De Chicago à Miami

Scarface / Scarface

Le remake de la semaine | Par Simon Urbain, David Honnorat | Le 23 juillet 2010 à 17h22

Avec les remakes on a habituellement tendance à préférer l'original. Dans le cas de Scarface, le match est serré entre la première version de 1932, classique parmi les classiques et son remake de 1983 qui est devenu le film culte de plusieurs générations.

En choisissant de s'attaquer à un film noir d'Howard Hawks, Brian De Palma donne l'exemple parfait d'un remake efficace qui actualise intelligemment le propos initial et apporte une valeur ajoutée à l'oeuvre originale.

Le Scarface première version de 1932 est déjà adapté d'un polar d'Armitage Trail qui dépeint l'ascension et la déchéance de Tony, gangster cynique et violent.

Cinquante ans plus tard, quand le projet de remake voit le jour, c'est d'abord Sidney Lumet qui est approché, mais celui-ci finira par se désister et c'est finalement Brian De Palma qui hérite de ce projet colossal à l'intrigue shakespearienne.

Atmosphère, atmosphère
L'ambiance lugubre du premier Scarface est assez caractéristique. Le film de Hawks se déroule dans le Chicago des années 20 en pleine prohibition. L'atmosphère y est pesante et d'angoissants jeux de lumières participent à un rendu final assez marquant.

Aux antipodes de l'univers du Chicago de la prohibition, que De Palma explorera un peu plus tard dans Les Incorruptibles, le remake se situe sous le soleil radieux de Miami. Cols pelle-à-tarte, ambiance disco des seventies, décapotables et cocaïne sont au rendez-vous. Le scénario ingénieux d'Oliver Stone aménage même des escapades en pleine jungle, inscrivant ainsi le film dans un contexte géo-politique vaste et crédible.

Si la violence hawksienne avait lieu dans l'ombre des ruelles de Chicago, c'est donc en plein jour et en pleine lumière que les personnages de De Palma expriment leur bestialité (cf. la scène de la douche et de la tronçonneuse).

Films engagés
Dans ses deux versions, Scarface est un film moral condamnant la violence, mais également un réquisitoire contre le gouvernement américain qui accueille hypocritement des réfugiés politiques (échappant à Mussolini en 1932 et Castro en 1983), mais en les parquant entre eux pour leur empêcher d'accéder à la même situation sociale que les natifs. Dans les deux films Tony est emmené sur le mauvais chemin plus par une volonté instinctive d'échapper à cette ségrégation que par véritable choix conscient.

Comparaison des séquences finales
Dans le premier Scarface, Tony est tué par les policiers qui arrivent enfin à le retrouver :

Chez De Palma en revanche, ce sont des trafiquants boliviens qui finissent par l'assassiner :

Howard Hawks avait lui aussi à l'origine prévu une fin où Tony était assassiné par une bande rivale mais la censure jugea que cela renvoyait une trop mauvaise image de la police, incapable de se débarrasser des criminels.

Le culte
Les deux films sont l'objet d'un culte plus ou moins malsain. Le premier Scarface est culte car en 1932 il a frôlé la censure et le code Hays alors en vigueur. La relation oedipienne (Howard Hawks dit s'être inspiré de la Borgia pour son scénario) entre Tony et sa soeur fut par ailleurs effacée au montage. Malgré cela, Hawks a réussi à garder tels quels de nombreux passages très violents et, la MGM n'appréciant pas trop le film, celui-ci s'est trouvé quasiment invisible aux Etats-Unis de 1947 à 1980, devenant le film maudit de Hawks et donc un objet de culte pour les cinéphiles curieux.

Le Scarface de 1983 eut quant à lui un succès planétaire et beaucoup plus grand public, Tony Montana devenant une icône populaire, des jeunes frappes aux étudiants en école de commerce. Il représente pour tous l'image du self-made man entreprenant, fasciné par l'argent et revanchard (le Sarkozy du crime en quelque sorte). C'est à se demander si ces personnes ont bien vu la fin du film.

Conscient de l'importance que le film a pris dans les banlieues, le rappeur Shurik'N rappelait dans Demain c'est loin, le morceau culte d'IAM :

"

Sur Scarface, je suis comme tout le monde, je délire bien

Dieu merci, j'ai grandi, je suis plus malin, lui il crève à la fin.

"

Au final, ce qui relie vraiment les deux films c'est la vision déformée qu'ils donnent du rêve américain. Dans les deux version Tony s'approprie le slogan d'une agence de voyage : The World Is Yours. L'interprétation de Paul Muni puis de Al Pacino dans le rôle titre sont toutes deux exceptionnelles et mémorables. Tous les deux portent le film et le mélange de folie et de violence qu'ils insufflent au personnage principal rend les deux films vraiment inquiétants.

