Blood Island (Bedevilled) à Panic! Cinéma
Panic ! Cinéma propose cette semaine du lourd, du quasi-inédit en salle, du coréen : Blood Island (Bedevilled), de Jang Cheol-soo.
Hae-won est une employée de bureau carriériste, égoïste et égocentrique. Après qu'elle refuse de prendre part à une enquête de police dans laquelle elle aurait pu aider à condamner des violeurs, des difficultés professionnelles la forcent à prendre des congés. Pour décompresser, elle se rend alors sur l'île de Moo-do où, enfant, elle avait passé des vacances, et y retrouve sa vieille amie Bok-nam, qui la supplie de l'aider à s'échapper. Bok-nam est traitée comme une esclave et un objet sexuel par les habitants de l'île mais, fidèle à sa ligne de conduite, Hae-won refuse de prendre parti. L'île à la végétation paradisiaque ne va pas tarder à devenir un enfer sanglant?
A l'ouest du soleil extrait de Bedevilled
Pour les fans de cinéma coréen et même pour les cinéphiles en général, la non-sortie en salles de Bedevilled est un mystère. Projeté au festival de Cannes 2010, vainqueur du Festial du Film Fantastique de Gérardmer, acclamé par la critique, il ne bénéficie pourtant en France que d'une petite sortie DVD. Petite reconnaissance pour un grand film, voilà une injustice que rattrapera heureusement Panic ! Cinéma demain soir en vous offrant une possibilité rarissime de voir le film sur grand écran.
Bedevilled confirme que la vague de cinéma coréen qui déferle sur l'occident depuis le début des années 2000 (portée notamment par Park Chan-wook et Kim Jee-woon) n'est pas qu'une passade, et qu'il faudra désormais compter avec des réalisateurs talentueux qui comblent de manière providentielle le manque d'audace dont le reste du monde fait preuve. Bien qu'il s'agisse là de son premier film, Jang Cheol-soo refuse les conventions et la facilité du film du genre : non, Bedevilled n'est pas un simple slasher, un simple film gore, un simple thriller ou un simple drame social et psychologique. Il est tout cela à la fois, et s'offre même le luxe d'être un peu plus que la somme de ses composantes.
Le film commence dans un style relativement contemplatif et introspectif, présentant la petite vie rangée et psychorigide d'Hae-won, puis les évènements qui l'amènent à son congé et ses retrouvailles, moins chaleureuses que prévues, avec son amie d'enfance. Mais attention, il y a contemplatif et contemplatif ; plutôt que de filmer la vie qui passe sans être dérangée, Jang Cheol-soo filme la violence et les abus commis dans l'indifférence.
Puis, au fil des crimes non punis qui durent depuis trop longtemps déjà, l'attention du spectateur glisse progressivement d'Hae-won à Bok-nam. Tandis que la première permettait, par le biais de l'identification, de pousser le spectateur à réfléchir sur des questions de morale, la seconde suscite plus son empathie, et son statut de victime pathétique, allié à sa personnalité de mère dévouée, font d'elle un personnage attachant.
Arrive alors la seconde partie du film, qui arrive comme une cassure net, un basculement radical dans la violence et la vengeance la plus extrême. L'heure de la contemplation et de la souffrance muette est passée, et il est temps pour les villageois de récolter ce qu'ils ont semés. La seule personne dont le sort reste encore incertain est Hae-won : s'est-elle attirée les foudres de Bok-nam par sa passivité, ou sera-t-elle épargnée au nom de la vieille amitié des deux femmes ? Bok-nam est-elle encore humaine ? Plus important encore : son personnage a-t-il considéré l'action et l'empathie que le spectateur lui avait accordé, maintenant qu'elle est passé de victime à bourreau ? Seul le grand cinéma pose de grandes questions.
Comme d'hab, le film sera projeté samedi soir à minuit pile au Nouveau Latina, mais venir avec un peu d'avance vous permettra d'être sûr d'avoir une place? et de profiter de la bière gratuite !