Jason Statham : un genre à lui tout seul ?
Jason Statham est cette semaine à l'affiche de Blitz, plus ou moins son vingt-quatrième film. Depuis 1998, le Stath (pour les intimes) s'est imposé comme une valeur incontournable d'un certain cinéma contemporain dont les contours sont difficilement définissables mais qui implique presque à tous les coups des flingues et des punchlines. Jason Statham n'est pas un method actor, mais son unique rôle, dont il joue systématiquement des variations, a tout de même quelque chose d'unique et de tout à fait caractéristique. Alors, qu'est-ce qu'il vous faut pour faire un film de Jason Statham ?
1. Un Jason Statham
Toutes les lectrices de Elle vous le diront : la mode n'est plus au butch, mais au métro-sexuel. Alors que la génération précédente célébrait les corps huilés de Stallone, Schwarzenegger ou Kurt Russel, les idéaux masculins contemporains sont à aller chercher du côté du physique flasque de Leonardo DiCaprio, de la féminité de Johnny Depp ou de la classe snob de George Clooney.
Avec sa barbe haute, ses arcades saillantes, ses front bombé et sa chevelure brûlée par la testostérone, Jason Statham incarne une virilité brute et rude sortie d'un autre âge, qui lui offre une présence physique n'ayant que peu d'équivalents chez les acteurs de sa génération. Il émane du Stath une menace sourde, une tension électrique que certains réalisateurs, notamment Guy Ritchie, prennent le parti d'exploiter à fond tout simplement en lui refusant des scènes de combat.
C'est quoi ton jeu ? extrait de Revolver
2. Des high-kicks & des one-liners
Un vrai film de Jason Statham contient soit de la violence verbale, soit de la violence physique, soit les deux. Car si l'ancien-plongeur ancien-mannequin ancien-escroc pratique les arts martiaux, il assène aussi les one-liners comme autant de coups de poings rhétoriques à la face de ses interlocuteurs. Dans Blitz, il assassine un pauvre bougre avec la plus stupide des répliques, « est-ce que j'ai l'air d'avoir un stylo ? ». Tout le monde n'est pas capable de donner tant de crédibilité à un aussi mauvais dialogue, et c'est ce qui fait la force du Stath.
Evidemment, depuis Le Transporteur, le public garde souvent en tête l'image d'un bastonneur, mais même lorsqu'il passe du verbe aux poings, Statham conserve une certaine classe, un certain sens de la retenue : il se bat en costume, sans pousser de cris, et presque avec sobriété, à mille lieux du style plus « street » d'un Bruce Willis ou d'un Vin Diesel. Le Stath est typiquement anglais, de son accent à couper au couteau à la classe avec laquelle il se bastonne sans froisser son costard.
Ici dans Blitz, notre homme massacre 3 voleurs de voiture dans un style ultra-minimaliste avant de clore la séquence d'une punchline dont il a le secret :
Pick the right weapon extrait de Blitz
3. Des machines
« You're a goddamn machine », affirme un personnage du Flingueur en s'adressant à Jason Statham dans la première partie du film. Et il a bien raison : l'acteur est une brute mécanique, qui ne sait jouer que des rôles de durs à cuire implacables avec lesquels on ne négocie pas. Et pour que cette caractéristique intrinsèque puisse pleinement s'exprimer, il faut le placer dans un contexte approprié?
L'un des plus mauvais films du Stath est sans conteste King Rising, Uwe Boll oblige. Mais si Statham y apparaît aussi peu à sa place, c'est également parce que son environnement naturel est la ville, et son époque de prédilection, le présent. Sapé en armure et muni d'une épée, la « goddman machine » se retrouve nécessairement anachronique. Fait pour évoluer en territoires urbains, il manipule les armes à feu avec un naturel déconcertant et ne fait qu'un avec les engins motorisés. Alors si vous voulez lui faire plaisir, offrez-lui des joujous à sa mesure :
Le monstre extrait de Course à la mort
4. Des partenaires de taille (facultatif)
Le gros avantage du Stath est que vous pouvez l'assaisonner avec pratiquement n'importe quel condiment (partenaire ou adversaire). S'il fonctionne très bien en unique tête d'affiche (Course à la Mort, Braquage à l'anglaise), vous pouvez tout aussi bien le mettre face à Wesley Snipes (Chaos), Jet Li (Rogue), Brad Pitt (Snatch), Ray Liotta (Revolver) ou même Tom Cruise (Collateral, brièvement), il ne se laisse jamais bouffer par qui que ce soit et ne perd rien de sa saveur. C'est ce qui lui permet de tenir la dragée haute à ses pères spirituels dans The Expendables, allégorie formidable du passage de flambeau. On le retrouvera bientôt face à Clive Owen et Robert de Niro dans The Killer Elite, et on n'a aucun souci à se faire pour lui.
Et on mélange?
Maintenant que vous avez votre Stath, vos machines et vos répliques qui tuent, il ne vous reste plus qu'à répartir le dosage des ingrédients, à bien secouer le tout, et vous obtiendrez un film de Jason Statham, dans lequel il aura le rôle d'un flic, d'un tueur ou d'un escroc à la petite semaine ; forcément un type retors mais sympathique (à moins que vous ne soyez fans de Cellular).
Un dernier détail pour la route : Le Stath ne sauve pas le monde, l'univers ou sa ville. Il venge ses potes, cherche à raffler un gros magot ou tente de sauver sa peau, mais globalement on ne lui met jamais de destin trop faramineux entre les mains, parce que ses films marchent mieux si les enjeux sont à petite échelle, ce qui lui donne toujours l'occasion d'en faire « une affaire personnelle », comme on dit dans les polars cheap.
Maintenant, tu sais ce que je fais dans la vie... extrait de Expendables : unité spéciale
Jason Statham n'est pas à proprement parler un grand acteur au sens de Marlon Brando ou de Daniel Day-Lewis, et n'est certainement pas le caméléon que peuvent être Gary Oldman ou Johnny Depp, mais force est de constater que, depuis pas loin de 15 ans, il est devenu une star et une tête d'affiche relativement bankable. Envers et contre tout, le Stath semble être là pour durer et imposer son inimitable patte dans le monde du cinéma d'action : un film de Jason Statham, c'est avant tout un film dans lequel nul autre ne peut tenir le rôle principal...