On termine avec une petite vidéo assez inquiétante elle aussi, mais qui à bien pu diriger ces petits enfants ?

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4 commentaires
  • Arch_Stanton
    commentaire modéré Brian De Palma ou comment diluer en 3h ce qui pourrait être dit en 1h30 ou 2h. Il y a essentiellement la magnifique musique de Moroder pour meubler ces longues dizaines de minutes superflues. Il y a quand même cette mise en scène lourde et faussement esthétique. Non, n'est pas Sergio Leone qui veut, pour adjoindre au mot "violence" le qualificatif de "baroque" ... Quitte a paraître profondément iconoclaste : non, "Scarface" n'est pas la grande fresque dont elle se donne tous les atours ! Oui, Al Pacino prend à coeur son rôle de salaud paranoïaque et cynique, mais non, il ne joue pas particulièrement bien ... Il surjoue, grimace et vocifère. Mais on peut discuter longtemps de savoir si ce style de jeu est bien de qualité. Le fond du fond étant atteint dans cette scène devant laquelle tant de personnes s'extasient : le mitraillage en règle du bad-boy ! Hilarant et affligeant ...
    13 octobre 2010 Voir la discussion...
  • Arch_Stanton
    commentaire modéré Brian De Palma ou comment diluer en 3h ce qui pourrait être dit en 1h30 ou 2h. Il y a essentiellement la magnifique musique de Moroder pour meubler ces longues dizaines de minutes superflues. Il y a quand même cette mise en scène lourde et faussement esthétique. Non, n'est pas Sergio Leone qui veut, pour adjoindre au mot "violence" le qualificatif de "baroque" ... Quitte a paraître profondément iconoclaste : non, "Scarface" n'est pas la grande fresque dont elle se donne tous les atours ! Oui, Al Pacino prend à coeur son rôle de salaud paranoïaque et cynique, mais non, il ne joue pas particulièrement bien ... Il surjoue, grimace et vocifère. Mais on peut discuter longtemps de savoir si ce style de jeu est bien de qualité. Le fond du fond étant atteint dans cette scène devant laquelle tant de personnes s'extasient : le mitraillage en règle du bad-boy ! Hilarant et affligeant ...
    13 octobre 2010 Voir la discussion...
  • Arch_Stanton
    commentaire modéré Brian De Palma ou comment diluer en 3h ce qui pourrait être dit en 1h30 ou 2h. Il y a essentiellement la magnifique musique de Moroder pour meubler ces longues dizaines de minutes superflues. Il y a quand même cette mise en scène lourde et faussement esthétique. Non, n'est pas Sergio Leone qui veut, pour adjoindre au mot "violence" le qualificatif de "baroque" ... Quitte a paraître profondément iconoclaste : non, "Scarface" n'est pas la grande fresque dont elle se donne tous les atours ! Oui, Al Pacino prend à coeur son rôle de salaud paranoïaque et cynique, mais non, il ne joue pas particulièrement bien ... Il surjoue, grimace et vocifère. Mais on peut discuter longtemps de savoir si ce style de jeu est bien de qualité. Le fond du fond étant atteint dans cette scène devant laquelle tant de personnes s'extasient : le mitraillage en règle du bad-boy ! Hilarant et affligeant ...
    13 octobre 2010 Voir la discussion...
  • Arch_Stanton
    commentaire modéré Brian De Palma ou comment diluer en 3h ce qui pourrait être dit en 1h30 ou 2h. Il y a essentiellement la magnifique musique de Moroder pour meubler ces longues dizaines de minutes superflues. Il y a quand même cette mise en scène lourde et faussement esthétique. Non, n'est pas Sergio Leone qui veut, pour adjoindre au mot "violence" le qualificatif de "baroque" ... Quitte a paraître profondément iconoclaste : non, "Scarface" n'est pas la grande fresque dont elle se donne tous les atours ! Oui, Al Pacino prend à coeur son rôle de salaud paranoïaque et cynique, mais non, il ne joue pas particulièrement bien ... Il surjoue, grimace et vocifère. Mais on peut discuter longtemps de savoir si ce style de jeu est bien de qualité. Le fond du fond étant atteint dans cette scène devant laquelle tant de personnes s'extasient : le mitraillage en règle du bad-boy ! Hilarant et affligeant ...
    13 octobre 2010 Voir la discussion...
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