Christian Bale, le boulet
Propulsé grâce à Christopher Nolan au rang de superstar mondiale, Christian Bale ne plait pourtant pas à tout le monde. Charismatique pour les uns, arrogant pour les autres... A-t-il vraiment les épaules pour envoyer à la retraite les Tom Cruise et autres Brad Pitt ? Dans une amusante fausse news du site parodique américain The Onion, l'acteur clamait son soulagement à l'idée de se débarrasser du costume ridicule de Batman qu'il aurait trainé comme un boulet au cours de la dernière décennie. Et si c'était plutôt lui, Bale-le-Gallois, qui n'était finalement qu'un gros boulet aux pieds d'Hollywood ? Le débat est ouvert.
Chaque époque génère ses malentendus. Au cinéma, un certain nombre de films et d'acteurs au succès incompréhensible n'auront été que des feux de paille et passent légitimement aux oubliettes de l'histoire. Depuis The Machinist, c'est une certitude, Christian Bale est un boulet. S'il n'est pas un second rôle (Le Nouveau monde) ou dirigé par un tyran (Michael Mann dans Public Enemies), il vampirise tout, se dressant devant la caméra avec une arrogance de parvenu qui croit dur comme fer à son talent. Quand il est découvert par Spielberg à l'époque de L'Empire du Soleil, Bale n'a que douze ans mais déjà, derrière les traits de l'enfant sage, on devine une assurance fébrile sauvée par l'ambiguïté que lui donne le cinéaste. Si la jeune star mettra encore une quinzaine d'années avant d'émerger, dès ses débuts la volonté de monopoliser l'écran apparait chez lui comme une lutte. Non pas contre lui-même (encore que, on y revient), mais le reste du monde. On pourrait ainsi prendre American Psycho, qui l'installa solidement dans le paysage hollywoodien, comme son film-matrice. Imaginez un instant que l'acteur soit lui-même un assassin solitaire, éliminant ses partenaires non pas en les dominant, mais plutôt par soustraction.
Enter the void
Marlon Brando pouvait dévorer ses partenaires, voire les engloutir progressivement dans la masse de son corps bouffi par sa propre légende. Bale a un autre plan, tout aussi inconscient sur le fond mais ultra-lucide dans sa manière de procéder. Il veut que les autres s'effacent devant lui, qu'ils passent au second plan - paradoxalement, lui n'est jamais meilleur que lorsqu'il y est installé (chez Todd Haynes, Mann ou Malick). Pour compenser sa solitude, Bale privilégie des rôles l'enfermant dans son propre système. Il ne communique pas. Tel Patrick Bateman, il ne se préoccupe ni du monde ni des autres - aucun scrupule donc à les neutraliser à distance, sans leur jeter un regard. Christopher Nolan, qui a trouvé en lui un alter ego, peut bien lui imaginer une intrigue amoureuse dans Le Prestige, jamais l'acteur ne joue pour sa partenaire féminine, ni même Hugh Jackman, son ennemi intime. Lui, comme son personnage (et son double, donc un reflet) n'est dévoué qu'à la victoire de sa présence, ou plutôt la manifestation totale de son obsession. Car Bale croit que le dévouement doit passer par l'exhibition obscène de l'état mental de ses personnages. Il veut composer pour étaler. Qu'on soit sûr de ne rien rater, ou plutôt que lui s'assure de n'avoir rien oublié. Il a moins le souci de nous convaincre que d'être convaincu.
Leave me alone
Bale a choisi, il ne veut pas devenir ses personnages mais être, tout court. Un être qui domine par son ego et refuse par essence qu'on puisse s'identifier à lui. Rien de pire pour l'acteur britannique que cette vieille idée qu'un regard étranger puisse désirer se projeter dans son personnage. Surtout Batman, où il plonge dans les méandres d'une psychologie instable avec sa voix de cancéreux avalant à lui seul les ténèbres du monde. The Machinist restera son chef d'oeuvre en la matière. Maigre comme un clou après un régime hardcore, l'acteur tourne alors son grand rôle programmatique. Il dévoile son goût pour la performance, qui ne dit que sa volonté d'affirmer sa toute puissante dévotion à un cinéma qu'il ne tourne jamais vers les autres. Avec son corps rachitique, Bale impressionne ceux qui pensent que la sueur au front de l'ouvrier est le gage de son dur labeur. L'effort est effectivement spectaculaire mais souligne par sa vulgarité les limites de son comédien. Il suppose que l'état psychologique de son personnage doit se manifester dans son corps, ses gestes, sa voix, la totalité de ses apparats hystériques. La lourdeur de son jeu est à ce prix, il veut que son personnage existe, et non le faire exister sous nos yeux. Le problème étant que, dès lors, il n'a pas besoin de nous pour justifier sa présence.
