Alain Resnais naît en 1922 à Vannes. À l'âge de quatorze ans, il tourne ses premiers courts métrages, dont une adaptation de Fantomas. Outre le cinéma, il se passionne pour la photographie, la peinture, la bande dessinée et la littérature, il affectionne particulièrement les oeuvres de Jean Ray, Marcel Proust et André Breton. En 1942, il tient un petit rôle dans
Les Visiteurs du soir. Il imagine un moment devenir libraire mais passe finalement le concours de l'IDHEC (aujourd'hui La Fémis) où il est admis en 1943 dans la section montage. En 1946, en Allemagne, il participe au Théâtre aux Armées sous la direction d'André Voisin. La même année il est assistant-réalisateur et monteur sur le long métrage documentaire Paris 1900.
Sa carrière de réalisateur commence avec Van Gogh, en 1948, un court métrage documentaire produit par
Pierre Braunberger, puis, il tourne des documentaires pendant une dizaine d'années. Les thèmes abordés sont très variés : la guerre d'Espagne vue par Picasso ou l'usine Pechiney. En 1956, il obtient le prix Jean-Vigo pour Nuit et brouillard, devenu depuis, grâce à Henri Michel, qui en avait pris l'initiative et en était le conseiller historique, un film de référence sur les camps de déportation.
En 1959, Alain Resnais réalise son premier long métrage de fiction, écrit par
Marguerite Duras :
Hiroshima mon amour. Le film a un retentissement mondial : il est apprécié à la fois par la critique et le public. Selon
Louis Malle, « ce film a fait faire un bond dans l'histoire du cinéma ».
Resnais enchaîne avec L'Année dernière à Marienbad, en 1961, cinéroman créé en compagnie d'
Alain Robbe-Grillet. Il commence à définir son style, teinté de surréalisme, d'onirisme et de distanciation brechtienne. La volonté de détruire la narration linéaire est également perceptible. Dans ses films, on retrouve souvent un engagement social et politique (en 1960, il est d'ailleurs l'un des signataires du Manifeste des 121). Outre
Hiroshima mon amour qui évoque la bombe atomique et la collaboration puis L'Année dernière à Marienbad, d'une facture plus abstraite, on peut citer
Muriel, ou le Temps d'un retour en 1963, qui traite de la torture pendant la guerre d'Algérie,
La guerre est finie (dont le scénario est écrit par
Jorge Semprún), en 1966, qui raconte l'histoire d'un militant communiste sur fond de guerre d'Espagne et d'anti-franquisme ou encore
Stavisky en 1974, qui évoque un scandale financier de la Troisième République. Les thèmes abordés même s'ils sont variés tournent toujours autour des mécanismes psychologiques, de la question du libre arbitre, du déterminisme et du conditionnement socio-culturel. Avec Mon oncle d'Amérique, Resnais va même jusqu'à mettre en application les thèses anthropologiques du scientifique
Henri Laborit. Dans les années 1990, Alain Resnais s'ouvre à de nouvelles collaborations, avec le duo de scénaristes-acteurs
Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui puis touche un plus large public, développant l'aspect ludique et fantaisiste de son cinéma. Il explore entre autres le théâtre filmé avec
Smoking / No Smoking en 1993, diptyque sur les possibles de l'existence, où les comédiens
Sabine Azéma et
Pierre Arditi jouent chacun cinq rôles, la comédie musicale avec On connaît la chanson en 1997, qui fait intervenir dans les dialogues et les situations quotidiennes le répertoire de la chanson populaire ou encore l'opérette, le burlesque et le vaudeville en 2003, avec Pas sur la bouche. Trois fois lauréat du Prix Louis-Delluc (en 1966, 1993 et 1997), Alain Resnais est le metteur en scène le plus souvent nommé au César du meilleur réalisateur : huit fois au total. Il a d'ailleurs obtenu la récompense à deux reprises : en 1978 et en 1994. Il est également le seul cinéaste à avoir vu trois de ses oeuvres couronnées par le César du meilleur film :
Providence en 1978 ,
Smoking / No Smoking en 1994 et On connaît la chanson en 1998.
