Jean Sorel commence des études à l'Ecole Normale Supérieure en vue d'une carrière diplomatique. Il débute au cinéma en 1959 dans un second rôle dans J'irai cracher sur vos tombes, adaptation par
Boris Vian de son propre livre. Dès l'année suivante, il s'illustre en Italie dans Les Adolescentes d'
Alberto Lattuada et en France dans Les Lionceaux de Jacques Bourdon.
Sa beauté lui vaut d'être souvent comparé à
Alain Delon mais Jean Tulard lui reproche sa "mollesse" et le Dictionnaire du cinéma français prétend que sa carrière presque exclusivement partagée entre l'Italie et la France (dans des mesures semblables) n'a pas fait de lui une star. Et pourtant...
Sorel a par la suite pour partenaires
Lea Massari dans Ça s'est passé à Rome de
Carlo Lizzani, d'après Alberto Moravia (adapté par Moravia et
Pier Paolo Pasolini) et
Marie-José Nat dans Amélie ou le temps d'aimer de Michel Drach d'après William Somerset Maugham. Dans Traqués par la gestapo, il a pour partenaire la ravissante
Anna Maria Ferrero qu'il épouse (et qui abandonne sa carrière peu après).
Le jeune premier en vogue incarne le prince de Condé dans le pléthorique Vive Henri IV... vive l'amour ! de
Claude Autant-Lara et dès 1962 tient un des rôles principaux de la production américaine Vu du pont d'après
Arthur Miller, dirigé par
Sidney Lumet face à des pointures telles que
Raf Vallone et
Maureen Stapleton. Dans Le Désordre de
Franco Brusati, il côtoie
Louis Jourdan,
Susan Strasberg et
Curd Jürgens, et dans Adorable Julia mis en scène par le Suisse Alfred Weidenmann, une autre adaptation théâtrale, la charmante
Lilli Palmer et le vétéran
Charles Boyer.
Sorel tourne beaucoup et dès 1963 il s'essaie au cinéma bis avec le film de science-fiction Hipnosis, dont il partage l'affiche avec
Eleonora Rossi Drago. Dans le même temps, il confirme ses galons de star en interprétant Lantier dans Germinal, adaptation filmée par Yves Allégret du roman d'
Emile Zola ; l'acteur continue d'explorer une veine littéraire en jouant dans
La Ronde de
Roger Vadim, adaptation d'Arthur Schnitzler par
Jean Anouilh (où figure
Jane Fonda), De l'amour d'après Stendhal avec
Anna Karina, Chair de poule du grand
Julien Duvivier d'après James Hadley Chase. Parallèlement, il partage la vedette des sketches humoristiques de
Mauro Bolognini avec
Gina Lollobrigida ou
Raquel Welch.
En 1965, Jean s'illustre dans Sandra de
Luchino Visconti, un film particulièrement noir - qui connaîtra d'ailleurs un échec public ; dans cette chronique incestueuse luxueuse et glaciale il joue le frère de
Claudia Cardinale. Sandra est probablement le premier classique interprété par Jean Sorel, mais il s'agit d'un classique maudit, qui ne lui vaut pas de popularité supplémentaire.
Au lendemain de cet échec, la carrière de Sorel ne semble pas s'en ressentir. La star passe de
Dino Risi à Victor Hugo (le rôle titre de L'Homme qui rit) et collectionne les plus belles partenaires :
Virna Lisi,
Sylva Koscina,
Monica Vitti,
Florinda Bolkan,
Carroll Baker, Ira von Fürstenberg ; plus tard il croisera aussi
Sue Lyon et
Lucia Bosé. Il a pour partenaires masculins des poids lourds également internationaux :
Lou Castel,
Stanley Baker,
Stephen Boyd ou
Lee J. Cobb. Il paraît dans plusieurs thrillers signés
Damiano Damiani, Lucio Fulci ou Umberto Lenzi, et fait une incursion dans le film d'horreur, dirigé par Romolo Guerrieri.
En 1967 sort son film le plus célèbre : Belle de jour de Luis Buñuel d'après Joseph Kessel. S'il lui permet d'entrer dans toutes les cinémathèques, il fixe par ailleurs l'image de Sorel en mari trompé, éclipsé par
Catherine Deneuve et ses étranges amants.
Au lendemain de ce film retentissant, certainement éclaboussé par son succès, Jean Sorel partage l'affiche d'Adélaïde de Jean-Daniel Simon (d'après Joseph-Arthur de Gobineau) avec la grande actrice suédoise
Ingrid Thulin - qu'il retrouvera dans le giallo
Je suis vivant. Il participe à
Model Shop, film américain de
Jacques Demy, et travaille avec l'Espagnol José María Forqué ; dans le thriller américain Chacal (1973), réalisé par
Fred Zinnemann (qui fera l'objet d'un remake avec
Bruce Willis et
Richard Gere), il interprète Bastien-Thiry.
Délaissant le cinéma bis italien, Jean privilégie alors les films d'auteurs français : entre Une vieille maîtresse (1975) d'après Barbey d'Aurevilly et le rôle de Wolf dans L'Herbe rouge (1985) de
Pierre Kast d'après
Boris Vian (le parrain de ses débuts) à la télévision,
Les Enfants du placard et Les Ailes de la colombe d'après Henry James, les deux signés Benoît Jacquot, Les Soeurs Brontë d'André Téchiné, et pour le petit écran : La Naissance du jour de
Jacques Demy d'après Colette (avec Jean-Pierre Léaud) et La Démobilisation générale de
Hervé Bromberger.
En 1981, à la télévision française, l'acteur accomplit l'exploit de jouer de 20 à 55 ans le fils d'
Alice Sapritch dans Une mère russe de
Michel Mitrani et en 1985, il rejoint la distribution de Aspern de l'Argentin Eduardo de Gregorio, nouvelle adaptation de Henry James, avec
Bulle Ogier et
Alida Valli en co-stars. L'année suivante, Sorel prête ses traits au souteneur de Rosa La Rose, fille publique jouée par
Marianne Basler, dans un film de
Paul Vecchiali.
La carrière de Jean prend un nouveau virage vers l'Italie, où il tourne quelques comédies pour le grand écran, avec
Adriano Celentano,
Bud Spencer et
Thierry Lhermitte en successeur de
Terence Hill, dirigé par Steno en compagnie d'
Ornella Muti. Il s'illustre surtout à la télévision, partenaire privilégié des grands actrices (
Stefania Sandrelli dans Come una mamma (1990) ou Aurore Clément), paraissant notamment dans Butterfly de Tonino Cervi.
La star de
Sidney Lumet,
Roger Vadim,
Luchino Visconti et Luis Buñuel ne revient plus qu'occasionnellement en France (Les Coeurs brûlés en 1992) et sur le grand écran - en 1991 dans Miliardi de Carlo Vanzina (avec
Billy Zane et
Lauren Hutton) et en 2008 dans L'ultimo Pulcinella. En 1995, dans le court métrage Fils unique, Jean Sorel apparaît au même générique que le jeune
Guillaume Canet.
Jean Sorel a débuté tardivement sur les planches, en 1984 dans Alice par des chemins obscurs, mis en scène par
Roger Planchon. Il n'y reviendra que rarement, en Italie, notamment en 2001 dans Il Candido de Leonardo Sciascia.