Jacques Feyder débute au théâtre en 1908 et est figurant dans plusieurs films avant de devenir l'assistant de Gaston Ravel de 1912 à 1915. Il tourne en Afrique son premier grand film, L'Atlantide en 1921, dans des décors naturels pendant huit mois. Cette oeuvre révèle sa maîtrise de la peinture des grands espaces, maîtrise que l'on retrouve dans un autre chef-d'oeuvre, Visages d'enfants (tourné en 1923, sorti en 1925), tourné en grande partie en décors naturels dans le Haut Valais suisse. La critique de l'époque a bien souligné cette authenticité de cadre. Pour l'Atlantide, déjà, Feyder n'avait-il pas refusé de tourner ses extérieurs en France où les paysages désertiques de Fontainebleau auraient pu faire l'affaire ! Feyder a tenu à partir pour le Sahara, sur les lieux mêmes décrits par Pierre Benoît pour tourner ses extérieurs. Parti pris pratiquement inouï pour l'époque ou la location shooting n'est pas encore de mise. Pour Visages d'enfants, pas question non plus de tricher. Feyder tout naturellement emmène sa troupe dans le Haut Valais, où sont tournés tous les extérieurs pendant le printemps et l'été de 1923. D'authentiques paysans, dont beaucoup n'ont jamais vu une caméra, ni même assisté à une projection de film, composent la figuration, donnant un saisissant relief à des scènes telles que le cortège funèbre et la séquence des noces. Ces scènes d'ailleurs sont tournées dans le village de Grimentz, où Feyder et Françoise Rosay reviendront près de 20 ans plus tard pour la réalisation d'Une femme disparaît. Seuls les intérieurs du chalet et la chapelle, enterrés sous l'avalanche, tout comme certains raccords, seront tournés en studio à Paris. Si l'exemple des films suédois a été bien compris par Feyder lors du tournage de Visages d'enfants, l'influence de Gance et même de D. W. Griffith sont tout aussi sensibles. Les célèbres expériences de Gance avec le montage accéléré de la Roue exercent alors une influence certaine sur tous les grands cinéastes français de l'époque - en effet, la scène de montage rapide devient la tarte à la crème de la technique cinématographique des années 1923-25 et on en trouve des séquences virtuoses "à la Gance" dans des films aussi disparates que Kean (Volkoff, 1923) ou la Brière (Poirier, 1924). Mais c'est Feyder qui l'utilise le mieux, sans gratuité aucune, dans Visages d'enfants pour traduire le désarroi du jeune orphelin lors de l'enterrement de sa mère, où l'enfant, assailli par des images de plus en plus insupportables qui défilent à toute vitesse, finit par s'évanouir dans les bras de son père. On peut voir aussi l'influence de Griffith dans le dénouement de l'intrigue. Forest, accablé de remords pour avoir poussé sa belle-soeur vers la mort, se jette dans la rivière pour être sauvé de justesse par sa belle-mère d'une mort certaine dans les rapides. Cette séquence fait irrésistiblement penser au chef-d'oeuvre de Griffith Way Down East (À travers l'orage), d'autant plus que ce dernier sort tardivement à Paris en 1922, soit quelques mois avant que Feyder s'attèle à la rédaction de son scénario. Certains critiques ont vu dans ce happy end une concession commerciale, mais il faut convenir que rarement dénouement aura été aussi magistralement préparé et intégré - l'eau étant un des symboles récurrents et subtils de ce drame montagnard. Film intimiste, film sans vedettes, Visages d'enfants est néanmoins une production coûteuse qui assoira la réputation de Jacques Feyder en tant que cinéaste prodigue. Déjà le triomphe de l'Atlantide n'a pas effacé dans l'esprit des producteurs les exigences du réalisateur qui ont fait de ce film le plus coûteux de la production française. Encore une fois, c'est le tournage en extérieurs et sur place qui augmente le budget - le tournage dans le Haut Valais, prévu pour deux mois, s'étire sur quatre puisque le soleil, imprévisible, se fait souvent attendre. Des déboires d'ordres financiers mettent en péril le destin commercial du film. Soucieux d'assurer une meilleure diffusion à leurs films - à l'instar des Artistes Associés -, Feyder et ses confrères Max Linder et René Hervil avaient créé un consortium, les Grands Films Indépendants. Mais un désaccord survient entre Feyder et l'administrateur à la suite duquel les bobines impressionnées de Visages d'enfants seront mises sous séquestre. En fait, Feyder doit attendre un an - pendant lequel il tourne l'Image à Vienne pour la Vita-Film - avant d'achever son montage. Présenté en janvier 1925 Visages d'enfants sort enfin en mars de la même année, salué comme un film charnière par la critique et boudé aussitôt par le public, qui, semble-t-il, n'accepte pas l'âpreté psychologique qui en fait aujourd'hui un des chef d'oeuvres du cinéma touchant au monde de l'enfance. Jean Mitry écrit même que "s'il me fallait retenir un seul film de toute la production française des années 1920, c'est assurément Visage d'enfants que je retiendrai".
Le Prix international de la mise en scène lui est décerné en 1936 à la Mostra de Venise pour La Kermesse héroïque.
Il est naturalisé français en 1928.
Il épouse l'actrice
Françoise Rosay, qu'il fait tourner dans ses principaux films : La Kermesse héroïque, Le Grand Jeu... Deux de leurs enfants sont réalisateurs : Paul Feyder et Bernard Farrel. Le troisième, Marc Fréderix, est décorateur.
Un lycée porte aujourd'hui le nom de Jacques-Feyder à Épinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis).