Dès d'adolescence, il réalise des courts-métrages documentaires et de fiction au sein d'un club amateur qu'il anime. Son premier projet ambitieux est Tofolaria, un documentaire d'inspiration ethnographique sur la vie d'un peuple en extinction, au fond d'une vallée de Sibérie. Ce film, réalisé avec Valdas Navasaitis, lui ouvre les portes du VGIK de Moscou où il rencontre
Katerina Golubeva, qui sera sa compagne et jouera dans ses trois premiers films. Son film de fin d'étude s'intitule En Mémoire d'un Jour Passé, et brouille les frontières entre fiction et documentaire, cherchant à dresser le portrait spirituel et abstrait de la capitale de la Lituanie, Vilnius. Parmi les grands cinéastes contemporains, il est sans doute un de ceux qui travaille le plus la frontière du documentaire et de la fiction. L'imbrication étroite entre documentaire et fiction s'estompe dans The House, "à moins de considérer que ce film relève d'une forme de documentaire qui ne s'en tiendrait pas au réel, mais au possible.",
Pour pouvoir travailler dans son pays où le système soviétique s'effondre, Bartas crée un studio de cinéma "Studija Kinema" et devient, de fait, producteur de ses propres films et d'une vingtaine de films d'autres réalisateurs. Une génération de cinéastes Lituanien profite de cette structure pour réaliser leurs premiers et seconds films. On peut alors à proprement parler d'une "esthétique Studija Kinema" pour l'ensemble de cette production (1992-1995), qui contribue à faire apparaitre une nouvelle génération de cinéastes Lituaniens, depuis largement reconnus (Audrius Stonys, Kristijonas Vild?i?nas, Valdas Navasaitis). Au sein de Studija Kinema, Bartas a également produit le film de
Viatcheslav Amirkhanian Arseniy Tarkovskiy: Malyutka-zhizn, documentaire sur le poète Russe Arseny Tarkovsky, père du cinéaste Andrei Tarkovsky.
Son premier long-métrage,
Trois jours, prend quatre années pour être réalisé et reçoit une mention spéciale de la FIPRESCI. Puis c'est Koridorius, avec l'acteur Eimuntas Necrosius présenté au festival de Berlin, rapidement repéré par la critique pour ses innovations formelles. Trois Jours et Koridorius font l'objet de rétrospectives organisées au Cinéma L'Entrepot à Paris, et par Jacques Déniel aux Rencontres Cinématographiques de Dunkerque. Léos Carax écrit alors plusieurs textes sur Sharunas Bartas . De même, la cinéaste
Claire Denis le programmateur hollandais Rieks Hadders, l'italienne Tiziana Finzi et le critique Jean-Michel Frodon jouent un rôle essentiel dans la conquête d'une célébrité rapide au sein du public spécialisé. Bartas commence alors sa collaboration avec le producteur franco-portugais
Paulo Branco, connu pour son importante filmographie dans le cinéma d'auteur. Dans le cadre de cette collaboration, Bartas réalisera 4 longs métrages: Few Of Us (1996) avec
Katerina Golubeva, The House (1998) avec
Alex Descas, Léos Carax et Valeria Bruni-Tedeschi, Freedom (2000), et Seven Invisible Men (2004).
Présenté à Cannes dans la section "Un Certain Regard",
Few of Us marque la reconnaissance de Sharunas Bartas comme un des grands auteurs contemporains. Depuis Few of Us ( Festival de Cannes 1996), tous ses films ont été sélectionnés dans les festivals les plus prestigieux (A Casa à Cannes en 1998, Freedom à la Mostra de Venise en 2000,
Seven Invisible Men au Festival de Cannes en 2005). Il a par ailleurs été membre du jury de la Mostra de Venise en 1998, et de nombreuses rétrospectives ont été organisées dans divers pays.
En 1999, le Parlement Européen a demandé à S. Bartas de représenter la Lituanie pour le Pont de l'Europe/ Europabrucke. Son texte "Le combat" est installé à demeure sur le parapet du pont.
En 2004, son film Children Loose Nothing représentait la Lituanie dans la série Visions of Europe initiée par Lars von Trier et Arte.
A l'occasion de la nomination de Vilnius comme capitale européenne de la culture en 2009, Sharunas Bartas a préparé un long-métrage historique intitulé Margiris. Ce projet ayant été abandonné, il a tourné en 2008 le long métrage Not Before, Not After, coproduction Franco-Lituano-Russe.
Son cinéma fascine par la longueur de ses plans fixes, souvent liée à la contemplation des déserts. Elle s'offre comme une méditation sur la vacuité des rapports humains, souvent représentés entre des personnages silencieux et sans nom. "Il y a de l'acharnement chez Bartas, dans son utilisation du plan fixe, qui ne lui sert pas à violer l'intimité des gens qu'il filme, mais qu'il conçoit au contraire comme un espace de vie et de liberté pour ceux-ci" (Jérôme Lauté) Jusqu'à "Seven Invisible Men", les films de Bartas étaient essentiellement silencieux, les personnages n'échangeant quasiment aucune parole. Mais la bande son est remarquablement travaillée. L'artiste et cinéaste britannique Steve McQueen, qui a programmé les films de Bartas en Grande Bretagne, explique: "It's almost like having a conversation with someone," McQueen says. "It's in real time, it takes a long time to finish a sentence, but you go through the whole process, and there's this result, the pay-off, and you think - yes!" En termes de narration, "S. Bartas néglige l'anecdote pour se concentrer sur la matière du monde, c'est-à-dire les éléments bachelardiens (...) Univers magique, où rien ne vient distinguer l'humain de l'animal, l'animal du végétal ou même du minéral. Les règnes s'abolissent en se rejoignant. Tout semble fluide, traversé d'une seule énergie, d'une seule présence. On aborde là des contrées oniriques dont on ne saurait sous-estimer la puissance." (Philippe Roger)On a souvent rapproché son travail de celui de Andrei Tarkovsky et d'
Alexandre Sokourov. Comme Béla Tarr, c'est un cinéaste "difficile" mais souvent considéré comme faisant partie de l'"avant garde" du cinéma d'auteur sujet d'étude pour la sémiologie et l'esthétique .
Jean-Luc Godard a cité "Corridor" dans son Histoire(s) du cinéma.
De formation photographique, il est chef-opérateur sur la plupart de ses films.
Il a joué en tant qu'acteur dans
Pola X de Léos Carax. Comme le rôle de Leos Carax dans The House de Bartas, le rôle de Bartas dans Pola X de Carax est une interprétation de sa personnalité réelle: il apparait en chef d'orchestre inquiétant, mi-gourou, mi chaman.. Difficile d'approche, il s'explique très rarement sur son travail. Les sociétés Era film et Leitmotiv production ont produit un documentaire autour de Sharunas Bartas, réalisé par Guillaume Coudray. Le film a été présenté en avant-première au festival Kino Pavasaris et est édité en dvd aux éditions des films du Paradoxe Les Films du Paradoxe