Un film délirant d’Adam Green en intégralité sur Youtube
Avis aux fans, Adam Green, star de l'anti-folk new-yorkaise, réputé pour son sens de l'humour et ses compositions minimalistes, s'est récemment lancé dans le cinéma expérimental avec un petit film d'1h10 intitulé The Wrong Ferrari (sous-titre : « a screwball tragedy ») mis en ligne gratuitement sur Youtube.
Après avoir chroniqué sur son blog photo ses frasques alcoolisées et ses petits délires entre amis, l'intenable chanteur a donc décidé de tourner avec un simple Iphone cet Objet Filmique Non Identifié. Le dandy a mis à contribution ses nombreux amis parmi lesquels on reconnaîtra Macaulay Culkin, l'enfant star de Maman j'ai raté l'avion, ainsi que le rocker Pete Doherty et le hippie Devendra Banhart.
C'est avec cette joyeuse troupe de saltimbanques qu'il a improvisé une intrigue complètement délirante qu'on ne se risquera pas à tenter de résumer, mais qui rappelle le mysticisme et le sens de la satire des films-trip de Jodorowsky (Santa Sangre, La Montagne Sacrée) revus et corrigés par la génération des années 90 biberonnée à la BD et à Super Mario Bross. Adam Green se met en scène comme une sorte de Peter Pan loufoque, grand enfant qui n'a jamais grandi, jouant avec d'autres grands enfants barbus déguisés en Indiens ou en pirates.
Pour reprendre la formule d'un des personnages, « he is not in the goal achieving business ». Le cinéaste improvisé ne semble en effet pas avoir d'autre objectif que de se payer une bonne tranche de rigolade entre potes, comme des ados en vacances désoeuvrés qui piquent la caméra de papa pour filmer leurs jeux de rôle. Alors qu'en France, les films tournés sur téléphones portables attirent surtout des esthètes introvertis adeptes de l'autofiction (Joseph Morder, Jean-Charles Fitoussi, mais également le suisse Lionel Baïer), l'Américain semble bien plus enclin à jouer au sale gosse en renouant, à sa manière, avec l'irrévérence et la spontanéité de la Nouvelle Vague.
Les décors et accessoires bricolés en carton évoquent quant à eux la politique du « do it yourself » ardemment défendue par Michel Gondry (son Usine à films installée au Centre Pompidou a rencontré un franc succès). En revanche, le cadre flottant et l'image tremblée, en gros l'absence quasi totale de mise en scène, rapproche plutôt le film de l'esthétique amateur « à la Cassavetes » des nouveaux cinéastes indépendants new-yorkais rassemblés sous l'étiquette mumblecore (« to mumble » = marmonner) qui a produit des films remarqués tels que le poétique The Pleasure of being robbed (Joshua et Benny Safdie) ou l'excellent et dérangeant Frownland (Ronald Bronstein). Autant de films fauchés, bricolés à la maison et tournés en numérique mettant en scène des adulescents immatures tous plus paumés les uns que les autres. À noter que les Cahiers du Cinéma de septembre consacrent un dossier complet à cette génération de cinéastes.
Dans un entretien accordé aux Inrockuptibles, Adam Green présente le film et révèle qu'il en prépare déjà un autre. Sa démarche, cohérente avec son personnage et son style musical est donc aussi parfaitement dans l'air du temps, résolument ludique et décomplexée pour un résultat qui ne manque pas d'humour et de fraîcheur. Mais à l'évidence, nombreux sont ceux qui resteront hermétique à ce grand délire non-sense, comme on peut rester perplexe devant des potes défoncés riant à des blagues qu'on ne comprend pas. Quoiqu'il en soit, la génération Youtube n'a pas fini de faire courir sur la toile ses indomptables rejetons, pour le meilleur et pour le pire.