Le Tueur de Dames / Lady Killers
Cette fois ci nous allons parler du film le Tueur de Dames (Alexander Mackendrick / 1955) et de son remake Ladykillers (Joel et Ethan Coen / 2004).
L'original est un exemple typique de comédie à l'anglaise, malgré le fait que son réalisateur soit américain. On y retrouve un humour noir et pince-sans-rire, ainsi que des situations et des gags complètement décalés. Dans le même genre on pourra citer Noblesse Oblige ou Heavens Above. Le scénario parle d'une bande de malfrats qui loue une chambre à une vieille dame pour réaliser un casse. Lorsque la propriétaire découvre le pot aux roses, les malfrats décident de la supprimer, mais décèdent un par un avant d'y parvenir...
On imagine qu'un tel film ait plu aux frères Coen qui partagent le même genre d'humour (Arizona Junior, Fargo...). Ladykillers est leur 11e film et c'est la première fois qu'ils ne rédigent pas eux-mêmes leur scénario, cela peut paraître étonnant, mais après trois prix de la mise en scène et une palme d'or à Cannes, les deux frères n'avaient plus vraiment grand chose à prouver.
Le contexte : La version de 1955 se déroule dans le Londres cosmopolite et bruyant des années 50, la plupart des personnages sont tirés à quatre épingles et ont un humour pince-sans-rire ravageur.
"L'idée de situer Ladykillers dans le Sud et de faire de la vieille dame une fervente de l'Eglise baptiste a été notre point de départ. Cela redéfinissait tout l'ensemble". Avec ce choix des frères Coen toute l'ambiance du film change radicalement, l'accent tonique devient traînant, le brouillard fait place à l'humidité et le ballet incessant des trains laisse la place à ceux des bateaux.
L'humour du film est beaucoup plus sage chez Mackendrick que chez les Coen, les personnages sont moins pathétiques et leurs morts moins violentes. Les Coen se permettent beaucoup de liberté avec les dialogues, rendant le film beaucoup plus loufoque.
Alec Guinness (vingt ans avant son rôle d'Obi Wan Kenobi), joue le rôle du professeur, le chef de la petite association de malfaiteurs du film. Il insuffle au personnage une certaine classe couplée à une méchanceté rare. En 2004 c'est Tom Hanks qui reprend le rôle avec un certain talent. Tom Hanks a toujours eu cette image très lisse d'acteur bankable et lorsqu'il a pu enfin briser cette image, il le fit avec un plaisir non dissimulé.
Les deux rôles sont assez similaires dans les deux cas puisqu'il joue sur le décalage entre l'érudition, l'assurance du personnage et l'équipe de bras cassés qui le seconde. Guinness comme Hanks ont du s'enlaidir pour jouer le rôle afin de casser leur image et empêcher l'identification du spectateur.
Dans la version originale le professeur représentait le côté vieux jeu et dépravé de la noblesse anglaise, alors que les frères Coen utilisent ce rôle pour se moquer de la suffisance et de la prétention de la vieille Europe. En effet le professeur est le seul personnage européen et il dénote complètement avec l'ambiance dirty south du remake.
La pièce centrale des deux films reste le personnage de la vieille propriétaire, dans les deux cas sa naïveté et sa gentillesse pousse à l'empathie, ce qui permet de liquider tranquillement tout le reste du casting au cours du film.
C'est Katie Johnson qui joue le rôle dans la version originale, elle commença sa carrière d'actrice en 1932 à 55 ans et ne connaîtra le succès qu'après avoir joué ce rôle. Elle reçut le prix de la meilleure actrice décerné par la British Film Academy, méchant coup du sort elle mourra seulement deux ans plus tard.
Les frères Coen ont eux jeté leur dévolu sur Irma P. Hall, l'actrice afro-américaine s'était déjà fait remarquer, mais pour elle aussi ce rôle sera une consécration tardive. Elle remportera le prix du jury à Cannes ex-aequo avec le film Tropical Malady. Il est rare que le jury de Cannes récompense une comédie, signe de plus que sa prestation a marqué les esprits.
Le remake s'éloigne assez de l'oeuvre originale pour que les deux films se complètent et puissent se regarder avec le même plaisir. Le film des frères Coen a reçu de mauvaises critiques à sa sortie et on lui reprochait son ton léger.
Il faut voir Lady Killers comme une réactualisation ainsi qu'un hommage aux comédies d'avant. Un regard en arrière plein de respect et d'admiration, il n'y a vraiment pas de mal à ça.