L'immense carrière de Michel Piccoli, qui vient de nous quitter à l’âge de 94 ans, laissera en nous une trace indélébile. Il y avait quelque chose de dissonant chez le comédien de génie, qui reposait presque entièrement sur son physique à la virilité débordante, et qui jurait magnifiquement avec une intériorité toujours sur le fil, prêt à casser : une figure de paternel inamovible, qui grisonnait sur les tempes et frisonnait sous la chemise, qui sentait l’eau de cologne et le patchouli, mais dont la voix à la tonalité chancelante, tantôt suave, tantôt aiguë, parfois assassine l’air de rien, rendait l’homme rassurant et sinistre, rond et coupant, quelque part entre le patriarche et le jeune premier, tout à la fois. Aussi mielleux qu’inquiétant chez Granier-Deferre (Une étrange affaire, 1981), inquiet à son tour ou carrément orageux (“Gigot à la con !” chez Sautet), bohème puis fou de désespoir chez Godard (Le Mépris, 1963), absent à lui-même et rongé par la névrose chez Moretti (Habemus Papam, 2011) : il a peut-être passé sa vie à lentement tournoyer entre tous ces états, entraîné malgré lui par les tonneaux que fit son Alfa Romeo dans l’accident retentissant des Choses de la vie (1970). Il aura ainsi été de tous les angles, tous les reflets, chez les plus grands (impossible de tous les citer, de Buñuel à Ruiz, d’Agnès Varda à Ferreri et même chez Hitchcock) : sa disparition nous rappelle à quel point il aura illuminé d’un fameux clair-obscur le cinéma français, auquel Jacques Morice rend hommage dans Télérama. Pour le célébrer aussi, établissez la liste de ses dix meilleurs rôles et partagez-la en commentaire de cet article : nous en ferons le top de la communauté.
Adieu, Michel.
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