Vingt-cinq ans après, Impitoyable n'a pas pris une ride
Des cow-boys tourmentés, des femmes avilies, des armes à feu… Il y a vingt-cinq ans, Clint faisait déjà du grand Eastwood, et mettait à mal la mythologie du western dans Impitoyable. Le film est ressorti en salles dans une version restaurée, ainsi qu'en blu-ray 4K (avec en bonus, un documentaire instructif retraçant la curieuse genèse du film et de son excellent scénario, signé David Webb Peoples, qui a circulé de mains en mains à Hollywood durant vingt ans). Et même en ultra-haute définition, il n'a pas pris une ride, comme en témoigne Jacques Morice de Télérama.
A part la petite musique à la guitare, vraiment mielleuse, au début et à la fin, rien à redire. Tout est parfait, bien équilibré, entre le ton sec et l'action qui prend son temps, les plages de silence et les récits des canailles qui font et refont l'histoire (un plumitif bouffon est là, qui boit et retranscrit leurs paroles). Le casting est royal, dominé par un quatuor de luxe – Gene Hackman, Morgan Freeman, Richard Harris et Eastwood himself – où chacun joue habilement sa partition (au bord du grotesque, pour Hackman et Harris), a son moment fort, sans chercher à tirer la couverture à lui. La force de ce western, jalon incontestable dans l'histoire du genre, est de questionner directement la soif de violence, tant d'un point de vue individuel que politique (le rapport à la loi et à la communauté).
Personne n'est en paix
Dans une petite ville du Wyoming, une prostituée se fait sauvagement agresser par un cow-boy qui lui taillade le visage et les tétons parce qu'elle s'est un peu moquée de son « outil minuscule ». Ses consœurs, indignées par le jugement à leurs yeux bien trop clément du shérif (Gene Hackman), promettent alors une prime de mille dollars à quiconque tuera les deux coupables. Alléché par le magot, un blanc-bec morveux, inconscient et myope, surnommé le Kid, fait appel à Munny (Clint Eastwood), hier légende redoutée et sinistre du colt, devenue un éleveur de cochons usé et pauvre, père de deux enfants. Ce dernier, qui peine désormais à monter sur son cheval, accepte de rempiler à condition d'embarquer dans l'expédition punitive un vieil ami de la gâchette (Morgan Freeman), qui s'est rangé aussi mais qui semble, lui, plus heureux.
Le titre original, Unforgiven (« non pardonné »), convient mieux – il dit la rage, le mal, la souffrance qui reste incrustée. Aucun personnage n'est en paix, aucun n'est vraiment bon ni juste, chacun a un comportement répréhensible, une morale discutable. A commencer par le shérif, qui proscrit l'usage des armes à feu dans sa ville, mais qui, dans son maintien obsessionnel de l'ordre public, fait lui aussi preuve de violence, torture, outrepasse ce que lui autorise sa fonction. Quant aux prostituées, en promulguant l'autodéfense pour que justice soit rendue, elles alimentent la tuerie.
Western mort-vivant
Un homme qui n'arrive plus à tuer. Un autre qui ne s'en remet pas de l'avoir fait. Un troisième qui tire plus vite que son ombre parce qu'il est un fantôme. Voilà entre autres choses ce que raconte Eastwood, qui met à mal la mythologie du Far West (un monde plein de cruauté et de fureur, où la femme est avilie) tout en la réveillant provisoirement, comme si c'était la dernière fois, le dernier western, le dernier jour avant l'Apocalypse (pluie diluvienne, flambeaux dans la nuit). Ce baroud d'honneur, qui méritait bien un triomphe, a de fait couronné Eastwood et élargi son audience : quatre Oscars dont celui du meilleur film, des prix à la pelle et l'avènement d'autres succès à venir (Un monde parfait, Sur la route de Madison…).
Alors qu'on sait tous que Pierre Murat se cache sous l'identité de Joe Shelby.
Puis, j'ai appris que ce devait être Schumacher à la réalisation... On l'a échappé belle.