Jean Rollin se passionne dès son enfance pour le cinéma, notamment à la suite de la vision, à l'âge de huit ans, du Capitaine Fracasse d'
Abel Gance. Durant son adolescence, il regarde avec avidité les serials ainsi que les films fantastiques américains de la compagnie Universal. Pendant son service militaire, il s'initie à la réalisation en participant au tournage de films de recrutement. Une fois revenu à la vie civile, il tente de devenir assistant-réalisateur auprès de
Luis Bunuel, puis il tourne à la fin des années 1950 et au début des années 1960 quelques courts métrages tels que Les Amours jaunes, Ciels de cuivre ou Les Pays loin. Ces petits films, qui témoignent de son vif intérêt pour le nouveau roman et sa déconstruction de la narration, passent néanmoins inaperçus. De cette période se détache un projet de collaboration avec
Marguerite Duras, L'Itinéraire marin (1963), qui aurait dû constituer le premier long métrage de Rollin mais qui ne vit jamais le jour.
C'est en 1968 que Jean Rollin réalise son premier film de longue durée, Le Viol du vampire. Cette oeuvre d'inspiration surréaliste résultait en fait de la jonction de deux moyens métrages : Le Viol du vampire proprement dit et Les Femmes vampires. A sa sortie, Le Viol du vampire est une des rares productions présentes dans les salles parisiennes à cause des "événements de mai". Il provoque de violentes réactions de rejet chez la plupart des spectateurs, car ceux-ci ne s'attendaient pas à un film expérimental surréalisant, mais à un film d'épouvante conventionnel dans le même esprit que ceux de la compagnie anglaise Hammer. Devant le scandale, Rollin songe un moment à abandonner le cinéma, mais il se ravise et décide de poursuivre sa carrière. L'extrême fin des années 1960 et le début des années 1970 le voient réaliser d'autres films, toujours sur le thème du vampirisme (La Vampire nue en 1969, Le Frisson des vampires en 1970, Requiem pour un vampire en 1971). Néanmoins, aucun d'entre eux ne connaît le succès, et ils se heurtent de surcroît à une forte hostilité de la part de la critique. Les difficultés financière résultant de ces échecs commerciaux contraignent Jean Rollin à tourner sous pseudonyme des films érotiques soft alimentaires comme Jeunes Filles impudiques (1973) et Tout le monde il en a deux (1974). Il réalise toutefois au milieu des années 1970 Les Démoniaques (1974) et Lèvres de sang (1975), deux films fantastiques assez ambitieux, comparables dans leur inspiration à ses précédentes oeuvres. Malheureusement, eux aussi ne récoltent que l'échec. Jean Rollin est alors réduit, pour vivre, à ne plus tourner que des films pornographiques jusqu'à ce que ce genre devienne moins rentable à la fin de la décennie 1970, sous l'effet des contraintes fiscales et matérielles imposées par le classement X. Il s'oriente alors vers des productions de série B théoriquement plus susceptibles de drainer un large public, parmi lesquelles il convient de citer trois films gore sur le thème des zombies (Les Raisins de la mort en 1977,
Le Lac des morts vivants en 1981 - sous le pseudonyme de J. A. Lazer - et La Morte vivante en 1982), deux thrillers (La Nuit des traquées en 1980 et Les Trottoirs de Bangkok en 1984) et une comédie (Ne prends pas les poulets pour des pigeons en 1985). Parmi ses oeuvres de cette époque, plusieurs furent produites par la société Eurociné, notamment Le Lac des morts vivants. Au milieu de ces réalisations relativement "alimentaires" émergent quelques films plus personnels, comme Fascination (1979). Néanmoins, pendant cette période, Jean Rollin ne rencontre pas davantage un grand succès populaire, et la critique lui demeure systématiquement hostile. Cette phase de sa carrière s'achève vers le milieu des années 1980, à la suite de la fermeture progressive des petites salles de cinéma spécialisées dans la série B au profit des multiplex qui diffusent d'abord les productions des grands studios.
Après 1985, Jean Rollin devient de plus en plus discret. En 1988, il achève (sans être crédité au générique) le tournage d'Emmanuelle 6, l'une des multiples séquelles du célèbre classique de Just Jaeckin, puis il ajoute en 1990, pour le compte d'Eurociné, quelques séquences à un vieux film de Jess Franco qui ressort sous le titre A la poursuite de Barbara. L'année suivante, en 1991, il réalise aux Etats-Unis, en France et en Italie un film expérimental, Perdues dans New York, puis il se lance en 1993 dans un ultime thriller : Killing Car (aussi intitulé La Voiture rouge sang). Ce dernier est un échec commercial, qui incite Rollin à abandonner provisoirement les tournages pour apparaître en tant que simple acteur dans les films de son ami Norbert Moutier et, surtout, pour se consacrer d'abord à la littérature. Il publie ainsi plusieurs romans et nouvelles, le plus souvent dans le genre fantastique (Monseigneur Rat, La Petite Ogresse, etc...). Cependant, passé 1995, il décide de revenir au cinéma. Ses films tardifs comme Les Deux Orphelines vampires (1997) ou La Fiancée de Dracula (2002), réalisés à la fin de la décennie 1990 et au tout début des années 2000, ressemblent beaucoup dans leur esthétique et leur inspiration à ses premières oeuvres telles que La Vampire nue, Requiem pour un vampire ou Lèvres de sang, tout en bénéficiant de budgets plus importants. En 2007, après une nouvelle période de silence, il tourne avec Ovidie La Nuit des horloges, sorte de rétrospective de ses films les plus personnels, un peu à la manière de
La Table tournante de
Paul Grimault. Quoiqu'il eût alors annoncé que ce serait son dernier film, il a encore réalisé en 2010 un ultime long métrage, Le Masque de la Méduse.