Albert Finney fait partie de ces "jeunes loups" révélés en nombre par le cinéma britannique des Sixties avec Michael Caine, Terence Stamp, David Hemmings, Peter O'Toole, Sean Connery, Alan Bates et Oliver Reed, notamment... Avec Caine et Connery, il est un de ceux qui se sortent le mieux de la décennie terrible dans cette armada de jeunes premiers séduisants, talentueux et dotés de personnalités atypiques. Cependant, au contraire de Caine et Connery, Finney a d'emblée pris ses distances avec le cinéma et le star system, en privilégiant le théâtre ; ce n'est que depuis quelques années que l'ex interprète de
Tom Jones et Hercule Poirot émarge régulièrement au générique de grosses productions américaines.
Albert Finney est définitivement l'acteur dont la rareté aussi a fait le prix !
Fils d'un bookmaker, Albert Finney met en scène et interprète quinze pièces durant les cinq années qu'il passe au collège de Salford, sa ville natale.
Il entre comme boursier à l'Académie Royale d'Art Dramatique (l'ARAD) de Londres, où il a Alan Bates et Peter O'Toole comme condisciples, et se fait remarquer notamment dans La Nuit des rois de William Shakespeare.
En 1956, Finney débute sur une scène professionnelle à Birmingham. Il joue Jules César, Macbeth, César et Cléopâtre, Hamlet, Henri V - toutes pièces du grand William.
Puis le monstre sacré Charles Laughton le fait débuter à Londres dans la pièce The Party. Ils se retrouvent en 1959 à l'occasion du centième anniversaire du Shakespeare Memorial Theater à Stratford-upon-Avon dans Le Songe d'une nuit d'été, et Finney, lors de la même manifestation, donne la réplique à un autre monstre sacré, Laurence Olivier, dans Coriolan - Finney et Olivier seront partenaires au cinéma l'année suivante dans Le Cabotin de Tony Richardson, sur un scénario de John Osborne...
Laurence Olivier l'avait désigné d'ailleurs comme son successeur à la tête du Britain's National Theater, soulignant une continuité filiale entre eux - honneur que Finney déclina.
Toujours en 1960, Albert est sacré meilleur acteur de l'année pour son rôle dans Samedi soir et dimanche matin réalisé par Karel Reisz, film manifeste du Free Cinema, l'équivalent britannique de la Nouvelle Vague française - en plus engagé. Finney travaille dans le même temps pour le Royal Court, épicentre de l'avant-garde théâtrale.
En 1961, l'acteur hors normes refuse le rôle de Laurence d'Arabie et un cachet de 100 000 dollars pour diriger une troupe théâtrale à Glasgow pour un salaire modique de vingt dollars par semaine... Immédiatement, Finney renâcle devant sa voie de star toute tracée. Pour l'anecdote, le film Metello du grand réalisateur italien Mauro Bolognini lui était aussi destiné.
En 1962, il tourne Tom Jones, entre l'alcôve et la potence, comédie picaresque dirigée par Richardson sur un scénario d'Osborne. Ce personnage de mauvais garçon sympathique créé par le romancier Henry Fielding le sacre star et lui vaut sa première nomination à l'Oscar. Finney tourne dans la foulée Les Vainqueurs, film de guerre international à la distribution pléthorique (Jeanne Moreau, Romy Schneider, Melina Mercouri, Maurice Ronet, George Peppard, George Hamilton...), et dans le thriller La Force des ténèbres mis en scène par Reisz, d'après une pièce d'Emlyn Williams. Fidèle à sa passion première, Finney refuse les propositions suivantes pour devenir comédien et producteur au Citizens Theatre de Glasgow...
Figure du Swinging London, Albert Finney réalise Charlie Bubbles, autoportrait distancé, critique et parodique, où figure la débutante Liza Minnelli. Il est aussi la co-vedette avec Audrey Hepburn (et une toute jeune Jacqueline Bisset) du magnifique Voyage à deux de Stanley Donen, radiographie cruelle d'un couple presque ordinaire.
Finney est également à cette époque un des fondateurs de la compagnie de production Memorial Enterprises dont sortiront les classiques If et O Lucky Man ! de Lindsay Anderson avec Malcolm McDowell, Privilege avec le mannequin Jean Shrimpton (compagne de Terence Stamp), Spring and Sport Wine avec le vétéran James Mason ; la compagnie contribue aussi à lancer des cinéastes prometteurs comme Stephen Frears - Gumshoe interprété par Finney, The Burning -, Mike Leigh - Bleak Moments - et Tony Scott - Loving Memory.
