Clive Owen, le monsieur-tout-le-monde le plus charismatique d'Hollywood
Clive Owen n'est pas une grande star, une icône ou un acteur de premier plan, et son nom n'évoque pas grand-chose à ceux qui l'entendent. Pourtant, il en avait le potentiel. Pourquoi ça n'a pas marché ? A quel moment tout a merdé ? Avec un petit manque d'objectivité, un fan raconte.
Clive Owen : le Gilles Lellouche anglais ?
Ce mois-ci, Clive Owen va jouer dans deux films a priori pas géniaux ; Intruders et Trust. Ses rôles ont en commun de faire de lui un père de famille normal et préoccupé par le bien-être de sa progéniture. Des personnages de types banals, que plus ou moins n'importe qui de son âge pourrait jouer, des trucs sans envergure, qui ne lui demandent pas de performance physique particulière et qui ne mettent pas à profit son imposante présence. Pour le dire en deux mots : filer un rôle de type normal à Clive Owen, c'est du gâchis, parce que Clive Owen, ça n'est pas n'importe qui.
Il y a des acteurs et actrices qui sont physiquement immédiatement identifiables, de par leur musculature, leurs formes ou leur couleur de peau et dont la carrière est basée sur ces caractéristiques, qu'ils le veuillent ou non : si un réalisateur veut un asiatique qui fait du kung-fu, il pensera immédiatement à Jackie Chan ou Jet Li, tout comme s'il a besoin d'un afro-américain sachant dire « fuck » avec classe, il s'adressera à Samuel L. Jackson en priorité. Clive Owen, lui, n'a pas la chance de posséder ce genre de particularité : blanc, brun, les yeux foncés, ni particulièrement musclé ni particulièrement gros, il passe partout, et aucun rôle n'est donc écrit spécialement pour lui.
Quand on n'a pas de trait physique particulier, on peut toujours s'en sortir en jouant la carte de l'hyper-spécialisation : on se choisit un rôle-type (ou « on est choisi par un rôle-type », c'est selon), et on s'y tient, soit en y revenant assez régulièrement pour qu'il continue à nous coller à la peau, soit en passant son temps à n'en jouer que des variations : c'est les « beaux gosses séducteurs » George Clooney, Hugh Grant ou Richard Gere, les « femmes d'action » Angelina Jolie, Milla Jovovich ou Michelle Rodriguez, les « chauves qu'on fait pas chier » Bruce Willis, Jason Statham, Vin Diesel ou Dwayne Johnson? Or, Clive Owen, bien qu'il ait la présence nécessaire pour s'imposer, a préféré faire le choix de l'éclectisme et, sans personnage vraiment marquant à incarner, le grand public ne l'identifie pas très bien.
S'il avait marché, Shoot 'Em Up aurait pu démarrer une franchise et être le rôle de la consécration :
Ça tire dans tous les sens extrait de Shoot'Em Up
Un destin brisé
Et pourtant? Et pourtant, même si Clive Owen n'est ni chauve, ni noir, ni marié à Paul W.S. Anderson, il semblait pourtant promis à un bel avenir. L'acteur exsude un charisme rude, viril, une puissance contenue qui fait vibrer l'écran à chaque fois qu'il en laisse transparaître les plus infimes manifestations ; dans ses grands moments de dramaturgie, on devine sous la surface un homme hanté, tourmenté, dont le regard sombre est chargé de tourments intérieurs. Le type est intense et ne demande qu'à être taillé (?tel un diamant brut). Seulement, le chemin de croix qu'il a à parcourir est semé d'embûches. L'une d'elle est blonde, a les oreilles décollées et s'appelle Daniel Craig.
Entre 2004 et 2006, Clive Owen est au sommet de sa carrière, même s'il ne le sait pas encore. Il s'est fait modestement remarquer dans des courts-métrages publicitaires de prestige pour BMW, dans Gosford Park et dans Seule la mort peut m'arrêter, mais c'est surtout avec la flopée de récompenses qu'il obtient pour son rôle dans Closer qu'on commence à s'intéresser à lui. Mi-2005, on murmure même qu'il pourrait se voir proposer le rôle de James Bond : le NY Times, le LA Times, GQ, Ask Men et The Independent sont même d'accord, tout comme le grand public, selon un sondage commandé par Sky News. Puis, d'un coup, voilà que tout s'effondre, et que les producteurs choisissent un Bond aryen. On imagine aisément Daniel Craig se pointer, un billet de 20 dollars à la main, dans la caravane d'une gitane pour lui demander de jeter une malédiction sur ce concurrent gênant et lui pourrir sa carrière.
Car ce qui se produit alors dans la vie d'Owen ne peut tenir que de la malédiction tant il se met à devenir un incurable poissard. Lui qui semblait se diriger vers une reconnaissance sur le tard se grille à une vitesse incroyable. S'il joue en 2006 coup sur coup dans les très réussis Inside Man et Les Fils de l'homme, ce sont là ses dernières cartes avant la banqueroute, qui avait déjà pointé son nez un an plus tôt sous la forme de Jennifer Aniston dans Dérapage. Entre 2007 et ce début d'année, la filmo de notre sombre héros de l'amer n'est faite que de flops ou de déceptions : Elizabeth, Shoot ?Em Up, L'Enquête, Duplicity, Killer Elite. On peut parier que Trust et Intruders en seront aussi mais, de toute manière, quand un tel acteur en est réduit à jouer les pères de famille, c'est qu'il a abandonné les armes. Une pareille suite de coups foireux est absolument impensable de la part de quelqu'un qui avait pourtant réussi à se faire une place de futur grand dans le paysage, et la thèse de la malédiction apparaît comme terriblement sérieuse.
Nightclub extrait de Closer, entre adultes consentants
Dans The Boys are Back, fim de 2010 jamais sorti en France, il nous refait le même coup, et il est actuellement en train de tourner un biopic d'Hemingway pour la chaîne HBO, dans lequel il jouera aux côtés de Nicole Kidman, toute aussi rincée que lui bien que pouvant se prévaloir d'un passé plus glorieux. Celui qui s'est récemment révélé être capable de tenir la dragée haute à Jason Statham (un genre à lui tout seul) semble donc en avoir fini avec ces conneries : fini les rôles de dur à / en cuir(e) façon Sin City, fini le fun pétaradant façon Shoot ?Em Up, finie l'intensité dramatique façon Closer, fini tout ce qui faisait qu'on aimait Clive Owen pour lui-même en dépit de la qualité de ses films. C'est l'histoire d'un grand acteur déchu, maudit, l'histoire d'un Bruce Willis qui n'aurait pas eu son Die Hard, d'un Travolta qui n'aurait pas rebondi avec Pulp Fiction, d'un Stallone auquel on aurait refusé son Rocky. Son dernier espoir est peut-être d'être assez has-been pour que le regard perspicace d'un Quentin Tarantino se pose sur lui, mais aura-t-il seulement cette chance ? Vu la pente sur laquelle il se trouve, on en doute?