Retour vers le Futur de Robert Zemeckis, Le teen-movie familial
Retour Vers Le Futur, c'est le film que tout le monde a vu et revu, et dont tout le monde sait tout, quel intérêt d'en rechroniquer l'histoire, me direz-vous ? L'histoire, vous la connaissez déjà tous : Marty McFly (Michael J. Fox), 17 ans, habite à Hill Valley, en Californie, il est too cool for school, il boit du Pepsi light, il va à l'école en skate sur fond de Huey Lewis, a une jolie petite amie, en plus elle s'appelle Jennifer, et il a une vraie passion pour la guitare électrique. Bref, le combo gagnant en 1985, si ce n'était un léger manque de confiance en lui et la peur de devenir un raté, ce que lui répète régulièrement le con qui lui tient lieu de proviseur (mais quel lycéen n'a pas eu de proviseur horrible ?).
You're a slacker, McFly! extrait de Retour vers le futur
Son truc en plus, c'est son amitié avec un savant fou, Emmet Brown, Doc (Christopher Lloyd), un type qui s'écrie « Nom de Zeus » (« Great Scott » en anglais) quand il trouve quelque chose de génial impliquant un convecteur spatio-temporel fonctionnant à une puissance de 210 gigowatts/heure alimenté par du plutonium (trouvaille qu'il a en plus le bon goût de fixer sur une bagnole badass). Son truc en moins, c'est le bagage familial middle class négatif à tendance naze : son père, George (Crispin Glover), est une lopette, sa mère, Lorraine (Lea Thompson), une alcoolique castratrice, sa soeur une vieille fille pathétique et son frère qui bosse chez Free Time (enfin, c'est pas Free Time, mais vous saisissez l'image).
Bref, un vrai plan white trash qui ferait craindre une génétique foireuse au plus optimiste des gamins. Par un heureux ou malheureux hasard, Marty utilise la machine à voyager dans le temps conçue par son ami Doc, et atterrit en 1955 au moment précis où ses parents sont sur le point de se rencontrer. Rencontre émouvante s'il en est, à ceci près que, Marty, empêchant papa de reluquer maman en loucedé, devient un obstacle à leur rencontre, et crée le désormais légendaire « paradoxe spatio-temporel » : s'ils ne se rencontrent pas, pas de Marty, mais si pas de Marty, comment ne peuvent-ils pas se rencontrer, et après tout, qui de la poule ou de l'oeuf est venu en premier ?
Marty a donc pour double objectif de rétablir l'ordre des choses en faisant en sorte que ses parents tombent amoureux, et en trouvant un moyen de retrouver une époque civilisée, où Van Halen est à la mode. Grâce à l'aide du Doc version 1955, et d'une solide culture populaire mâtinée de Star Wars et de Chuck Berry, Marty parvient à rétablir les choses, peut-être même à les améliorer, puis à repartir dans son 1985 natal, où tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, et peut-être même, explorer des possibles encore plus excitants.
Back to the future extrait de Retour vers le futur
Pourtant, derrière l'histoire à la cool de la General Motors DeLorean qui permet de voyager dans le temps pour boire du Pepsi pas cher sur fond de rockab', la quintessence du teen movie se cache. Car si on devait résumer Retour Vers le Futur en une phrase, il s'agit ni plus ni moins de l'histoire d'un adolescent de 17 ans qui rencontre ses parents.
Ecrit par Robert Zemeckis et Bob Gale, l'idée originale du script était venue de la fois où Gale, lors d'un Thanksgiving quelconque à St. Louis, Misouri, avait glandé dans ses archives parentales. En trouvant le yearbook paternel, il découvrit avec effroi que ce dernier avait été Président de sa promo, et fit le rapprochement immédiat avec son expérience lycéenne à lui : par l'enfer !! Mais c'était pas des gros nazes, les présidents de classe ? Mais, est-ce que j'aurais été copain avec mon père, si je l'avais connu ado ? Que de questionnements existentiels que Gale partage avec Zemeckis, qui s'est alors amusé de l'image virginale qu'on se fait de nos mères adolescentes alors qu'elles étaient sans doute, comme tout le monde, des slutty-teens au soutif rembourré avec du coton tirant leur première latte sur une Marlboro light pour impressionner la gent masculine. Retour Vers le Futur était né.
