Total Recall : faut-il voir le remake ou revoir l'original ?
La version de Total Recall de Paul Verhoeven est aujourd'hui concurrencée par une nouvelle, produite et réalisée par Len Wiseman et intitulée Total Recall Mémoires Programmées. S'il faut trancher pour votre sortie du week-end : vaut-il mieux aller au cinéma pour voir Colin Farrell ou bien louer le DVD avec Arnold Schwarzenegger ?
Les remake et reboots sont aujourd'hui légion à Hollywood. De Batman à Spider-Man en passant par Hulk, ils sont une manne financière conséquente pour un industrie qui préfère se retourner sur son passé plutôt que construire à partir de rien. Total Recall Mémoires Programmées fait partie de cette génération de films qui ont déjà eu une première jeunesse, il y a 10, 15 ou 30 ans.
22 printemps plus tard, Arnold Schwarzenegger se voit remplacer par Colin Farrell, Mars par la Terre et Sharon Stone et Rachel Ticotin respectivement par Kate Beckinsale et Jessica Biel. Les 65 millions de dollars en 1990 laissent place à la somme imposante de 200 millions de dollars.
La petite histoire derrière le remake
Il était une fois, par un bel après-midi de 2008, Toby Jaffe. Producteur américain, Toby entre dans une librairie. Il parcourt nonchalamment les rayons, tombe sur des livres qui n'éveillent en lui aucun intérêt puis pose ses yeux sur un auteur dont le nom pourrait faire saliver bon nombre d'investisseurs à Hollywood : Philip K. Dick. L'auteur de science-fiction a vu son oeuvre adaptée une bonne dizaine de fois, de Blade Runner à Minority Report en passant par Paycheck. Toby commence alors à feuilleter un de ses livres.
Len Wiseman et (sa femme) Kate Beckinsale
Et selon le dossier de presse de Total Recall Mémoires programmées, Toby se retrouve à lire Souvenirs à vendre, la nouvelle qui a inspiré Total Recall : « je cherchais des livres que j'avais aimé lire quand j'étais plus jeune, et j'ai choisi une anthologie de Philip K.Dick. J'ai relu la nouvelle « Souvenirs a vendre ». J'avais beaucoup aimé cette formidable histoire imaginaire sur le désir d'accomplir ses rêves ». Aucune mention du premier Total Recall dans ce premier paragraphe : Toby préfère parler de ses souvenirs de gosse et oublie de préciser que les remakes sont aujourd'hui chose commune à Hollywood.
Quelques lignes plus tard, toujours dans le dossier de presse, les wagons sont enfin rattachés avec Paul Verhoeven et son adaptation de 1990. Et c'est un autre producteur, Neal H.Moritz, qui en parle : « J'ai senti que nous pouvions faire une version complètement nouvelle de l'histoire ». La messe est dite, le processus du remake peut recommencer avec 200 millions de dollars sur la table et Sony pour tenir les rênes. Mais le pactole a-t-il été utilisé à bon escient ? Pas vraiment...
Colin Farrel vs Arnold Schwarzenegger
Pour remplacer Arnold Schwarzenegger, les studios se sont tournés vers Colin Farrell, irlandais de nationalité ayant une crédibilité artistique à un niveau assez bas. L'acteur a enchaîné ces dernières années les films faiblards, entre Fright Night, Comment tuer mon boss et London Boulevard. Alors, pourquoi pas une adaptation de Philip K. Dick sous la forme d'un remake ? Il ne faut pas oublier que Colin Farrell a participé en 2003 à Minority Report aux côtés de Tom Cruise, sous la direction de Steven Spielberg. Avec ce premier rôle, la boucle semble bouclée. Face à Arnold Schwarzenegger, Colin Farrell ne fait pourtant pas le poids.
Calin musclé, extrait de Total Recall Mémoires Programmées
L'irlandais passe pour une poupée muette et désarticulée. Sa carcasse se trimballe pendant deux heures sur des toits d'immeubles, dans des voitures volantes et des cubes flottants. Étrange paradoxe que de reconnaître que même si Arnold Schwarzenegger a l'apparence d'une brute épaisse, son jeu, son rôle et son humour permettent aux spectateurs d'entrer la peau d'un homme poursuivi par lui-même. Colin Farrell, soumis au déferlement des scènes d'action voulues par Len Wiseman, n'a même pas le temps de froncer les sourcils. Et le jeu du fantôme Jessica Biel, sa partenaire qui veut l'aider à retrouver la mémoire, n'est pas là pour l'aider à se surpasser.
Len Wiseman vs Paul Verhoeven
Le réalisateur Len Wiseman a une carrière similaire à celle de Colin Farrell : une (petite) étincelle par-ci (Die Hard 4 - retour en enfer) contrebalancée par des navets par-là (Underworld et sa suite). Le dossier de presse préfère d'ailleurs s'intéresser à son travail d'accessoiriste dans la décoration sur le plateau d'Independance Day qu'à sa carrière de réalisateur. La différence avec Paul Verhoeven, autant du point de vue de la réalisation, de la mise en scène et même des décors, c'est que Len Wiseman n'invente rien, il pompe et dénature ses références. La nouvelle de Philip K.Dick ? Vidée de sa substance. Ses questionnements sur le trouble de l'identité ? Évacués au profit d'une banale confrontation entre des résistants et une dictature.
Là ou Paul Verhoeven réussissait à insufler une bonne dose d'humour dans un film d'action original et inventif en jouant sur la frontière trouble entre rêve et réalité (on se demande tout au long du film si Douglas Quaid est en train de rêver ou non), Len Wiseman, qui porte très mal son nom, enchaîne des scènes d'action pénibles deux heures durant. Exceptés quelques légers temps morts, jamais la caméra ne cesse de bouger, de peur de se rendre compte qu'elle ne filme rien d'autre que le vide de son scénario.
Total Recall (1990) vs Total Recall (2012)
Après visionnage, les déclarations de Colin Farrell à propos de son personnage sonnent creux, l'acteur affirmant qu'il a « cherché à conserver un équilibre dans cette lutte permanente entre les émotions et l'intellect. Cela touche à la définition de l'individu et de l'identité, du moi et du surmoi ».
Total Recall Mémoires Programmées est, au final, un remake « réactualisé » qui tourne mal et dont la sauce "blockbuster de science-fiction" ne prend jamais. Mauvaise copie graphique de Minority Report et de Blade Runner sur une idée encore plus d'actualité en 2012 qu'en 1990, le film de Len Wiseman se prend les pieds dans le tapis, croulant sous le poids de son budget colossal, faute d'une vision vraiment neuve sur la nouvelle de K. Dick. Un conseil, donc : reportez-vous sur les bonnes vieilles valeurs refuge que sont Schwarzenneger et Sharon Stone. N'est pas Paul Verhoeven qui veut.
Image : © Sony Pictures Releasing France
( Je sais que ce n'est pas la même chose, mais niveau modernisation, faut le faire )
Et je le trouve que David Fincher a excellé, faisant passer le film de Niels Arden Oplev pour une série télévisée.