Il commence sa carrière comme critique cinématographique dans les revues Hebdo-Film, Cinémonde et Film-Sonore, puis, après avoir réalisé quelques films publicitaires, il dirige, en 1929, en collaboration avec Michel Sanvoisin, son premier documentaire sous le titre Nogent, Eldorado du dimanche, montrant la foule dominicale sur une grande plage.
Ensuite, il devient assistant pour la mise en scène de
René Clair dans le film
Sous les toits de Paris (1930), de
Jacques Feyder pour Le Grand Jeu (1934),
Pension Mimosas (1935) et La Kermesse héroïque (1935). Il dit de Feyder : « Je dois à peu près tout à Feyder. II m'a appris ce qu'est un film, depuis sa préparation jusqu'à la mise en scène proprement dite et aussi la direction des acteurs... La meilleure école de cinéma, c'est la pratique. »
En 1936, grâce à l'aide de Feyder, il réussit à réaliser son premier film, Jenny et c'est à cette époque qu'il fait la connaissance de
Jacques Prévert, le scénariste qui contribue à établir sa réputation. Le couple Carné-Prévert montre lors de leur premier film, Drôle de drame, une entente remarquable qui ne cesse de se renforcer.
Le Quai des brumes, tourné en 1938, marque un résultat important dans leur collaboration. Le film remporte un grand succès grâce à l'habileté de Carné dans la représentation des extérieurs et la direction des acteurs et au grand talent de Prévert qui réussit à amalgamer quelques-uns des thèmes du surréalisme tardif, typiques de sa poésie, avec une atmosphère inquiète à laquelle on doit certainement le charme du film.
En 1938, suivent Hôtel du Nord et en 1939, le remarquable Le jour se lève où il raconte l'histoire d'un ouvrier qui, au moment où il va être arrêté par la police dans sa chambre, revit les instants qui l'ont amené à tuer par amour et, quand le soleil se lève, se suicide d'une balle. Dans ce film très engagé, la figure de l'ouvrier, que le Front populaire montre comme protagoniste social, devient un des thèmes de Prévert, qui interprète la réalité en termes métaphysiques suivant lesquels c'est le destin qui trace les événements de la vie, une figure socialement abstraite et anonyme. Cette forme de fatalisme existentiel marquera la fin des espoirs du premier Front populaire et ce n'est pas un hasard si cette année-là sort aussi le film dramatique de
Jean Renoir, La Règle du jeu.
Suit en 1943,
Les Visiteurs du soir, légende médiévale à la recherche formelle poussée (bien que le réalisateur ait été peu satisfait des costumes).
Lorsque Paris est libéré, Carné et Prévert présentent leur chef-d'oeuvre,
Les Enfants du paradis, situé dans le Paris du XIXe siècle, qui raconte les histoires qui se situent autour d'un mime fameux, Jean-Gaspard Deburau, et d'un grand acteur, Frédérick Lemaître, de leurs carrières depuis leurs débuts jusqu'à la célébrité, de l'amour qu'ils portent en commun à la belle Garance. Le film réussit à fasciner par le sens du récit, par l'adresse avec laquelle sont présentés figures et événements, par le soin mis au cadrage et à la photographie et surtout par la prouesse des acteurs, de
Jean-Louis Barrault à
Pierre Brasseur, d'
Arletty à
Maria Casarès, de
Marcel Herrand à
Gaston Modot. L'année suivante, Carné et Prévert enchaînent avec un nouveau chef-d'oeuvre,
Les Portes de la nuit.
Par la suite, Carné produit des oeuvres moins importantes, mais toutefois de qualité, comme Thérèse Raquin (1953),
Les Tricheurs (1958), Trois chambres à Manhattan (1965), Les Jeunes Loups (1968) et Les Assassins de l'ordre (1971). En 1974, l'écrivain
Didier Decoin déclare : « Une bonne fois pour toutes,
Ingmar Bergman a choisi l'étouffement. Définitivement,
Luchino Visconti s'est prononcé pour la chute. Pour l'éternité,
Fellini est l'homme des dérisions. Carné, lui, ne s'est pas décidé. »
Homosexuel lui-même, mais de manière non publique, Marcel Carné traita dans plusieurs de ses films, de manière secondaire ou parfois oblique, de thèmes homosexuels : les relations ambiguës entre
Jean Gabin et
Roland Lesaffre dans L'Air de Paris, le personnage de
Laurent Terzieff, qui se fait entretenir par des personnes des deux sexes dans
Les Tricheurs, le gigolo bisexuel des Jeunes Loups. Il déclarait à ce sujet : « Je n'ai peut-être jamais tourné d'histoire d'amour entre hommes, mais ça a été souvent sous-jacent. (...) Mais d'histoires entre homos, non. Je me suis souvent posé la question : est-ce que c'est un manque d'audace ? Les films homosexuels ne font pas beaucoup d'entrées, c'est un circuit restreint, et je n'aimerais pas avoir un insuccès dans ce domaine, d'autant que je n'aimerais filmer alors qu'une grande histoire d'amour. Mais je crois surtout que j'aime mieux les choses qu'on devine. »
Carné est mort à Paris le 31 octobre 1996. Il est enterré au Cimetière Saint-Vincent dans le 18e arrondissement de Paris, au pied de la butte
Montmartre.