L'enfant
Il n'y a rien de plus exaspérant, et d'un peu triste aussi, que de voir un acteur comme Christian Bale. Pétri de sa propre confiance dont il voudrait faire autorité sinon violence (on se souvient de la bande audio prise sur Terminator Renaissance où il agressait verbalement le chef op'), Bale ne laisse aucune place à son spectateur. Tous ces efforts, la gym pour se fabriquer un corps de super héros dans Batman, le temps à trouver des techniques pour jouer les déglingués dans Fighter (autre sommet à mettre au dossier après The Machinist), ne servent que les défis qu'il se donne, sans aucune complicité. Ce n'est pas par hasard que Malick lui offre le second rôle du Nouveau monde, où il est l'amant que Pocahontas n'aimera jamais vraiment. Peut-être que les futurs films du cinéaste (deux en préparation) changeront cette image. Pour l'heure, Bale s'excite dans le désert. Sa fièvre n'a pas la nervosité dépensière d'un De Niro (qui avait donné le la des déformations physiques avec Raging Bull). Il est seul, comme un enfant fier et sûr de lui-même, à qui on n'ose plus dire qu'il est un peu ridicule (McG n'a pu que démissionner sur Terminator), et surtout dont on ne sait plus comment se débarrasser. Cueilli peut-être trop tôt par Spielberg, Bale veut sans cesse prouver son talent. Par peur de n'être pas compris, il surjoue donc un peu tout, et comme rien ne doit mettre à jour ses faiblesses, il le fait jusqu'à vociférer ses dialogues comme un fou. C'est sans doute le prix à payer pour ceux qui rêvent d'avoir du génie, puisque c'est connu qu'il ne s'achète pas.
Il n'est heureusement jamais trop tard pour apprendre de ses erreurs. Gageons que la fréquentation intensive de Terrence Malick le rendra plus humble, plus à l'écoute, plus ouvert et qu'il privilégiera enfin l'interprétation subtile plutôt que la performance autoritaire.
Image : © WarnerBros
Du reste, je suis désolé, mais je rejoins la majorité en disant qu'il y a pas mal de brassage de vent dans cet article. Il parle beaucoup du surjeu, mais celui-ci peut être évoqué dans 2 films (Fighter et American Psycho comme j'ai dit, et encore je trouve son jeu dans Fighter très bon, même si ce n'est pas sa meilleure performance) et sinon... ben rien. Donc généraliser 2 films sur toute une filmographie, disons que le procédé est assez peu adroit. Et concernant son "égoisme" (pour résumer la description), là je trouve que c'est vraiment de la masturbation intellectuelle. Si l'auteur de l'article était pote avec Bale, je veux bien qu'il écrive des choses pareilles, mais là, c'est vraiment de l'intellectualisation assez creuse.
Quand à ceux pas convaincus par Bale, je vous invite à le voir dans Le Prestige et Rescue Dawn, qui sont deux excellentes performances qui me viennent en tête là. Voila, désolé pour la notif.
Pour Rescue Dawn, je cherche encore et toutjours à le voir, mais sur Le Prestige, c'est clair que ce qu'il fait dedans, c'est du net et sans bavures. Pour ma part j'ajouterai peut être Public Enemies, ou je le trouve particulièrement convainquant, je m'étonne un peu que le film passe à la trappe...
Et je viens de penser a un film : The Machinist. La il y est vraiment très bon. Beaucoup de mauvaises langues vont critiquer cette prestation en disant "mais il a juste perdu du poids, c'est tout", alors que son jeu ne se résume absolument pas a ca dans le film. Et pour reprendre une interrogation que j'avais lu plus haut : non il ne cabotine pas dans The Machinist.
Y'a des tas d'acteurs que je peux pas "voir" à l'écran et un tas de personnes disent qu'ils sont bons...donc..
http://www.purepeopl...-de-cancer_a106742/1
Ça ne change rien à son talent ou de sa prétendu attitude de diva, qui selon moi tient plus du perfectionnisme que d'autre chose. Mais au moins, on peut voir que l'auteur de cet article ne le connaît pas bien. On peut aimer Bale ou le détester, mais c'est quand même mieux de bien connaître son sujet avant d'écrire un article, non?
Il est très probable que l'auteur n'ait pas regardé plus de la moitié de la filmographie de l'acteur pour livrer de telles conclusions, à la fois condescendante et dont les arguments sont très souvent bancals.