Cannes 2014 - The Homesman, retour à la terre.
Pendant que certains mangent des merguez en soirée à Cannes, d'autres font leur travail et assistent aux projections. L'occasion pour moi de vous parler de The Homesman.
Pour son deuxième essai en tant que réalisateur (excepté un téléfilm), Tommy Lee Jones renoue avec le western, qu'il avait mis en scène dans Trois Enterrements. On y retrouve déjà quelques obsessions : l'honneur, l'inhumation, le chiffre 3 et surtout le retour au bercail après un long voyage, jusqu'au titre qui semble un mauvais calembour. L'ensemble est plutôt touchant et ne manque pas de souffle, mais pèche un peu par académisme.
S'il s'agissait de ramener une dépouille dans l'opus précédent, c'est ici trois femmes en plein nervous breakdown qu'il faut rapatrier sous de meilleurs latitudes, dans l'Iowa. Il faut dire que les conditions de vie au Nebraska (où elles avaient suivi leur Jules) sont particulièrement rudes. Et l’ambiance quelque peu fruste. On joue du piano sur des claviers en tissu et on s'extasie devant un morceau de fromage comme Jean-François Piège devant un granité aux truffes.
C'est donc Mary Bee Cuddy (impeccable Hilary Swank), jeune retraitée en veuvage un peu psychorigide, qui se désigne pour conduire l'attelage qui les amènera au refuge tant attendu. Mais le long chemin à parcourir peut s'avérer périlleux. Elle s'offre ainsi les services d'un vieil homme un peu cynique, finalement bien brave (taquin Tommy Lee Jones), qu'elle a sauvé de la pendaison. Évidemment, le voyage ne se passe pas comme prévu et réserve quelques surprises.
Le film sait assez bien conjuguer une belle chaleur humaine et une mélancolie plus diffuse, les grands espaces et l'intime, avec douceur mais sans pathos. L'hommage à Ford transpire dans la mise en scène (difficile de ne pas penser à la Chevauchée Fantastique) et on pense à Sjöstrom (Le Vent) dans l'évocation de l’âpre vie des femmes sous ces climats-là, avec ces hommes-là.
Comme chez Naomi Kawase, le film est aussi une invitation à relativiser, à faire le deuil pour revivre enfin et l'impossibilité d'y arriver pour certains.
On regrettera peut-être le manque d'ambition et l'académisme au regard des sujets traités, notamment celui de la folie de ces jeunes femmes perdues. Comme le dit un vieux proverbe africain : « On ne prend pas un hippopotame avec un hameçon. »