Les limbes du cinéma
Dans la religion catholique, les limbes désigne l'endroit où réside les enfants morts n'ayant pas reçu le baptême à temps.
Étant étudiant en Histoire je suis obligé de faire des recherches dans le cadre de mon Mémoire.
En faisant des recherches à la Bibliothèque Stanislas de Nancy (j’effectue mes études à Nancy) je suis tombé sur un ensemble de documents issus d'un journal intitulé "Nancy Spectacles: organe régional d'Actualités artistiques et d'informations: Théâtre-Musique-Cinéma-Arts-Lettres-Tourisme-Sports" les documents rassemblés vont de 1932 à fin 1939.
En feuilletant ces documents je me suis rendu compte que de très nombreux films populaires passant dans les cinémas de l'époque sont complètement tombés dans l'oubli.
C'est ainsi que j'ai découvert une quantité phénoménale de films dont sans doute même le plus érudit des cinéphiles ignore l'existence.
C'est ainsi qu'apparaissent des films aux titres saugrenus comme:
- Flofloche (datant de 1934)
- Poliche
- Révolte au zoo
- Mam'Zelle Nitouche
- Bagnes d'enfants
- Le vrai visage du Vatican
- Bouboule Ier, roi nègre
- Minuit... Place Pigalle
- Volga en flamme
- Les Gangsters de l'Océan
- L'Auberge du petit Dragon
- Nu comme un vers
- La Dactylo se marie
- L'Arche de Noé
- Les gaïétés de la finance (avec Fernandel)
- La guerre des gosses (variante de La Guerre des Boutons)
- Toi c'est moi (datant de 1937 et décrit comme "un gros succès de finesse et de comique")
La "Une" d'un des numéros du journal datant de 10 mars 1936 est consacré à "l'immense succès populaire" du moment. "Les Deux gamines" avec Jacqueline Daix et Claude Barghon surnommée "La Shirley Temple de Lorraine"
Sans compter une quantité de films monstrueuse avec Fernandel et Tino Rossi et des films étonnants avec Danielle Darrieux et Michèle Morgan.
Tout ces films tombés dans l'oubli total bien qu'étant des succès publics de l'époque. Montre que, avec le temps, les films finissent par tombés dans l'oubli total et se retrouvent à flotter dans les limbes du cinéma, succès à leur époque mais aujourd'hui totalement oubliés.
Donc ne désespérez pas, peut-être que, en l'an 2098, les cinéphiles de cette époque se souviendront de l’œuvre de Xavier Dolan ou d'Albert Dupontel et oublieront totalement "Bienvenue chez les Ch'tis", "A bras ouverts", "Power Rangers" ou "Cinquante Nuances de Grey". Et bien qu'aujourd'hui Internet permet de tout garder en mémoire, je doute sérieusement que en l'an 2098 Internet ait conservé ces films dans ces bases de donnés.
Et vous quels films connaissez-vous et qui sont tombés dans l'oubli le plus total au point de ne même pas passer à minuit le dimanche sur "France 3" ? Et quels films souhaitez-vous voir tomber dans l'oubli ?
Pour les intéressés qui habiteraient à Nancy je vous mets la côte du document, à consulter à la bibliothèque Stanislas de Nancy (pour le commander demander à la personne vous accueillant à l’entrée de la Salle Patrimoine): BMN STAN2 [SMAG2] 750060
Il y a actuellement un long cycle de films des années 30 à la cinémathèque de Paris, et pour chaque film (il y en a trois ou quatre par semaine), on est à peine une vingtaine alors qu'il y en a dix fois plus pour des séances de cinéma bis. Il y a pourtant dans le lot de très bons films. Je vois par exemple qu'il y a dans le lot Bouboule Ier, roi nègre, ben il y a moins d'un mois ils avaient projeté Le Comte Obligado, l'occasion de découvrir ce magnifique acteur qu'était Georges Milton. Je suis persuadé que dans plusieurs décennies, les rares qui verront nos comédies éphémères et à grand succès, les regarderont avec un intérêt tout particulier. Ensuite, c'est comme tout, un tire sur le fil de la bobine et on croit découvrir mille joyaux, des filons de partout, alors finalement que c'est qu'une question d'apprentissage du goût. Chaque genre ou époque possède ses propres exigences, et si on se moque des films de Tino Rossi, il est probable qu'à force d'en voir, on apprenne à les apprécier. Personne n'a encore inventé un manuel pour juger de leur qualité et les appréciations se font parfois à peu de choses, beaucoup à travers des préjugés. Et le préjugé actuellement, et c'est peut-être encore plus vrai depuis la politique des auteurs, et cela même quand on regrette la vision auteuriste de l'histoire parce que difficile de s'en affranchir aujourd'hui ; à moins que ce soit spécifique aux produits éphémères, vite consommés, vite appréciés, vus en masse, vite oubliés par ce même public... Il y a un siècle, c'était les serials de Feuillade ou des autres qui rameutaient les spectateurs, et de ceux-là n'en reste plus grand-chose (si on se rappelle de ceux de Feuillade, c'est bien à cause d'une vision biaisée auteuriste : dès qu'on a un nom, on suit un filon, on filmografond, on monographie, on rétrospectativise). L'histoire est toujours réductrice. Au début du cinéma, quelques Anglais bidouilleurs rencontraient semble-t-il un énorme succès avec des films d'une fraîcheur et d'une audace technique vues nulle par ailleurs, mais bientôt la puissance des studios français, scandinaves ou de la côte est des États-Unis reprendront les mêmes principes à une échelle industrielle et les éclipseront durablement de l'histoire, faisant dire une demi-siècle plus tard par le pape de l'auteurisme, Truffaut, que le cinéma britannique ne pouvait pas être mort pour n'avoir en fait jamais existé... Lui avait tout compris : pour rester dans l'histoire, nul besoin de proposer des œuvres populaires ou de qualité, le seul moyen était d'assurer sa publicité auprès de ceux qui font l'histoire, ceux qui l'écrivent, qui en parlent, historiens et critiques ; et c'est ainsi que chaque année, le bonhomme allait assurer sa publicité de l'autre côté de l'Atlantique (une autre suit la même leçon : Claire Denis, passablement inconnue chez elle, elle est déjà considérée comme une des meilleures cinéastes françaises de tous les temps par "ceux qui savent" et font l'histoire du cinéma de demain).