Linda Darnell est née dans une famille pauvre du
Texas. Poussée par sa mère, elle fait des débuts précoces en tant que mannequin, sa mère déclare qu'elle a 16 ans alors qu'elle n'en a que onze. Plus tard, elle fait ses premières expériences de comédienne en interprétant des petits rôles dans des théâtres amateurs. En 1937, elle se présente à un casting à Dallas, organisé par des chasseurs de talents de la
20th Century Fox. Mais elle n'a que quatorze ans et les casteurs la jugeant trop jeune, ne la choisissent pas. Elle est pourtant remarquée grâce à sa beauté exceptionnelle et
Darryl F. Zanuck, le grand patron de la Fox en personne, la rappelle deux ans plus tard. La Fox triche sur sa date de naissance et lui fait signer un contrat en 1939 - Linda a 16 ans.
Elle complète ses études à la Central High School de Los Angeles, tandis qu'à la Fox on lui change son prénom.
Ses débuts sont fulgurants. On la fait tourner après quelques semaines, dans un second rôle, Hôtel pour femmes. La même année on lui donne comme partenaire la plus grande star masculine de la Fox
Tyrone Power dans Dîner d'affaires, elle enchaîne trois autres films avec lui : L'Odyssée des Mormons, et surtout
Le Signe de Zorro, classique du film d'aventures, et le flamboyant Arènes sanglantes où elle fait merveille en douce épouse délaissée affrontant la tentatrice
Rita Hayworth.
Linda a un quart de sang indien, son grand-père était cherokee, elle fut longtemps condamnée à des rôles exotiques conformes à la représentation stéréotypée d'une beauté brune « fatale » et « typée ». Elle interprète une Espagnole dans
Le Signe de Zorro et dans Arènes sanglantes ; une Indienne dans Buffalo Bill ; une Mexicaine dans
La Poursuite infernale ; une Eurasienne dans
Anna et le roi de Siam...
Malgré cela, les années quarante sont prodigieuses, elle tourne avec les plus grands réalisateurs,
Henry Hathaway,
Rouben Mamoulian,
Henry King, Douglas Sirk, William Wellman,
René Clair,
Otto Preminger, John Ford,
Preston Sturges,
Joseph L. Mankiewicz, avec des partenaires aussi brillants que
George Sanders,
Laird Cregar,
Rex Harrison,
Richard Widmark ou
Charles Boyer,
Anne Baxter ou
Veronica Lake...
Après les films de Mamoulian on la remarque surtout dans une excellente comédie fantastique, C'est arrivé demain du réalisateur français, alors exilé à Hollywood,
René Clair. Elle rompt ensuite son image de femme douce (elle a même interprété la Vierge Marie dans
Le Chant de Bernadette) pour incarner les femmes vénales dans de somptueux films noirs, genre en vogue à l'époque, comme l'original
Crime passionnel d'
Otto Preminger qui observe la province américaine d'une manière froide et lucide et Hangover Square, mélodrame baroque à l'atmosphère morbide et cauchemardesque. En 1946, elle revient au western et fait une composition remarquée dans le rôle de Chihuahua aux côtés de
Henry Fonda et
Victor Mature dans un chef-d'oeuvre de John Ford,
La Poursuite infernale.
Deux réalisateurs particulièrement lui donnent les plus beaux rôles de sa carrière. Tout d'abord
Otto Preminger avec qui elle tourne quatre films. Après
Crime passionnel et Quadrille d'amour (film musical), elle décroche le rôle d'Ambre, héroïne du best seller historique de Kathleen Winsor, malgré une concurrence acharnée : Peggy Cumming (renvoyée après quelques jours de tournage),
Lana Turner (le choix de Preminger mais la MGM refuse de la prêter, à leur déception commune),
Susan Hayward entre autres. Son émouvante photogénie est transcendée dans
Ambre pour un rôle difficile parfaitement tenu de bout en bout. C'est ce flamboyant mélodrame en costumes, grand succès commercial, qui lui donne ses galons de star et la renommée internationale. Elle tourne encore avec Preminger La Treizième Lettre, un remake du film
Le Corbeau d'
Henri-Georges Clouzot, où elle succède à
Ginette Leclerc.
