De Paris à New-York

2 Days in New York : les clichés profitent-ils à la comédie ?

Dossier | Par charlene salome | Le 28 mars 2012 à 18h56

Sorti en salle le 28 mars, 2 Days in New-York, la suite des aventures de Marion (cette fois de l'autre côté de l'Atlantique), s'évertue à rappeler les différences culturelles qui opposent américains et français? Les clichés sont courants dans la comédie. Mais font-ils vraiment rire ?

Et s'il y avait une suite au sympathique mais pas fantastique à 2 Days in Paris ? Et si cette suite prenait comme décor la Big Apple ? Et si on l'appelait 2 Days in New-York ?

La plus Yankee des réalisatrices/actrices françaises a ainsi transposé les personnages de 2 Days in Paris dans ce second volet, du père foutraque à la soeur, toujours aux prises avec ses problèmes freudiens en passant par l'ex petit-ami bof au possible. A une différence près : l'attrayant boyfriend américain du premier, Jack, campé par Adam Goldberg, n'est plus. En effet, Marion (Julie Delpy), est désormais installée à New-York avec Mingus (Chris Rock), un journaliste radio, leurs deux enfants, qu'ils ont eus de précédentes unions et leur chat, Jean-Luc. Photographe, Marion s'apprête à présenter une exposition sur le délitement du couple (tout un programme !). Sa famille a donc spécialement fait le voyage pour assister au vernissage et ainsi rencontrer son cher et tendre.

Dans ce diptyque, la réalisatrice force le trait, appuie sur les désormais bien connues différences culturelles entre les frenchies et les américains. Chez Delpy, le cliché est un ressort comique. Le hic est qu'il n'est pas toujours propice au rire?

2 Days In? : Grosse Pomme VS Ville-Lumière

La ville de New-York n'est ici qu'un prétexte, tout au plus un décor pour transposer la suite des aventures de Marion. Dans 2 Days In Paris, on assistait aux tribulations d'un américain à Paris. 2 Days In New-York, c'est un peu Les Tuche en Amérique. Ils ne feraient en tout cas pas plus mauvaise figure que les Duprès.

Le point de vue est inversé, puisque Julie Delpy projette la famille française dans un New-York, tour à tour de carte postale et d'hipster New-Yorkais. Dans le premier du nom, Jack insistait pour visiter les sempiternelles Cimetière du Père Lachaise et Catacombes. Dans le second, une séquence photographique suit les pérégrinations des Duprès dans les inratables de la métropole : Empire State Building, Broadway, Central Park, Times Square? L'intégralité du guide du Routard new-yorkais y est disséqué.

Elle dépeint New-York comme elle exposait Paris. Polarisée, elle est réduite à deux facettes archétypales : New-York (Paris) touristique / New-York des hipsters (Paris des bobos). New-York, Paris. Paris, New-York. Blanc bonnet et bonnet blanc?

L'artiste Vahram Muratyan s'est amusé à représenter ces deux archétypes citadins sur son blog, et a imaginé une manière ludique, faite de vignettes caustiques et colorées, de comparer les clichés circulant sur les deux villes.

© Vahram Muratyan

La ville cliché

Il est un autre cinéaste qui aime peindre la ville, ou plutôt son image déformée par le prisme du cliché. Woody Allen projette sur la ville ses visions, qui sont autant des songes que des hallucinations. Qu'ils s'agissent de Manhattan, Vicky Cristina Barcelona ou encore de Minuit à Paris, le rapport qu'il tisse à la ville (New-York, Paris, Barcelone, bientôt Rome) est intime. Il opère d'ailleurs le même traitement carte postale de Paris que de Manhattan. Il ne cherche pas y présenter une quelconque réalité humaine ou sociale. Il ne filme pas une ville, mais sa vision fantasmée.

Dans Minuit à Paris, les nombreux clichés sont autant d'idéaux servant les rêves d'un quadra névrosé et déprimé (Owen Wilson en double de Woody Allen).


