Thy Kingdom Come : un spin-off de À la merveille (?!) au SXSW Film Festival
Eugene Richards, réalisateur seconde équipe d'À la merveille de Terrence Malick (2012), a remonté ses rushes pour livrer un spin-off du film, qui sortira au SXSW Film Festival d'Austin le mois prochain.
Célèbre pour accumuler beaucoup de matériel sur le tournage et surtout pour couper sans vergogne au montage (jusqu’à faire disparaître n’importe quel interprète bankable de ses films), Terrence Malick a accepté de voir ses rushes orphelins exploités, mais pas par lui. Cela parait fou et à notre connaissance, il n’existe aucun projet similaire : le spin-off d’un film (et non un documentaire ou un making-of) réalisé par un autre à l’aide des épreuves originales, c'est totalement inédit. Mais ça n'est pas le seul aspect vertigineux de l'entreprise, loin de là, puisque les rushes en question ne ressemblent à rien de connu, entre docudrama et cinéma-vérité.
Cinéma-vérité
Thy Kingdom Come (ou en français « Que ton règne vienne » tiré du Notre Père des Evangiles), restitue les entretiens que Javier Bardem, attifé de sa robe de prêtre, a réellement passé avec de vraies personnes, et dont il ne reste presque rien dans À la merveille, hormis quelques atermoiements tournoyants. Le photojournaliste Eugene Richards, célèbre pour son travail sur la pauvreté, la maladie mentale et les junkies a dirigé l'acteur en ne lui faisant poser qu'une seule question : « Dites m'en un peu plus à propos de vous ». Ainsi, à Bartlesville en Oklahoma (où ont été tournées les images) une mère dit se souvenir de la nuit où son enfant s'est noyé, alors qu'elle dormait. Une autre femme raconte à Bardem son agression sexuelle, tandis qu'un ancien membre du Ku Klux Klan évoque sa décision de renoncer à son passé suprémaciste.
Qu'est-ce que c'est ?
De fait, le projet a de quoi donner le tournis et on se prend à imaginer une sorte de travail très ambigu, manière religieuse de cinéma-vérité à la Jean Rouch, mais sans que le procédé soit interrogé : que filme Eugene Richards ? S'agit-il d'un documentaire ou d'une fiction ? Les personnes répondent-elles sous le sceau de la confession ? Savent-elles qu'il s'agit d'un acteur qui joue au prêtre ? « La plupart des gens interrogés le connaissaient comme le meurtrier de No Country for Old Men, indique Richards au New Yorker. Quelques personnes l'ont connu comme le mari de Penélope Cruz. Certains ne savaient pas qui il était du tout. À la fin, personne ne se souciait de qui il était, sauf qu'il était là pour écouter. »
==> ce ne sont pas les mêmes rushes : il y a ceux des Nuits de Dracula de Franco d'un côté et ceux de Cuadecuc de Portabella de l'autre. Il n'est jamais question que les seconds figurent dans les premiers, ce sont deux projets différents dans leur construction et deux œuvres créées indépendamment l'une de l'autre. Et par ailleurs, c'est encore différent, parce que Franco et Portabella filment la même chose d'une façon différente (de la même façon que deux peintres croqueraient en même temps le pont d'Avignon depuis axe différent) alors qu'Eugene Richards et Terrence Malick font un même film, de la même manière.