Jean Gabin naît à Paris le 17 mai 1904, au 23 boulevard Rochechouart à Paris, sous le nom de Jean-Alexis Gabin Moncorgé. Fils de Ferdinand Joseph Moncorgé, tenancier de café et comédien d'opérette sous le nom de scène de Joseph Gabin, et d'Hélène Petit, chanteuse de café-concert, il a six frères et soeurs aînés. Il passe son enfance et son adolescence à la campagne pour laquelle il gardera toute sa vie un profond attachement. Loin de la vie parisienne de spectacle de ses parents, il est élevé dans le petit bourg campagnard de Mériel dans le Val-d'Oise par sa soeur aînée Madeleine, dans une maison situé près d'une voie ferrée.
En 1914, à l'âge de 10 ans, un coup appuyé lors d'un combat de boxe lui écrase le nez. En 1919, alors qu'il a 15 ans, sa mère meurt. Il est mauvais élève et délaisse le lycée Janson-de-Sailly à Paris où il est inscrit et enchaîne les petits métiers, garçon de bureau à la compagnie parisienne d'électricité, cimentier à la gare de la Chapelle, manoeuvre dans une fonderie, magasinier aux magasins d'automobiles de Drancy, vendeur de journaux. À 17 ans il veut, comme son grand-père maternel, devenir conducteur de locomotive à vapeur dont il peut voir les évolutions depuis sa chambre. Bourru, il osait se plaindre de ce qui lui déplaisait mais son oeil bleu « magique » participait avec ses amis à la joie de vivre. En 1922, à 18 ans, Gabin est forcé par son père d'entrer dans le monde du spectacle aux Folies-Bergère d'abord comme figurant, le directeur, Fréjol, étant un de ses amis à qui il aurait dit : « Tiens, voici mon fiston. Il aimerait faire du théâtre. Peux-tu l'aider ? Si tu arrives à en tirer quelque chose, tu auras bien du mérite. Moi, j'y renonce... » Il est placé sous la bienveillance du comique troupier Bach.
De 1924 à 1925 Jean Gabin effectue son service militaire dans la marine nationale à Cherbourg, et pendant une permission du début de l'année 1925 il épouse une admiratrice, la future actrice
Camille Basset, dite Gaby, avec qui il n'aura pas d'enfant.
En 1926, âgé de 22 ans, il devient un véritable artiste de music-hall et chanteur d'opérette. Il fait monter sur scène La Goulue auprès de
Mistinguett, et il imite
Maurice Chevalier. Il entame un tour de chant avec succès pendant deux ans dans toute la France et en Amérique du Sud. En chantant Julie c'est Julie et La Java de Doudoune de Jose Padilla en 1928, il devient partenaire de
Mistinguett, qui vient de rompre avec
Maurice Chevalier, au Moulin-Rouge et aux Bouffes-Parisiens dont le directeur est le célèbre auteur de l'époque Albert Willemetz.
À partir de 1929, il joue les jeunes premiers dans des opérettes comme Flossie ou Les Aventures du Roi Pausole, toutes deux sur des paroles d'Albert Willemetz. Il vit une amourette avec Jacqueline Francell, sa partenaire de Flossie, et il divorce de Gaby.
En 1930, deux ans après l'arrivée en Europe du cinéma parlant, il débute sa carrière d'acteur dans le film Chacun sa chance, un des premiers films parlant du cinéma français, aux côtés de son ex-femme Gaby (avec qui il jouera aussi plus tard dans
Touchez pas au grisbi,
Gas-oil et Maigret tend un piège) et du chanteur Jean Sablon.
Le 20 novembre 1933, Gabin épouse à Paris 16e Jeanne Mauchain, meneuse de revue et danseuse nue du Casino de Paris, connue sous le nom de Doriane Mauchain. Son père meurt trois jours avant son mariage.
Trois ans plus tard, il devient une star du cinéma grâce à son « charisme exceptionnel » et à
Julien Duvivier qui lui offre les personnages principaux de
La Bandera avec Annabella, La Belle Équipe avec Charles Vanel et Pépé le Moko. Il incarne des héros tragiques et romantiques d'origine populaire. Puis il enchaîne film sur film au sommet du box-office français tout au long de sa longue carrière, quatre-vingt-quinze au total. Jean Renoir l'impose dans Les Bas-Fonds avec Louis Jouvet puis, en 1937, dans
La Grande Illusion avec Pierre Fresnay, Marcel Dalio et Erich von Stroheim.
En 1938, il prend le rôle d'un conducteur de locomotive dans La Bête humaine, un film de
Jean Renoir. Il joue aussi dans Le Quai des brumes de Marcel Carné avec Michel Simon, où il rencontre
Michèle Morgan à qui il murmure le célèbre « T'as d'beaux yeux tu sais », laquelle répond : « Embrassez-moi. »
Le 3 septembre 1939, il est mobilisé dans la marine nationale à Cherbourg. C'est encore la drôle de guerre et il obtient une permission exceptionnelle pour terminer le film
Remorques avec
Michèle Morgan. Ils ont une brève idylle.
