Conversation secrète, le Blow Up de Francis Ford Coppola

Harry Caul est un expert en surveillance chargé d'espionner un couple. Tombant peu à peu dans la paranoïa, ses écoutes l'obsèdent quand il croit comprendre que le couple va être assassiné. Deux ans après Le Parrain, Francis Ford Coppola réalise un film sublime, proche de la perfection. Ici, le réalisateur de tous les excès (entre Le Parrain et Apocalypse now, Coppola a prouvé qu'il maitrisait la démesure) profite du succès de son Don Corleone pour réaliser, en toute intimité, un projet de près de 10 ans. L'idée du film lui vient d'une conversation sur la surveillance qu'il a avec Irvin Kershner, regretté réalisateur de L'Empire contre-attaque.

La scène d'ouverture, parfaite, nous plonge directement dans la peau du héros : la caméra zoome lentement sur le couple en question, sur Union Square, à San Francisco. On entend leur conversation, brouillée par les distorsions causées par l'enregistrement. Gros plan sur un sniper à la fenêtre. Comme dans le chef d'oeuvre Fenêtre sur cour (Alfred Hitchcock), le public devient vite le voyeur, le complice du drame qui se prépare.

Ici, la scène d'ouverture de Fenêtre sur cour :

Le film, considéré comme "une pâle copie de Blow-Up" par William Friedkin, personne n'y croit, à part Coppola, bien sûr. "Je ne le sentais pas du tout", raconte Peter Bogdanovich. Le film est finalement un succès critique, et il obtient une nomination pour meilleur film aux oscars (la même année qu'une autre nomination pour Coppola, Le Parrain 2), et la Palme d'Or à Cannes en 1974. Il reste aujourd'hui le film préféré de son réalisateur, pourtant il est injustement méconnu dans sa filmographie. Côté acteurs, on retrouve en second rôle John - Fredo Corleone - Cazale, excellent en collègue incrédule d'Harry Caul. Harrison Ford, dans un petit rôle, devait au départ n'avoir qu'une scène mais Coppola, enthousiasmé par son jeu, décide d'étoffer son personnage. Robert Duvall accepte quant à lui un minuscule rôle, néanmoins majeur dans l'histoire. Une nouvelle fois, Gene Hackman est impressionnant de justesse, en victime d'un complot qui le dépasse, et qui en perd la tête. En technicien qui, pour la première fois, s'implique personnellement dans ce qui n'était jusqu'ici, et depuis 20 ans, qu'un travail.

"Francis est un merveilleux réalisateur", commente Gene Hackman. "Il est d'une précision rare. Nous avons beaucoup travaillé sur les détails, et essayé de ne jamais rien considérer comme acquis pour le personnage de Caul. Je lui faisais entièrement confiance". Et son interprétation en est magnifiée : son personnage est l'un des plus énigmatique et intéressant du Nouvel Hollywood. Autre point fort du film : la musique originale de David Shire, entêtante et belle, donne une véritable atmosphère au film. Composée avant la production, elle est passée aux acteurs avant leurs scènes, pour qu'ils s'imprègnent de l'état d'esprit.

A écouter ici : David Shire - The Conversation