M.A.S.H. de Robert Altman, la Palme de l'audace
Courant majeur dans l'histoire du cinéma américain, le Nouvel Hollywood a marqué les années 70 et profondément renouvelé la manière de faire des films. Nous vous proposons de découvrir les films et les auteurs phares de ce mouvement via une série d'articles détaillés...
Trois chirurgiens militaires au sein du "M.A.S.H", le "Mobile Army Surgical Hospital", sont plus intéressés par les femmes et l'alcool que l'autorité et la discipline. En pleine guerre de Corée, les nouveaux « charcutiers » de l'unité arrivent à trouver le temps de s'adonner au golf ou au football américain. Les représentants du commandement millitaire qui les entourent n'ont aucun effet sur eux, et ne leur imposent ni peur, ni respect :
M.A.S.H se moque ouvertement des deux piliers de la société américaine de l'époque : la religion et l'armée. Le major Frank Burns (Robert Duvall), bigot adultère, représente parfaitement l'hypocrisie dénoncée par Robert Altman. L'autorité morale est ridiculisée par cette joyeuse bande de renégats : des militaires anti-militaristes. Le pire péché chrétien est mis en (s)cène comme un moment de fête et de rassemblement. M.A.S.H est audacieux, irrévérencieux, et plus encore blasphématoire :
Pendant le tournage, Robert Altman, réalisateur choisi après que quelques grands noms, comme William Friedkin, aient été refusés par la Fox, s'est avéré aussi incontrôlable que les héros de M.A.S.H. En conflit permanent avec son directeur de production et son scénariste, la meilleure raison que la Fox avait de le garder était son maigre salaire de 75 000 dollars, quand le film en rapportera près de 40 millions.
Après quelques semaines de tournage, même les acteurs ont l'impression que « Robert Altman est en train de foutre en l'air [leur] carrière ». Elliott Gould et Donald Sutherland, qui incarnent les deux personnages principaux, vont jusqu'à demander à la Fox de renvoyer Altman du film. Les méthodes non-conventionnelles du réalisateur passent pour de l'irresponsabilité. Donald Sutherland dira plus tard : « Nous pensions que Bob devait être interné dans une institution pour déséquilibrés mentaux. ». A ce sujet, la réplique que Margaret « Hot Lips » O'Houlihan (Sally Kellerman) balance à Benjamin Franklin (Donald Sutherland) traduit bien l'ambiance hors cadre : « Je me demande comment un dégénéré comme vous a pu atteindre votre niveau de responsabilité. ».
Malgré tout, en s'impliquant totalement, Robert Altman réussit à emmener les acteurs là où ils étaient trop frileux pour aller seuls. C'est par exemple en se mettant nu sur le plateau avec Gary Burghoff (Caporal O'Reilly) qu'il réussit à obtenir de Sally Kellerman la scène la plus connue du film aujourd'hui :
Le réalisateur a ensuite gagné la confiance de son équipe. Il saura ainsi faire accepter son montage à un studio qui le méprise, et à qui il le rend bien. A propos des difficultés rencontrées à cause de ses problèmes relationnels avec la Fox, Robert Altman dira : « This film wasn't released - it escaped » (« Ce film n'est pas sorti, il s'est échappé »). Mais il restera chef des opérations jusqu'au final cut.
Si le film est censé se dérouler pendant la guerre de Corée, il est une critique évidente de la guerre du Vietnam et sera compris comme tel par le public et la critique. Son humour noir et son bras d'honneur à la société américaine conservatrice (et au système des studios, que les vieux producteurs traditionnels s'attachent à maintenir) trouvèrent un excellent allié outre-Atlantique. En effet, après Easy Rider, qui avait reçu l'année précédente le Prix de la meilleure première oeuvre à Cannes, M.A.S.H allait se voir décerner la plus prestigieuse des récompenses avec le Grand Prix du festival international du film, qu'on appelle aujourd'hui... Palme d'or.
Jouer au MovieQuiz Palmes d'or...
Jouer au MovieQuiz Films de guerre...