Enfin, l'acteur producteur dirige de 1972 à la saison 1974-1975 l'illustre Royal Court.
Fatalement, cette boulimie d'activités éloigne passablement Albert Finney du grand écran, du moins comme acteur. Il revient cependant en force dans Le Crime de l'Orient-Express. Vieilli et grossi, sa composition en Hercule Poirot, le détective belge imaginé par Agatha Christie, lui vaut l'unanimité des critiques et une nouvelle nomination à l'Oscar. Le comédien refuse pourtant, selon une ligne de conduite cohérente, de reprendre ce rôle dans Mort sur le Nil, film dans lequel Peter Ustinov lui succède avec le succès que l'on sait.
Finney s'illustre les années suivantes dans Les Duellistes, adaptation de Joseph Conrad filmée par Ridley Scott (frère de Tony) pour laquelle son salaire consiste en une caisse de champagne ! A l'opposé, son rôle chantant dans Annie, exercice de style signé John Huston, lui rapporte un million de dollars !!
Après L'Usure du temps, chronique amère du mariage dirigée par Alan Parker, avec pour co-vedette Diane Keaton, l'horrifique Wolfen et la science-fiction Looker écrite et mise en scène par Michael Crichton, Albert retrouve le grand Huston et Jacqueline Bisset - cette fois dans le rôle de sa femme - pour une adaptation du noir roman de Malcolm Lowry Au-dessous du volcan ; dans la série des retrouvailles, Finney a pour partenaire principal Tom Courtenay dans L'Habilleur de Peter Yates : en 1960, Albert Finney avait créé la pièce Billy Liar/Billy le menteur avec Courtenay comme doublure, et ce dernier avait interprété le rôle dans la version cinématographique en 1963, réalisée par John Schlesinger... Le rôle de Finney dans L'Habilleur n'est pas sans évoquer celui de Laurence Olivier dans Le Cabotin vingt trois ans plus tôt.
Ne dédaignant pas le petit écran, Albert Finney interprète en 1984 le pape Jean-Paul II et co-réalise le téléfilm The Biko Inquest. En 1986, l'acteur remporte le Laurence Olivier Awards pour la pièce Orphans/Les Enfants de l'impasse et interprète la version cinématographique sous la direction d'Alan J. Pakula. Il fait aussi une apparition non créditée dans Miller's Crossing de
Joel Coen. Sa présence cautionne des productions plus discrètes, telles que The Playboys de l'écossais Gillies MacKinnon ou Rich in Love de Bruce Beresford, où il est le mari de Jill Clayburgh.
Sa composition de cocu pathétique dans Les Leçons de la vie de Mike Figgis, d'après la pièce de Terence Rattigan, précède la réussite de Un homme sans importance : ce rôle d'homosexuel, digne et héroïque, rapporte à Albert Finney une nouvelle nomination à l'Oscar - il en totalise cinq à ce jour...
Par la suite, Finney retravaille avec Peter Yates et participe à l'adaptation de Henry James Washington Square. A partir de Breakfast of Champions, il semble privilégier une carrière américaine, collaborant avec Steven Soderbergh sur
Erin Brockovich, Traffic et Ocean's Twelve, avec Tim Burton pour Big Fish et Les Noces funèbres, avec le vétéran Sidney Lumet pour Before the Deal ; il est aussi à l'affiche de La Vengeance dans la peau de Paul Greengrass. Trente ans après Les Duellistes, Ridley Scott le dirige de nouveau dans A Good Year. Dans Amazing Grace de Michael Apted, Finney prête ses traits à John Newton.
A la télévision, son prestige est pareillement immense puisqu'il est successivement Ernest Hemingway, Winston Churchill et Mon oncle Silas, le héros de Sheridan Le Fanu.
Pour finir ce tour d'horizon de taille, rappelons que le comédien, réalisateur, producteur et chanteur a été nommé à deux reprises au Broadway's Tony Award pour le rôle de Martin Luther dans la pièce Luther de John Osborne en 1964 et pour A Day in the Death of Joe Egg de Peter Nichol.
Albert Finney est probablement un des acteurs les plus récompensés de sa génération, particulièrement pour ses prestations sur les planches, malgré le fait qu'il travaille sans agent ni manager.
Après un premier mariage avec Jane Wendham de 1957 à 1961, dont son fils Simon est issu, Albert Finney a connu une brève liaison avec Audrey Hepburn sur le tournage de Voyage à deux. Il a ensuite été marié avec la française Anouk Aimée de 1970 à 1978. Depuis, Finney s'est marié et a divorcé ; il a eu un second enfant ; il vit actuellement avec sa quatrième épouse.