En 1949, après une étincelante comédie sophistiquée de
Preston Sturges, Infidèlement vôtre (d'après James Cain), c'est la rencontre avec le grand réalisateur
Joseph L. Mankiewicz pour un de ses meilleurs films : Chaînes conjugales, où elle rivalise avec
Jeanne Crain et
Ann Sothern. Le film triomphera aux oscars avec deux statuettes, l'une pour le meilleur scénario et l'autre pour la meilleure mise en scène qui reviendront toutes deux à
Joseph L. Mankiewicz. Alors en instance de séparation d'avec son premier mari, le directeur de la photo J. Peverell Marley, Linda Darnell tombe amoureuse du réalisateur pendant le tournage et ils vivront une relation tumultueuse pendant six ans.
Déception
Elle est de nouveau dirigée par Mankiewicz pour La porte s'ouvre, film à thèse sur la discrimination raciale, mais leur relation s'achève après que le réalisateur refuse de lui confier le rôle de Maria Vargas (qui semble inspiré par elle aussi bien que par
Rita Hayworth ou
Ava Gardner) dans
La Comtesse aux pieds nus. En effet, celle que Mankiewicz avait dirigée dans Chaînes conjugales et La Porte s'ouvre était persuadée que le rôle de Maria Vargas lui était destiné. Non seulement parce qu'elle détestait les chaussures et avait l'habitude de marcher pieds nus, mais surtout en raison du fait que le scénario avait été écrit par Mankiewicz à Glen Cove, Long Island, la plupart du temps dans sa chambre à coucher et avec son aide. L'actrice a toujours dit que Mankiewicz lui avait promis de l'appeler dès que les contrats seraient établis. Elle retourna rassurée à Los Angeles... et apprit par le journal qu'
Ava Gardner aurait le rôle. Cette trahison provoqua leur rupture. En dépit de cela, l'actrice déclarera toujours que Mankiewicz avait été le grand amour de sa vie.
Déclin précoce
Mais malgré sa carrière, les chefs-d'oeuvre, les grands réalisateurs et son statut de star, les années noires commencent.
En 1951, la Fox ne renouvelle pas son contrat. Assurée de sa renommée, la RKO l'engage pour quelques films dont l'efficace film de pirates
Barbe-Noire, le pirate de
Raoul Walsh avec le truculent
Robert Newton et dans un thriller haletant Passion sous les tropiques avec
Robert Mitchum.
Mais, curieusement à 31 ans, Linda Darnell ne tourne plus que des films mineurs, la déchéance va être rapide et l'actrice va sombrer dans l'alcoolisme.
Après deux films italiens réalisés par son compagnon Giuseppe Amato en 1955, elle renoue avec un certain succès dans le théâtre et joue dans une dizaine de pièces comme Tea and sympathie, Janus ou encore Late love. Elle tourne également dans quelques épisodes de séries à la télévision. Linda Darnell revient au cinéma en 1964 avec son dernier film Les Éperons noirs. Elle ne vit jamais ce film car, alors qu'elle regardait à la télévision un de ses anciens films, Star Dust, un incendie se déclara à cause d'une cigarette mal éteinte. L'actrice, surnommée "l'ange de Hollywood" par la presse, est brûlée vive et meurt de ses blessures le 10 avril 1965, 33 heures plus tard à l'hôpital dans d'atroces souffrances.
En 1944, elle épouse le directeur de la photo J. Peverell Marley rencontré sur le tournage de son premier film Hôtel pour femmes, ils adoptent une petite fille, Charlotte Mildred, en 1948.
On lui prête des liaisons avec notamment Howard Hugues,
Tyrone Power,
Dana Andrews, le réalisateur italien Giuseppe Amato, et elle tombe amoureuse du réalisateur
Joseph L. Mankiewicz avec qui elle vit une relation jusqu'en 1954 et qui se serait inspiré d'elle pour le scénario de
La Comtesse aux pieds nus. Après son divorce en 1951, elle fait un mariage éclair avec un riche brasseur Phillip Liebman (1954-1955) puis 1957 avec Merle Roy Robertson, un pilote de ligne, qui divorce en 1963, lui reprochant son penchant pour l'alcool.