Par ailleurs, le choix temporel des années 80 et 50 ne s'expliquait pas uniquement par des ressorts scénaristiques et comiques évidents.
Skateboard en 1955 extrait de Retour vers le futur
Certes, un adolescent de 1985 voulant rencontrer ses parents adolescents devrait forcément voyager quelque part entre 1945 et 1970. Le choix plus précis de 1955, outre la lisibilité qu'il impliquait (30 ans pile plus tôt que 1985, ergo, les parents de Marty l'ont eu à 30 ans), faisait aussi sens d'un point de vue sociologique et cinématographique. En effet, les années 50 correspondaient pour Zemeckis à la période à laquelle les adolescents commençaient à émerger comme un groupe culturel important de la société américaine - c'était l'époque où commençait à se développer la culture suburbaine waspy, le développement du rock'n roll et la mise en scène d'un fossé générationnel que ce dernier occasionnait...
Eh, mais si on y regarde de plus près, le premier teen movie ever ne remonterait pas aux années 50 ? Oh oui, c'est toi que je regarde, Rebel Without a Cause? Avec Retour Vers le Futur, Robert Zemeckis souhaitait faire un teen-movie à sa manière, c'est-à-dire en observant l'adolescence par la lorgnette des référents culturels de la jeunesse et leur évolution ou au contraire leur rémanence. Il voulait aussi montrer une image rassurante de l'adolescence, et aller à rebours du discours classique sur l'angoisse, la « teen angst ». Pourtant, avec un concept pareil, il y avait matière à créer nombre de scènes lacrymales.
À vrai dire, au panthéon des teen movies, force est de constater que Retour Vers le Futur est tellement gigacool qu'on en oublie sa dimension adolescente pour y voir avant tout un divertissement pour enfants. De fait, Zemeckis et Gale n'ont jamais réussi à vendre leur film à Ned Tanen, le grand producteur de films comme The Breakfast Club et St. Elmo's Fire - c'est d'ailleurs en hommage à cette casserole que l'antagoniste de la série s'appelle également Tannen? En effet, pour des producteurs comme Tanen, le ton de Retour Vers Le Futur était trop léger pour avoir un quelconque impact sur les adolescents qui aimaient le bouillonnement hormonal qui transpirait des productions de John Hughes. Le swagger de Marty ne suffisait pas à le rendre identifiable auprès des 15-20 ans américains - il lui manquait un peu de pulsions sexuelles pour ça. Faire un teen movie qui ne soit que léger, ça ne se faisait malheureusement pas, surtout après le passage d'un John Hughes qui démontrait à quel point le burlesque pouvait servir de tremplin à une vraie émotion, ou après le passage du duo Amy Heckerling / Cameron Crowe, qui montraient, dans Fast Times at Ridgemont High, à quel point l'adolescence était le moment de l'éveil sexuel.
D'émotion forte, de tension sexuelle, il n'y en a pas chez Zemeckis, tant l'objectif recherché est celui du divertissement familial dans la plus grande tradition hollywoodienne. Malheureusement, quand il s'est agit de pitcher le film auprès de Disney, Zemeckis a également reçu une fin de non-recevoir : en effet, Disney ne faisait pas dans « je me fais allumer par la version jeune de ma mère », comme concept. Bref, Retour Vers le Futur se trouvait un peu pris entre deux feux, et sans le soutien de Spielberg, on n'aurait sans doute jamais su qui avait vraiment inventé Johnny B. Goode.
