Le père de Jacques Becker est administrateur de la société Fulmen et sa mère d'origine anglaise tient une maison de couture à Paris, rue Cambon, près de la maison Chanel. La famille se rend régulièrement en vacances à Marlotte sur Loing, et fréquente Paul Cézanne, le fils du peintre. Au cours d'un de ces séjours, Jacques Becker se lie d'amitié avec Jean Renoir venu visiter les Cézanne. Le jeune homme, de neuf ans son cadet, est alors autant passionné de jazz que de cinéma et fréquente assidument le Boeuf sur le toit où officie
Jean Wiener. Il s'est d'ailleurs fait engager comme stewart sur les paquebots qui font la traversée le Havre - New York, pour rencontrer les jazzmen américains. Au cours d'un de ces voyages, en 1928, il rencontre
King Vidor qui souhaite l'engager comme acteur, mais le jeune homme s'intéresse plus précisément à la mise en scène. Jacques Becker s'est marié et son père l'a fortement incité à rejoindre la compagnie où il travaille, mais le jeune homme s'y morfond. Il profite d'une de ses absences pour donner sa démission et le hasard fait que le jour même, il retrouve
Jean Renoir en tournage en extérieurs pour La Chienne. Il lui demande alors de l'engager et devient, en 1931, son assistant. Jacques Becker souhaite ardemment réaliser et tourne avec Pierre Prévert un court métrage intitulé Le Commissaire est bon enfant. Il espère passer au long métrage co-écrit avec Jean Castanier, un scénario intitulé Sur la Cour, mais le producteur pressenti, un ami d'enfance, du nom de André Halley Desfontaines, inquiet, confie la réalisation du sujet à
Jean Renoir. Ce dernier associe alors au projet, de ce qui deviendra Le crime de monsieur Lange,
Jacques Prévert. Les deux hommes se brouillent et se réconcilieront pour le tournage de La Vie est à nous, Jacques Becker retrouvant sa place de premier assistant auprès du maître jusqu'en 1938, date où il parvient enfin à mettre en scène son premier long métrage, L'Or du Cristobal 1939. Le tournage, faute de subsides, est interrompu, Jacques Becker se refusant à bâcler son premier film. Alors qu'il est mobilisé, les producteurs profitent de son absence et confient à Jean Stelli le soin de le terminer. Fait prisonnier de guerre, Jacques Becker est rapatrié suite à une visite de la Croix Rouge. Il revient à Paris et parvient enfin à tourner son premier film, Dernier Atout 1942.
Sous l'Occupation, Jacques Becker réalise trois films de facture très diverse mais qui imposent un style très découpé et basé sur une caméra extrêmement mobile : Dernier Atout 1942, Goupi-Mains rouges 1943 et Falbalas 1945. C'est sur le plateau de Falbalas qu'est par ailleurs entreposé le matériel détourné (caméra et pellicules) qui servira au tournage du film de La Libération de Paris. Reconnu pour ses qualités morales, le cinéaste interviendra pour défendre
Henri-Georges Clouzot devant la commission d'épuration.
Après la Seconde Guerre mondiale, il tourne plusieurs comédies -- Antoine et Antoinette (1947), palme d'or au festival de Cannes, Rendez-vous de juillet (1949), prix Louis Delluc, Edouard et Caroline (1951) et Rue de l'Estrapade (1953) -- qui le distinguent comme le cinéaste français par excellence. Son goût pour l'observation de la société d'après la Libération, son regard sur ses personnages, son talent dans la direction d'acteurs et l'équilibre parfait entre la justesse psychologique des dialogues et la minutie de sa mise en scène caractérisent cette série qui met en scène diverses classes sociales. Comédies de couples qui inspireront la série des Doinel réalisée ultérieurement par François Truffaut.
Avec Casque d'or (1952), où
Simone Signoret incarne avec génie une célèbre prostituée, il réalise une chronique rigoureuse et poétique des bas-fonds parisiens en 1900. Il signe ensuite le prototype du film noir français,
Touchez pas au grisbi (1954), d'après le roman d'
Albert Simonin, film qui relance la carrière de
Jean Gabin. Après Ali Baba et les quarante voleurs (1954), une farce tournée pour Fernandel, et une adaptation de Maurice Leblanc, Les Aventures d'Arsène Lupin (1957), avec
Robert Lamoureux dans le rôle du gentleman cambrioleur, il réussit avec
Montparnasse 19 (1958), un mélodrame magnifique où Gérard Philipe incarne de façon pathétique le peintre Modigliani ; il meurt juste après avoir achevé
Le Trou (1960), dont la rigueur et la sobriété se rapprochent du style épuré de
Robert Bresson. Il est inhumé au cimetière Montparnasse de Paris