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Qui vote aux Oscars ?

Festival / Récompenses | Par Julien Di Giacomo | Le 27 février 2012 à 03h16

Depuis quelques semaines, l'Académie des Oscars se bouffe un bon gros bad buzz avec la révélation chiffrée de ce que tout le monde soupçonnait déjà : les votants sont une bande de vieux croûtons blancs :

Photo exclusive des membres de l'Académie des Oscars

La joyeuse troupe qui vote chaque année pour élire les meilleurs films, acteurs, réalisateurs et scénarios de l'industrie du cinéma est composée de 5765 personnes, tous membres à vie, et dont le nombre grossit d'une trentaine de nouveaux entrants par année. Même si le fait d'avoir obtenu une nomination au cours de sa carrière est un des critères de recevabilité pour rejoindre l'assemblée, les chiffres montrent que seulement 33% des membres sont des anciens nommés (dont seulement 42% ont gagné une statuette), tandis que 64% de votants n'ont jamais eu l'opportunité de gagner quoi que ce soit aux Oscars. Contrairement à une croyance parfois répandue, l'Académie votante n'est donc pas majoritairement constituée d'anciens nommés. Et, étant donné que la titularisation est à vie, certains des membres ne sont même plus en activité depuis de nombreuses années - parmi eux, on cite comme exemple fameux un libraire et une nonne, qui n'ont plus aucun lien avec l'industrie du cinéma mais qui continuent de participer aux élections chaque année.

Mais les trois statistiques qui sont principalement le sujet de polémiques concernent le sexe, la « race » (au sens américain du terme, m'emmerdez pas) et l'âge des membres de l'Académie. Ceux-ci sont des hommes à 77%, des blancs à 94% et des vieux de plus de 50 ans à 86% (il faut probablement y voir une conséquence inévitable de la titularisation à vie). La moyenne d'âge des membres est située autour de 62 ans, ce qui, pour le LA Times, explique la victoire du très académique Discours d'un roi sur The Social Network l'année dernière : les thématiques du film de David Fincher seraient passées largement au-dessus de la plupart des votants, tout simplement à cause du fossé générationnel. D'une manière analogue, on peut s'aventurer à arguer que la très faible proportion d'acteurs noirs oscarisés (4% des gagnants) et le chiffre ridicule de réalisatrices récompensées (1) sont surtout le reflet de la composition de l'Académie. Sans aller jusqu'à les traiter de racistes misogynes (ce serait déplacé), on peut comprendre que leurs goûts sont influencés par ce qu'ils sont eux-mêmes.

Evidemment, une telle radicalité statistique soulève un gros paquet de questions de fond, notamment sur le rôle exact de l'Académie, et sur ce que sont censés représenter exactement les Oscars. Il faut se demander à quoi correspond exactement la récompense la plus prestigieuse de l'industrie du cinéma pour comprendre en quoi la nature de la composition de son assemblée votante peut constituer un problème. Pour Frank Pierson, le scénariste de Un après-midi de chien, qui a été un temps président de l'Académie, le problème n'en est pas un : son opinion est que les Oscars doivent représenter l'industrie hollywoodienne, et pas la population américaine dans son ensemble. En conséquence, c'est l'industrie dans son ensemble qui serait à blâmer ; l'Académie n'en serait qu'un miroir. Et, qu'on soit d'accord avec ce point de vue ou non, les chiffres montrent que la répartition des hommes et des femmes au sein de l'Académie est bel et bien représentative de la réalité de la parité dans l'industrie du cinéma américain en général. Pour Denzel Washington, au contraire, la proportion d'afro-américains et de latinos devrait représenter celle de la population américaine. L'acteur afro-américain Bernie Casey, qui était membre de l'Académie, l'a quittée parce qu'il en avait assez de voir les afro-américains marginalisés, faisant ainsi baisser la part d'afro-américains dans l'institution? Bien joué, Bernie, bravo.


scene extrait de Devine qui vient dîner?

On semble aller dans une impasse, car tant que les votants seront majoritairement des hommes blancs et vieux, ils continueront de favoriser la mise en valeur d'un cinéma de vieux hommes blancs (ça sent bon pour The Artist ça, d'un autre côté), et donc sa réussite économique, encourageant indirectement les grands studios à favoriser la production de ce type de cinéma et poussant à la stagnation de la situation. Contrairement à ce que pense Frank Pierson, l'Académie est autant le reflet de l'industrie que l'industrie est le reflet de l'Académie. Mais avec seulement 30 nouveaux membres par an et la croissance de l'espérance de vie, il est quasiment impossible que la situation change radicalement, même si l'actuelle présidence des Oscars est prête à reconnaître elle-même ses torts. La vérité, c'est que seule une bonne grosse révolution pourrait réellement changer les choses, avec par exemple une durée limitée dans le temps associée au statut de votant, ou l'instauration (toujours délicate, il est vrai) de quotas. Mais, d'un autre côté, si les Oscars n'étaient plus une cérémonie de vieux croutons blancs, ils ne seraient plus vraiment les Oscars? Et on se retrouverait privés du plaisir de cracher dessus et de râler, année après année, sur leurs décisions archaïques (« Le Discours d'un roi > The Social Network, seriously? wtf? » est quand même un sujet qui nous aura bien occupés). Avouons que ça nous manquerait.

Source : cet article est allègrement pompé sur plusieurs très bons papiers du LA TIMES | Image : © Wikimedia Commons

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1 commentaire
  • bobbyandhelen
    commentaire modéré Très bon article. =)
    Sujet délicat en effet... On est pas près de trouver la solution à mon avis. ^^
    27 février 2012 Voir la discussion...
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