. “La vie n’est qu’un rêve”. Pour certaines minorités incarcérées dans les camps, c’est plutôt un cauchemar.