Décès du cinéaste Alain Resnais
Alain Resnais, réalisateur de L'Année dernière à Marienbad, Mon Oncle d'Amérique, Nuit et brouillard ou encore On connait la chanson est mort hier, samedi 1er mars 2014. Il avait 91 ans. Joseph Boinay, inconditionnel du cinéaste, a souhaité lui rendre, depuis Chalon-sur-Saône, un hommage ému.
À Chalon, c'est jour de Carnaval.
Je n'ai pas encore enfilé de costume, mais déjà, je ne suis plus moi-même. Alain Resnais est mort, je l'ai appris ce matin. Il ne s'est pas pendu, comme Ragueneau, un de mes oncles d'Amérique. Non, il est mort, de mort naturelle. Tous ces êtres qui se bousculent et les confettis qui tapissent le macadam ne sont qu'une seule et même chose. Ce sont les personnages d'Alain Resnais : Nous. Mes larmes se mêlent à la fanfare et Bashung résonne à mes oreilles :
Vertige de l'amour, extrait de On connaît la chanson
Comment rendre hommage à celui qui m'a accompagné toute la vie et m'a bouleversé plus qu'aucun autre ? Je ne devrais pas dire «je», mais c'est pourtant à ce «je» que Resnais a dédié ses explorations, le «je» de ces identités miroitantes, ces «je» solitaires, monades floconneuses qui se regroupent malgré elles, formant un épais manteau, tour à tour froid et enveloppant. Ces «je» soumis aux variations du temps et de la conscience. Ces «je» qui ne parviennent jamais vraiment à se trouver, sinon pour se perdre. On a dit Resnais trop cérébral, trop froid peut-être, comme s'il n'avait pas de coeur, comme s'il n'était de savants qui ne soient aussi poètes. Il nous a pourtant dit «Je t'aime» souvent, lui qui ne dissociait jamais la rigueur et la volupté. Il était le cinéaste de la curiosité. La curiosité, ce n'est pas la froideur intellectuelle dont on parle plus haut, ni le jeu, mais un peu des deux, chercher au fond de soi, trouver le vertige et décider qu'on peut s'en émouvoir. Alain Resnais, c'était le Gai Savoir. À une réalité fragmentée au gré des souvenirs, à l'exigence, à l'expérimentation, il confrontait toujours des coeurs, des âmes. Car c'est bien à l'exploration de l'âme qu'il s'est toujours attaché, avec malice, avec lucidité, avec élégance. Cinéaste du jeu, du double, de la perte : «Je est un autre», semblait nous dire Resnais. «Je» est capable du pire, Hiroshima, mon amour. Mais ce «Je» est toujours aussi une Providence. Et la vie, un roman.
En bas de ma rue, des masques gigantesques, monstrueux et bariolés, dodelinent et ricanent.
C'est jour de Carnaval.
Alain n'est plus, nous sommes orphelins: le cinéma français, le cinéma tout court. Il a passé sa vie à chercher et à trouver. Il est vivant.
— gilles jacob (@jajacobbi) March 2, 2014
Merci zephsk, j'ajoute que l'article est écrit avec majesté et ce style m'émeut autant que ce qu'il dit
Je suis sûrement trop terre à terre.
Entendre mystique comme dans mystère : qu'y a-t-il dans ce Je qui nous dévore ? Dieu sûrement. Donc l'autre. Donc Je. Je suis sibyllin, j'ai bu.