Enfant, David Hemmings fut un chanteur célèbre : il débute à douze ans dans le rôle de Miles dans l'opéra The Turn of the Screw de Benjamin Britten puis part en tournée nationale et européenne pendant cinq années, au terme desquelles, devenu adolescent, il perd sa voix. Entre temps, Britten, le plus grand compositeur anglais vivant, a composé pour lui ! Le garçon reprend sa scolarité mais, malgré ses prouesses sportives, ne parvient pas à s'intégrer. Hemmings quitte l'école et ses parents pour entrer dans un atelier d'art dramatique à Londres. A quinze ans, l'enfant prodige débute au cinéma dans le drame The Rainbow Jacket et organise la première exposition de ses peintures. Il participe trois ans plus tard à la superproduction américaine d'Otto Preminger, Sainte Jeanne, avec Jean Seberg. Ce dernier fait un flop retentissant.
Déçu par les rôles qu'on lui propose (qui n'exploitent que sa juvénilité apparente), David prend le large pendant deux années - deux ans de vacances façon Jules Verne... On le retrouve portraitiste de rue à Juan-les-Pins et Paris, musicien et chanteur dans des night clubs en Autriche, sauveteur de montagne dans le comté de Cumberland !
A dix-huit ans, Hemmings a déjà vécu plusieurs vies. Il décide alors de relancer sa carrière d'acteur.
David Hemmings se fait rapidement un nom sur la scène d'avant-garde du Royal Court de Londres. Il travaille parallèlement avec les meilleurs artisans du cinéma britannique : après Basil Dearden et
Jack Lee Thompson, Clive Donner, Lance Comfort, Roy Ward Baker et surtout Michael Winner le dirigent. Si la participation de David à Play It Cool/Nus au soleil (film de propagande naturiste) n'est pas créditée, il tourne avec ce dernier deux autres films (mineurs) emblématiques du Swinging London. Le jeune acteur accède aux premiers rôles : d'abord à la télévision, dès 1961, dans l'éphémère série Home Tonight, puis dans le film musical Be My Guest. Cependant, il joue encore un rôle en retrait dans Le Mystère des 13/L'Oeil du malin au côté des prestigieux David Niven et Deborah Kerr.
L'heure de David approche. Un cinéaste étranger, mythique, le repère sur scène et oublie aussitôt qu'il a promis le rôle principal de son prochain film à Terence Stamp (qui ne s'en remettra jamais vraiment) : celui de Thomas, un photographe de mode témoin malgré lui d'un meurtre.
Blow-up de Michelangelo Antonioni, Grand Prix du Festival de Cannes, sacre David Hemmings star des cinéphiles et des Sixties. Premier film où l'on expose un sexe féminin sans but pornographique, il sera aussi le film le plus représentatif du Swinging London : y apparaissent ainsi les Yardbirds et Jane Birkin encore adolescente. Dans le sillage de ce triomphe, l'idole expose, conjointement avec Dennis Hopper, son oeuvre picturale à Los Angeles.
Par la suite, Hemmings travaille avec Tony Richardson pour une superproduction historique, un épisode de la guerre de Crimée (déjà illustré avec Errol Flynn), Joshua Logan pour la comédie musicale Camelot avec Richard Harris en vedette (qu'il retrouve sur le film catastrophe Terreur sur le Britannic de Richard Lester), Roger Vadim pour la science-fiction érotique Barbarella avec Jane Fonda. Hemmings fut pressenti en 1969 par Stanley Kubrick pour jouer le rôle titre de son film Napoléon, jamais réalisé hélas.
L'acteur remporte un grand succès dans le rôle titre de l'épopée historique Alfred le grand mais opte rapidement, avec Le Club des libertins et surtout Le Tunnel de la peur de Richard Sarafian, première collaboration professionnelle avec Gayle Hunnicutt, pour le cinéma bis.
