Cannes 2014 - Maps to the Stars, Odyssée Co(s)mique.
Attendu au tournant depuis qu'il a pris un virage un peu trop chichiteux (et parfois même franchement abscons), Cronenberg devrait enfin ravir vieux de la vieille et nouveaux fans avec cette satire hollywoodienne toujours à la recherche de son équilibre co(s)mique.
Entre farce mélancolique, inceste et beauté capiteuse, MTTS renoue avec la veine fascinante qu'il avait perdue depuis Crash.
Évidemment, on imagine sans trop de mal que le regard porté par Cronenberg sur cette industrie, dont il a toujours voulu se tenir éloigné, n'est pas spécifiquement complaisant.
Et en effet, la satire est d'une efficacité jubilatoire (notons au passage la performance au poil de toute la distribution). Penser toutefois qu'il s'agit d'un simple jet un peu évident à la face du grand Hollywood serait manquer complètement le coche.
Car s'il s'agit de renvoyer cette industrie à ses origines incestueuses, il est surtout question pour Cronenberg de s'interroger sur les rapports ambigus qu'il entretient lui-même avec la grande mamelle. La façon dont elle nourrit tout son cinéma.
Comme le laisse présager le titre, le film commence donc avec un voyage. Tout juste débarquée à L.A après un séjour en hôpital psychiatrique, Agatha Weiss, jeune schizophrène stabilisée, cherche à savoir auprès d'un chauffeur de limousine (Robert Pattinson) s'il existe une « carte des stars ». Le début d'un jeu de piste dans la constellation Cronenberg, qui fait se relier tous les éléments entre eux.
La farce peut alors se déchaîner dans un méli-mélo qu'on croirait être une vision psychanalytique et torturée de Cent ans de Solitude en Californie: la fille, ancienne gloire du cinéma (Julianne Moore) veut tuer la mère - déjà morte-, dont le spectre vient hanter la fille bien vivante, des enfants outranciers (merveilleux Evan Bird) prennent du GHB et se retrouvent propulsés au rang de stars imbuvables, le frère couche avec la sœur, l'imaginaire se fond au réel etc, etc. Seul émerge dans ce grand fatras la grâce d'un Degas dans les atours d'Agathe et la poésie d’un Éluard dans sa bouche, comme une petite brise fraîche. Pour le reste, oubliez tout ce que vous chérissez de valeurs un peu morales : il n'y a plus de règles. Tout est nivelé et plutôt par le bas.
Mais c'est aussi ce qui fait la grande beauté de cette carte d'un territoire effondré : son harmonie, sa volupté, son sens par dessus le non-sens. Et d'ailleurs, lorsque Cronenberg fait se fondre ses rejetons malades avec les étoiles, il est permis de penser qu'il ne s'agit pas seulement d'une satire d'Hollywood, mais aussi la fin du voyage, l'évocation de sa propre cosmogonie.
Mais penses-tu pour autant que le film peut avoir un prix ?