A Perdre la raison : rencontre avec Joachim Lafosse
Dans A Perdre la raison, Joachim Lafosse suit le tragique parcours de Murielle, une mère étouffée dans une vie qui s'est imposée à elle, qui va perdre pied et commettre l'inimaginable. Présent à Cannes pour présenter son film dans la section Un Certain Regard, le réalisateur belge en a profité pour évoquer ses influences et le duo de cinéma Tahar Rahim / Niels Arestrup reformé après Un Prophète.
?La tragédie, c'est la famille. Il n'y en a pas d'autre? remarquait Odile Barski, scénariste de La Fille du RER (avec Emilie Dequenne par ailleurs) et L'Ivresse du pouvoir de Claude Chabrol. Une phrase que semble avoir fait sienne le réalisateur belge de 37 ans qui continue son exploration de la cellule familiale. Pour ce nouveau film, il choisit de s'inspirer d'un drame familial, un fait divers récent qui avait bouleversé la Belgique. Joachim Lafosse évite soigneusement tous jugements moralisateurs. Il n'élude pas pas pour autant les raisons qui ont mené au drame, mais apporte des éléments de compréhension.
Pour aborder le thème de l'infanticide, le réalisateur a choisi de suivre la trame de certains classiques américains. La question n'est pas de savoir ce qui va arriver, le suspens est tué dans la scène d'ouverture, mais plutôt comment cela va arriver. Ses influences : Kramer contre Kramer, Une femme sous influence et Titanic en premier lieu : ?Avec les scénaristes Thomas Bidegain (De Rouille et d'Os, Un Prophète) et Matthieu Reynaert, on a pensé à utiliser la trame dramatique des thrillers américains, notamment de Titanic. Dès le début du film, le naufrage est annoncé. L'intéressant est de savoir comment il va sombrer?.
Pour accompagner le quotidien de cette famille hors-norme dont le socle est formé par les trois personnages Murielle (Emillie Dequenne), Mounir (Tahar Rahim) et André Pinget (Niels Arestrup) évoluant dans des rapports de dépendance réciproques, le réalisateur a choisi une musique baroque (Antonio Caldara) qui vient renforcer l'atmosphère anxiogène.
Dans A Perdre la raison, on y suit le récit elliptique de l'amour qui unit Mounir et Murielle pour le meilleur et pour le pire. André Pinget fait office d'élément perturbateur, chaperon et père protecteur généreux. Cette absence d'autonomie et d'intimité est suggérée par le réalisateur lors de plans qui laissent apercevoir des embrasures de portes. L'image est rongée tout comme l'est la jeune femme, qui ne parvient à trouver sa place au sein d'une relation dont elle semble exclue, reléguée au rôle de mère nourricière. Dans la scène finale, toute en retenue, la violence éclate hors-champ sans que le spectateur n'ait à s'y confronter directement.
Image : © Les Films du Losange
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IMtheRookie24 août 2012 Voir la discussion...