la nuit lui appartenait

Où était passé Joaquin Phoenix ?

Dossier | Par Hugues Derolez | Le 13 juillet 2011 à 16h47

Depuis Two Lovers, en 2008, Joaquin Phoenix avait annoncé sa retraite et son intention de se reconvertir dans le rap. Entouré de Puff Daddy, il semblait croire en ses chances. Toutes ses performances live ont laissé penser le contraire. Cette semaine sort I'm still here, du beau frère de Joaquin, Casey Affleck (le frère de Ben, donc) et, même si la sortie américaine a déjà érodée le mystère qui auréolait le film, le projet en lui-même a tout pour intriguer.

On le connaît pour sa performance physique et musicale dans Walk The Line, où il incarne Johnny Cash, ou encore pour ses rôles chez M. Night Shyamalan et James Gray. Joaquin Phoenix, petit frère de feu-River Phoenix, tout aussi talentueux et pénétrant, n'a eu besoin que d'une dizaine d'années pour s'imposer comme un acteur essentiel, roublard mais débordant d'une franchise qu'il ne sait pas toujours contrôler.

Alors que la tournée promotionnelle de Two Lovers bat son plein, Joaquin apparaît ravagé et impatient comme jamais. Il a les cheveux longs et gras, une barbe hirsute, et le regard vitreux. Il annonce sa retraite anticipée ; désormais il ne se consacrera plus qu'à sa nouvelle passion, le rap. Soit. Les fans éplorés espèrent que ce suicide artistique rimera à quelque chose et que de talent Joaquin ne manque pas, même en musique.

Pendant plusieurs mois s'est donc organisé une course-poursuite à celui qui prendra le cliché le plus dégradant de l'ex-acteur, la vidéo la plus compromettante. Les concerts s'enchaînent, les productions sont d'une qualité plus que douteuses et Joaquin semble, disons-le clairement, totalement anéanti par l'alcool et la drogue. Généralement, ses performances finissent donc par des rixes tout aussi pathétiques.

Très vite les premiers doutes apparaissent : les sorties médiatiques de Joaquin Phoenix ne feraient-elles pas partie d'une grande mascarade orchestrée par le facétieux acteur ? Même s'il s'accorde les faveurs de Puff Daddy à la production de son futur album, beaucoup restent circonspects. Dans les quelques interviews qu'il donne, Joaquin Phoenix est l'ombre de lui-même, capricieux, étourdi, médiocre.

La mascarade dure pendant plus de deux ans. Les présomptions semblent confirmées fin 2010 lorsque I'm still here, sous-titré The Lost Year of Joaquin Phoenix, est sélectionné au Festival de Venise. Présenté comme le suivi intimisme de l'acteur, entre incartades rap et délires égocentriques, Casey Affleck clame l'authenticité de son projet. Pour lui, la déchéance de l'acteur américain, dévoré par ses ambitions et ses rêves, cristallise la perdition d'une fange de l'industrie hollywoodienne, se croyant capable de tout et ne pensant avoir besoin de l'aide de personne.


Les conseils de P. Diddy extrait de I'm Still Here - The Lost Year of Joaquin Phoenix

Si vous tenez absolument à savoir si I'm still here est un un documentaire ou une fiction il vous suffira d'une recherche rapide. Ici, nous ne révélerons rien de la nature du projet. Car l'intérêt du film réside ailleurs, non pas dans son improvisation ou son récit d'une star déchue, mais, justement, dans sa forme indéfinie.

C'est en s'offrant comme pur objet documentaire que, paradoxalement, les frontières entre réalité et fiction s'étiolent. Werner Herzog est un chantre de la discipline (le beau et insaisissable Grizzly Man), d'autres s'y essayent, avec plus ou moins de franchise, comme par exemple l'ex-acteur porno HPG dans On ne devrait pas exister.

Dans cette ère où les régimes d'images se confondent de plus en plus, engoncés comme nous le sommes entre internet et la télévision, les enjeux esthétiques et narratifs de cette nouvelle forme de documentaire semblent donc s'exprimer dans le mystère, le jeu de dupes. Ce sont des images qui se présentent en tant qu'elles-mêmes, rien de plus, se perdant dans le flou épais du documentaire dont on ne connaît la méthode de fabrication. L'image captée est-elle réelle ? Placer une caméra n'est-il pas déjà un geste de mise en scène ? Ces scènes n'ont-elles pas été rejouées, réécrites ? A force d'interrogations, le spectateur se détache de ces considérations. Pour apprécier simplement sa position, réduite au voyeurisme, au plus proche d'un homme, d'un acteur peut-être, et de son histoire.

I'm still here profitera sûrement de la curiosité du spectateur pour un objet aussi étrange, malgré sa diffusion très restreinte. Que l'on soit un inconditionnel de Joaquin Phoenix et des destins brisés ou non, la proposition formelle d'I'm still here intriguera, captivera peut-être, et confirmera sans aucun doute l'audace d'un acteur qui ne pense rien avoir à perdre.

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1 commentaire
  • juliendg
    commentaire modéré SPOILER
    La grosse connerie de Joaquin Phoenix, en fait, c'est d'avoir reconnu que c'était du fake au lieu de rester dans le déni jusqu'au bout de sa vie, ce qui, à la longue, aurait pu draper le film d'une espèce d'aura mystique.
    C'est en ce sens que Exit Through the Gift Shop est très fort, parce que pas mal de gens crient au fake non pas à cause de rumeurs accrédités par des soi-disant complices, mais simplement parce que l'histoire et le personnage semble trop incroyable pour être vrai... Mais comme Banksy est muet comme une tombe, le mystère ne fait qu'enfler, les débats sont sans fin, et la légende ne peut que croître au cours du temps.
    Et donc c'est un win.
    19 juillet 2011 Voir la discussion...
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