Gil et les surréalistes, extrait de Minuit à Paris

C'est sans doute de cette modestie (ne pas prétendre s'inspirer d'une quelconque réalité), que découle le charme de ses films. Et c'est là sans aucun doute qu'échoue Delpy, pour qui toute bonne comédie doit s'inspirer de la réalité : « J'aime partir de la réalité, pas forcément d'un drame, mais d'une réalité précise ». Chez Allen, le cliché ne provoque pas forcément la bonne tranche de rire, mais enclenche un de ces sourires complices et bienveillants. Dans 2 Days In New-York, la comédie est désamorcée par le cliché, qui maltraite les personnages. Ils n'en deviennent aux yeux du spectateur que plus détestables.

Le choc des cultures

La joyeuse petite famille française condense à elle seule toutes les goujateries de la Terre : volontiers érotomane, égoïste, exhibitionniste, impolie, nymphomane et complètement obsédée par les saucisses et le fromage. De quoi soulever un haut le coeur au propret New-Yorkais, Mingus. 2 Days in New-York, tout comme son prédécesseur, repose sur un antagonisme culturel : Français versus Américains, Parisiens contre New-Yorkais. Le caractère comique provient justement de la rencontre de ces deux univers, profondément différents, créant une incommunicabilité langagière et culturelle.

Des films au succès populaire comme La Vie Est Un Long Fleuve Tranquille, Bienvenue Chez Les Ch'tis, ou plus récemment Intouchables reposent sur l'existence de deux mondes opposés qui se percutent. Le principe est simple : élaborer des figures archétypales, des caricatures d'un groupe social ( La Vie Est Un Long Fleuve Tranquille, Intouchables s'appuient sur ce principe) ou d'un groupe géographique (Bienvenue Chez Les Ch'tis) afin d'en dégager les contradictions. Le comique naît de cette apparente incommunicabilité, les personnages parvenant toujours à dépasser leurs différences. Si on peut remettre en cause le caractère drôle de certaines scènes, et la tendance à tomber dans les faciles bons sentiments, il n'en reste pas moins des moments sympathiques et des personnages attachants. La démarche loin d'être originale n'en est pas moins sincère. Ces films ne sont pas autre chose que ce qu'ils prétendent être : des comédies familiales, optimistes, anti-coup de blues, plus réjouissantes qu'un xanax.

2 Days in Paris / 2 Days in New-York : 1-0

Ce qui dans 2 Days in Paris pouvait apparaître comme une série de sketches plaisants sur les us et coutumes de nous autres Français (le cliché est parfois une vérité : voir la scène du taxi drageur) est complètement noyé dans ce deuxième opus par la logorhée hystérique de Marion et le propos brouillon de celle qui l'incarne.


Taxi dragueur, extrait de 2 Days in Paris

On regrette que le cynisme d'Adam « Jack » Goldberg ait déserté le film en même temps que le personnage. On se souviendra de la scène d'arrivée à la gare, très drôle.


Entraide américaine, extrait de 2 Days in Paris

Le propos se révèle assez rapidement épuisant. A l'image des photos de l'exposition de Marion, une série de clichés (au sens photographique du terme cette fois-ci) la mettant en scène dans son lit, accompagnée d'un mâle différent sur chaque photo, le film de Delpy se donne « l'air de » sans en être. C'est peut-être cela le plus agaçant. Au lieu de tenir la promesse d'une comédie sentimentale décalée, elle peine à éviter les poncifs sur le couple moderne de bobos new-yorkais. Elle échoue finalement à donner corps à ses clichés, figés sur la pellicule comme le sont sur papier glacé, les héros (caricaturalement) ordinaires qu'elle dépeint.

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3 commentaires
  • FilmsdeLover
    commentaire modéré La vraie question est surtout : Julie Delpy est-elle drôle ? Et la réponse est non.
    28 mars 2012 Voir la discussion...
  • Flavien
    commentaire modéré Le problème se pose depuis Hitchcock qui le résolvait ainsi : le problème ce n'est pas le cliché, c'est quelle place on lui attribue. Aucun problème de postuler sur un cliché, il importe surtout de ne pas y tomber dedans.
    30 mars 2012 Voir la discussion...
  • zigzagtouch
    commentaire modéré Je suis d'accord sur le fait qu'il est moins réussi que "2 days in Paris" mais en tout cas je me suis surpris à bien me marrer et plus d'une fois!
    30 mars 2012 Voir la discussion...
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