Johnny B. Goode extrait de Retour vers le futur
Ce parti-pris de légèreté est aussi à l'origine d'une des plus flamboyantes erreurs de casting de l'histoire des années 80. Michael J. Fox était le premier choix de Robert Zemeckis : il était alors un des jeunes talents comiques les plus prometteurs aux Etats-Unis, où il était la star de la sitcom Family Ties. Seulement, en raison du tournage de cette série, il n'avait pas pu se libérer, et Eric Stoltz fut choisi en remplacement. Eric Stoltz, c'est un des piliers de l'édifice teen movie des années 80 à l'époque : il avait fait ses armes dasn Fast Times at Ridgemont High, avait une vraie gueule d'ange qui véhiculait la rébellion adolescente et tout semblait le désigner pour le rôle. Sauf que pour Zemeckis et pour Spielberg, il ne correspondait pas à ce dont il était question dans ce film. En cours de tournage, il fut remercié, on aménagea tant bien que mal des plages horaires pour s'offrir Michael J. Fox, le seul acteur capable de véhiculer l'énergie vitale nécessaire pour donner de la légèreté comique à un personnage qui découvre que son père est un loser et sa mère une allumeuse de province. The rest, as they say, is History.
Au final, Retour Vers le Futur avait tout pour devenir un monument teen, de par la confrontation entre les angoisses de Marty et celles de son père. Comment réagirait un adolescent qui se rendrait compte que son père était le gros nul du lycée à l'époque ? Mais le potentiel humiliant de la découverte est totalement avorté dans le film, tant l'objectif de Zemeckis est résolument proactif. En quelque sorte, l'adolescence qu'il montre est une énergie positive. Et quel acteur est plus énergique que Michael J. Fox ? Marty McFly n'est pas là pour s'apitoyer sur son sort ou même pour crier sa rage contre son père ; il ne s'agit pas de conflit générationnel, ici, mais de l'inverse. On ne nous montre pas une incompréhension entre parents et adolescents, parce que tout simplement, les parents sont des adolescents.
L'objectif de Marty dans cet imbroglio familial, c'est de gagner le droit à exister, à tous points de vue : d'une part, certes, en inversant le « paradoxe » temporel qu'il a involontairement créé, mais d'autre part, en incitant la version adolescente de son père à devenir un battant, il se pousse à en devenir un lui-même. C'est en fait l'exacte inverse de ce que montrent les John Hughes, Howard Deutch et consorts dans leurs films. Il oppose au déterminisme familial typique des teen-movies des années 80 un jeu de miroir entre parents et adolescents, où finalement, il ne sert à rien de réfléchir trop, mieux vaut agir sur son destin. C'est pas forcément réaliste, mais c'est rassurant.
Ainsi, Retour Vers le Futur, bien que centré sur un adolescent qui rencontre la version adolescente de ses parents, bien qu'ancré dans une culture adolescente eighties, pourrait donc à ce titre apparaître comme l'anti-teen movie. C'est peut-être même pour cette raison qu'on a oublié qu'il en était un au départ - d'ailleurs, sa double suite, sortie 5 ans plus tard en deux film, a complètement délaissé l'aspect teen pour se concentrer sur le potentiel foisonnant que le concept du paradoxe spatio-temporel et du voyage dans le temps offrait.
L'âge du frère de Marty est pas précisé, on sait juste que Marty est le petit dernier.
Tu as raison, s'il a 17 ans en 1985, Marty est logiquement né 1968, soit 13 ans après 1955. Et si ses deux parents avaient également 17 ans en 1955, alors ils ont bien conçu Marty à 30 ans.
Félicitations, et moi je vais boire pour oublier cette formidable plantade :)
Mais en fait, tu m'as donné envie de le revoir!
Euh, non. Ce serait plutôt "Ergo, le grand frère de Marty a 30 ans." Et encore, il n'a pas forcément été conçu pile à la fin des évènements relatés par le film.
Et si on regarde, Marc McClure (l'acteur en question) est né en 1957, Wendie Jo Sperber en 1958, et Michael J. Fox en 1961. Enfin moi je dis ça je rien hein :)
L'âge du frère de Marty est pas précisé, on sait juste que Marty est le petit dernier.
Tu as raison, s'il a 17 ans en 1985, Marty est logiquement né 1968, soit 13 ans après 1955. Et si ses deux parents avaient également 17 ans en 1955, alors ils ont bien conçu Marty à 30 ans.
Félicitations, et moi je vais boire pour oublier cette formidable plantade :)
Mais en fait, tu m'as donné envie de le revoir!