L'oeuvre de Resnais dénote une profonde unité car elle remet en cause les codes de la narration cinématographique traditionnelle, « trop soumis aux péripéties », selon le cinéaste André Delvaux. Le metteur en scène abolit, dans ses premiers films de fiction, le récit à intrigue et explore une réalité aléatoire, construite sur des hasards, des obsessions, des moments incompréhensibles et des scènes non-linéaires. Ces situations font généralement s'entrecroiser différents personnages ou différentes époques dans un même lieu (comme dans
La vie est un roman) ou dans un univers volontairement artificiel et théâtral. Cette fusion du théâtre et du cinéma permet de revendiquer l'artificialité du septième art et sa faculté de condensation, mais aussi de produire des « expériences », au sens scientifique du terme (procédé défini explicitement par le biais du témoignage du professeur
Laborit dans Mon oncle d'Amérique). Elles révèlent, en ce sens, une vérité indicible sur les êtres humains, enfermés comme des animaux dans une cage. Ceux-ci font de leur mieux pour « se débattre dans cette toile d'araignée qu'est l'existence » selon l'expression du comédien André Dussolier. À cette recherche, s'ajoute le travail minutieux de montage qui juxtapose différents espaces et temps pour sonder la mémoire collective et individuelle. Cette technique permet au réalisateur d'illustrer le chaos de l'existence et le flot d'images contradictoires, de souvenirs, de scènes imaginaires et de fantasmes, plus proche de la réalité de l'esprit, consciente ou non, que l'ordre et la régularité voulus par une fiction classique. Cette construction régit le « temps sensible », cher à Marcel Proust (auteur fétiche de Resnais), en une composition filmique proprement musicale, voire symphonique (très évidente dans des films tels qu'
Hiroshima mon amour, Je t'aime, je t'aime et
Providence). La polyphonie est un ressort essentiel du cinéma de Resnais et prend plusieurs tonalités : grotesque, comique et dramatique. Jugé cérébral et austère, le cinéaste prend pourtant plaisir à développer une forme iconoclaste, personnelle et ironique de comédie musicale dans ses oeuvres tardives comme On connaît la chanson et Pas sur la bouche. Son film Coeurs (2006), écrit par l'homme de théâtre
Jean-Michel Ribes, se veut une sorte de synthèse de ses préoccupations artistiques. Son nouveau film
Les Herbes folles souligne son inspiration surréaliste et son goût du décalage absurde, de la légèreté et de la fantaisie débridée.
« Je souhaite approcher par le film la complexité de la pensée, son mécanisme interne. Dès qu'on descend dans l'inconscient, l'émotion naît. Et le cinéma ne devrait être qu'un montage d'émotions. »
Que ce soit dans ses films documentaires ou de fiction, Alain Resnais est réputé pour son travail de documentation méticuleux. « Je commence en général par repérer tout seul les lieux de tournage. Quand je suis arrivé à Hiroshima pour la première fois, j'ai quitté l'hôtel à trois heures du matin et je suis parti au hasard à travers la ville... Dans ces moments-là, le Leica est bien commode. Je m'en sers comme d'un bloc-notes où j'inscris pêle-mêle les images les plus diverses. Elles me serviront ensuite à matérialiser l'histoire, à fabriquer une autre réalité avec des matériaux pris un peu partout. C'est toujours le problème de l'assemblage... ». Resnais colle ensuite ces photos directement sur le découpage pour que décorateurs et producteurs sachent exactement ce qu'il désire. Il exige aussi de ses scénaristes qu'ils établissent une fiche biographique complète de tous les personnages, pour leur donner une certaine profondeur. Il est également réputé pour sa fidélité dans le travail : on retrouve régulièrement dans ses films les acteurs
Sabine Azéma, André Dussolier,
Pierre Arditi.
Alain Resnais n'accorde pas souvent d'interview aux journaux.
Il a épousé en 1969 son assistante de l'époque, Florence Malraux, la fille d'André Malraux, qui travaillait avec lui depuis
La guerre est finie et qui l'a accompagné jusqu'à Mélo, en 1986. Depuis la fin des années 1980, il partage la vie de
Sabine Azéma, son actrice fétiche, qu'il a épousée en 1998.