Il continue sa carrière de manière erratique, de Dario Argento à Claude Chabrol en passant par José María Forqué... Par la suite il est cantonné dans des rôles de complément (L'Ile des adieux, Le Piège infernal, Meurtre par décret) ou des productions de second ordre (Squadra antitruffa tourné en Italie, ou même
Harlequin, histoire fantastique signée par l'australien Simon Wincer), récoltant parfois d'excellentes critiques :
Le Doute, Charlie Muffin à la télévision - personnage d'espion plus proche de Columbo que de James Bond - voire le thriller Mort d'un prof de John Mackenzie).
Le comédien explore le riche filon du thriller, jusqu'au fantastique ou l'horreur. L'ancien partenaire de Vanessa Redgrave, Samantha Eggar, Trevor Howard, John Gielgud, n'y démérite pas face à des pointures telles que Alida Valli, John Hurt et Peter O'Toole...
Dans les années 80, Hemmings est presque tombé dans l'oubli. Ainsi Télé Poche en septembre 1986 titre sur lui "une drôle de carrière" et définit son personnage comme un "intellectuel séduisant" (ce qui ne risque pas de le populariser !) ; en juin 1988, le magazine précise sa pensée : Hemmings "n'effectue en réalité qu'une carrière marginale, marquée par quelques grands films (Blow Up, La Charge de la brigade légère) et surtout axée sur un cinéma moins commercial". Par ailleurs, dans les multiples éloges décernés à son film le plus glorieux (Blow Up bien sûr), sa prestation est en général ignorée (cf Télérama numéro 1913), peut-être à cause de la "stricte objectivité" dont parle Alain Rémond et d'une forme de neutralité qui en découle dans le jeu de David...
Ces derniers temps, après une éclipse de dix années, le sex symbol des années 60 a joué dans des grosses productions américaines telles que
Gladiator de son compatriote Ridley Scott, Gangs of New York de Martin Scorsese et
La Ligue des gentlemen extraordinaires avec Sean Connery en vedette. Cependant la séduction de Thomas a disparu et peu reconnaissent le héros de Blow Up.
L'envie de mise en scène serait venue à David Hemmings en observant Antonioni. Quelques années plus tard, il dirige deux séquences de Alfred le grand et réalise son premier film en 1972. Il s'illustre dans la réalisation avec Running Scared, où il dirige sa femme Gayle Hunnicutt et Robert Powell, C'est mon gigolo, son film le plus célèbre qui réunit David Bowie, Marlene Dietrich et Kim Novak, et Le Survivant d'un monde parallèle, production américano-australienne et oeuvre fantastique avec de nouveau Robert Powell. Hélas, ses films sont en général descendus par la critique. Par exemple, Télé Poche encore souligne à propos du Survivant "la faiblesse du scénario et son manque de rigueur" ; et Télérama descend en flammes Les Bourlingueurs : "sur le thème ressassé de la chasse au trésor, Hemmings n'a eu qu'un mérite, celui de ne pas se prendre au sérieux".
Hemmings réalise ensuite de nombreux épisodes de séries télévisées (Magnum, Agence tous risques avec George Peppard - que Hemmings avait dirigé au cinéma dans Les Bourlingueurs - ou encore Code Quantum), se réservant d'y apparaître comme acteur à l'occasion.
Cette carrière atypique correspond à la personnalité de Hemmings, qui s'était donné pour modèles les humanistes de la Renaissance, à la manière de Peter Ustinov - dont il se rapproche physiquement à mesure que les années passent.
Amateur d'expériences variées, il crée (avec John Daly) le Hemdale Group of Associated Companies qui offre une gamme de services complète aux acteurs. Jean Yanne a eu la même idée bien plus tard...
David Hemmings fut marié notamment avec la très belle actrice américaine Gayle Hunnicutt. Ils ont eu ensemble un fils, Nolan, qui s'est illustré à la télévision dans Band of Brothers (huit épisodes) en 2001 et dans le rôle titre (enfant) de David Copperfield en 1983 ; au cinéma Nolan Hemmings a joué avec son père dans Last Orders en 2001 et dans Romantik en 2007, le dernier film de David.
Mort quasi clandestinement lors d'un ultime tournage en Roumanie - qui atteste de sa passion pour l'actorat et de son internationalité - David Hemmings s'apprêtait à convoler pour la cinquième fois en "justes noces" !