Le 2 février 1941, refusant de tourner pour les Allemands pendant l'occupation, il s'expatrie à Hollywood aux États-Unis où il va retrouver les Français
Jean Renoir,
Julien Duvivier,
Charles Boyer,
Jean-Pierre Aumont... Il tourne deux films, La Péniche de l'amour (Moon Tide) avec
Ida Lupino, et L'Imposteur de Julien Duvivier, et rencontre
Ginger Rogers brièvement, puis
Marlène Dietrich pendant l'été 1941. Le 18 janvier 1943, il divorce de sa deuxième épouse Jeanne Mauchain. Marlène Dietrich et Jean Gabin resteront amants jusqu'en février 1947.
Déjà très célèbre, il pourrait tenter une carrière d'acteur aux États-Unis mais c'est sans compter avec son ardent patriotisme. Il s'engage en avril 1943 dans les Forces navales françaises libres du
Général de Gaulle pour libérer son pays. Embarqué comme canonnier sur le pétrolier "Elorn", il traverse l'Atlantique en convoi à destination de Casablanca, sous la menace permanente des sous-marins et des avions allemands. Puis sous les ordres de l'enseigne de vaisseau et futur vice-amiral André Gélinet, le second maître Jean Moncorgé sert comme chef du char "le Souffleur" du 2e escadron du régiment blindé des fusiliers marins qui appartient à la célèbre 2e division blindée du général Leclerc. Au printemps 1945, il participe à la libération de la poche de Royan puis à la campagne d'Allemagne qui le conduira au "Nid d'aigle" d'Hitler à Berchtesgaden. À la fin de la guerre, il est décoré de la Médaille militaire et de la Croix de guerre. En 1945, âgé de 41 ans, le "plus vieux chef de char de la France Libre" est démobilisé et revient au monde du spectacle... avec des cheveux blancs. Toute sa vie il restera très attaché à la marine nationale et à celui qui fut son chef, le vice-amiral Gélinet.
En 1949, il se marie avec Christiane Fournier, dite Dominique, mannequin chez le couturier Lanvin, qui a déjà un fils Jacki et avec qui il a trois enfants : Florence Moncorgé-Gabin (1949), Valérie (1952) et Mathias (1956).
En 1951, il est le narrateur de De sac et de corde, une pièce musicale de Léo Ferré et Madeleine Rabereau écrite pour la radio, qu'il interprète tandis que Léo Ferré dirige l'orchestre et les choeurs de la radio nationale.
Il réalise en 1952 un de ses rêves d'enfant en investissant, jusqu'à ses derniers jours, toute sa fortune dans le domaine de La Pichonnière, situé sur la commune de Bonnefoi, rattachée au canton de Moulins-la-Marche, dans l'Orne, en Normandie, sur lequel il fait construire La Moncorgerie. Il se lance dans l'élevage de près de trois cents bovins et d'une écurie d'une quinzaine de chevaux de course pour assouvir sa passion pour l'élevage de chevaux.
Il renoue en 1954-1955 avec le succès grâce à
Touchez pas au grisbi de
Jacques Becker, L'Air de Paris de Marcel Carné et
French Cancan de
Jean Renoir en 1955. C'est la rencontre avec
Michel Audiard, qui deviendra son ami et sera, avec ses dialogues, pour beaucoup dans le succès de ses films à venir, à commencer par
Gas-oil de Gilles Grangier. À cette époque, il entretient une liaison adultère avec la comédienne Dora Doll.
En 1960, il est promu officier de la Légion d'honneur sur le plateau où il tourne
Les Vieux de la vieille de Gilles Grangier.
Dans la nuit du 27 au 28 juillet 1962, sept cents agriculteurs encerclent son domaine familial normand de La Pichonnière pour protester contre la centralisation des terres, en exigeant la location de certaines fermes à de jeunes éleveurs en difficulté. Ils se servent d'un conflit ouvert avec le célèbre acteur pour médiatiser les problèmes du monde agricole. Cette situation a profondément bouleversé et blessé à vie l'intéressé, qui s'est senti rejeté par la communauté paysanne normande dont il avait tant souhaité faire partie.
Il crée en 1963 avec Fernandel la société de production Gafer pour son film L'Âge ingrat qu'il interprète avec ce dernier.
Le 15 novembre 1976, alors qu'il vient juste de décider la vente de son domaine normand de La Pichonnière, il meurt d'une crise cardiaque à l'âge de 72 ans à l'Hôpital américain de Neuilly-sur-Seine. Il avait déjà eu une alerte en 1973 lors du tournage de
Deux hommes dans la ville de José Giovanni. C'est à Brest, le 19 novembre 1976, qu'en présence de son épouse, d'acteurs et personnalités dont
Alain Delon, se déroule une cérémonie simple et solennelle à bord de l'aviso "Détroyat". Ses cendres sont immergées en mer d'Iroise, à 20 milles nautiques de Brest, au sud de la chaussée des Pierres-Noires, selon les dernières volontés du défunt.
En 1981, le « monde du cinéma » lui rend hommage en créant le prix Jean-Gabin, récompense décernée tous les ans aux meilleurs espoirs masculins du cinéma français. En 1987, un César d'honneur lui est remis à titre posthume. En 1992, Mériel, la commune de son enfance, a ouvert un musée qui lui est dédié. La place Jean-Gabin a été inaugurée à Paris en 2008.