Dernier né d'une famille de sept enfants, Vittorio Mezzogiorno naît à Cercola, où ses parents se sont momentanément installés. La famille est modeste, mais dès leur retour à Naples, Vittorio suit des études classiques. Très vite, il devient obsédé par la boxe au point de rêver devenir champion de sa catégorie. Cette passion le poursuivra toute sa vie. En attendant ce jour de gloire qui n'arrivera jamais, il habite avec sa famille entre la Baie de Chiaia et l'avenue Regina Elena. Élève studieux le jour, il s'échappe volontiers à la nuit tombée par pur goût du risque. Cette double vie va être un handicap dans son cursus scolaire, mais son frère aîné Vincenzo, qui rêve de devenir metteur en scène, l'initie en secret aux joies des costumes et de la gestuelle théâtrale.
A 18 ans, Vittorio s'inscrit à l'Université et commence des études de médecine avant d'opter pour le droit. Il fait alors ses premières expériences en tant qu'acteur au Teatro S. où il récite des textes de Samuel Beckett et d'Eugène Ionesco. Désireux d'améliorer sa diction, il inflige alors aux siens de longues soirées où il travaille sa voix sur des extraits du Code pénal. En 1962, à 21 ans, il incarne Estragon dans En attendant Godot au "Piccolo teatro" de Naples.
En 1966-1967, il rejoint la troupe d'
Eduardo De Filippo et obtient un diplôme. Sa voie est tracée : il sera comédien. En 1969, il rencontre la comédienne Cecilia Sacchi, alors très célèbre, dont le père est réputé avoir appris le piano sur les genoux d'Arturo Toscanini. Ils décident ensemble de monter L'Assemblée des femmes, pièce d'Aristophane dans le théâtre grec de Ségeste, en Sicile. Leur collaboration tourne vite à une relation amoureuse et ils se marient le 14 octobre 1972. De leur union naîtra le 9 novembre 1974 leur unique enfant, une petite fille qui deviendra l'actrice italienne
Giovanna Mezzogiorno.
La famille s'installe alors à Rome où Vittorio se consacre pleinement au théâtre, d'abord dans la troupe des Fratelli Giuffè, puis aux côtés de l'actrice vénitienne Lauretta Masiero, des comédiens Gianni Santuccio, Gianrico Tedeschi et Mario Scaccia. Par la suite, il travaille avec Flavio Bucci, Stefano Satta-Flores, Christiana Censi et Isabella del Blanco.
En 1971, il débute aux côtés de
Michele Placido dans Indagine su una rapine (Enquête sur un vol) de Gianpietro Galeazzo. Ce film, prévu pour la télévision ne voit le jour qu'à la radio. L'année 1972 marque ses débuts dans le petit écran avec Il Picciotto, d'Alberto Negrin. En 1975 il débute au cinéma avec La Cecilia, du réalisateur français
Jean-Louis Comolli. Il tourne alors bon nombre de films en Italie tout en continuant de se produire sur scène.
C'est
Jean-Jacques Beineix qui lui ouvre les portes du cinéma français avec
La Lune dans le caniveau où il partage l'affiche avec
Gérard Depardieu et
Nastassja Kinski, mais la vraie reconnaissance vient, la même année, avec le rôle de Jean, marginal homosexuel, dans le troisième film de Patrice Chéreau: L'Homme blessé, où il est doublé par Depardieu. Acclamé par la critique, ce film, qui réunit aussi
Roland Bertin,
Jean-Hugues Anglade et Lisa Kreutzer, est interdit aux moins de 12 ans lors de sa sortie. Entre temps, Vittorio s'est installé à Paris, où sa famille finit par le rejoindre pour le début d'une grande aventure.
Plus de dix heures de spectacle, un an de répétitions, six mois d'entraînement aux arts martiaux: c'est l'enjeu du Mahabharata, transcription de la longue épopée sancrite de la mythologie hindoue que Peter Brook souhaite monter au théâtre avec sa troupe. Vittorio y est Arjuna, le fils du dieu Indra. Jamais un rôle ne l'a autant marqué, mais il est vrai qu'il n'a jamais encore vécu pareille expérience où le metteur en scène frôle le gourou:" Avec Brook, disait-il en 1984, on plonge où l'on s'en va." La première a lieu à la Carrière de Boulbon durant l'été 1985 dans le cadre du Festival d'Avignon et dure toute la nuit. Repris à Paris, au Théâtre des Bouffes du Nord, le spectacle part en tournée jusqu'à la fin 1986 (Athènes, Prato, Barcelone, Madrid et Lyon). L'année suivante, Brook le monte en langue anglaise au Centre de recherches théâtrales de la Royal Shakespeare Company et ce Mahabharata anglophone repart en 1988 sur les routes : à Zurich, Los Angeles, New York, Perth, Adélaïde, Copenhague, Glasgow et, finalement, Tokyo. En 1989, il l'adapte au cinéma. En tout, Vittorio aura été Arjuna pendant 6 ans sur 4 continents, là où Cecilia et Giovanna ne peuvent pas toujours le suivre... Une rupture complète avec sa carrière d'avant:"Je n'avais plus guère envie d'être une image à la disposition de metteurs en scène hyper pressés qui ne prennent même pas le temps de discuter avec vous du personnage qu'il vous offrent, précisait-t-il. Travailler de cette façon ne procure que des résultats médiocres. Moi, j'ai besoin d'un vrai travail physique. Non pas pour devenir plus fort, mais pour devenir plus maître de moi-même, de mes gestes, de mon souffle. C'est par le travail, incessant, répété, qu'un acteur finit par découvrir ce qu'il est capable de créer."
Dans les années 1990, Vittorio Mezzogiorno retourne en Italie et s'installe à Milan. Il devient une star du petit écran en interprétant le commissaire Davide Licata dans le feuilleton La Piovra qui traite de la Mafia. En 1992, il tourne Hors saison, de
Daniel Schmid et joue avec sa femme au Teatro Stabile de Parme la pièce en un acte d'Arthur Schnitzler Scena Madre (adaptation de Grosse Szene) dans une mise en scène d'Alain Maratrat. Ce seront ses dernières apparitions.
Par hasard, alors qu'il se trouve loin d'Italie, Vittorio Mezzogiorno découvre qu'il est atteint d'un cancer. Il mène alors un rude combat contre la maladie, mais décède à Milan le 7 janvier 1994, à l'âge de 52 ans.