The Dark Knight Rises : les avis sans spoiler d'un sceptique et d'une fan
Une attente frénétique. Voilà ce qui nous pousse à rejoindre l'ensemble de la presse cinéma française un matin à 9h dans une salle de projection des Champs-Elysées pour découvrir le film qui est annoncé partout comme un choc cosmique. The Dark Knight Rises clôt la trilogie Batman de Christopher Nolan et beaucoup veulent savoir : alors ?
Il s'agit ici de répondre aux (nombreux) impatients en livrant, après les premiers retours outre-Atlantique, notre avis sur ce qui sera sans aucun doute le phénomène du box-office estival. Attention toutefois, nous savons à quel point il est délicat de donner son avis sur un film aussi attendu et qu'il convient par dessus tout d'éviter les spoilers.
Pour cela nous allons surtout parler de nous, d'autres films, et de nos sentiments à la sortie de la projection pour éclairer, sans trop dévoiler.Il y a par ailleurs deux manières d'aborder The Dark Knight Rises, soit avec un brin de scepticisme, soit en étant conquis d'avance. C'est pourquoi nous vous proposons un article à deux voix.
David Honnorat, Bat-sceptique
Je n'aime pas Batman. Ce personnage torturé dont les haters, avec lesquels je m'aligne volontiers, disent pour la blague qu'il n'est doté de rien d'autre qu'un « super pouvoir d'achat » ne m'intéresse guère. Les premiers films de Burton m'avaient ennuyé et les suivants exaspéré. Je garde toutefois une certaine tendresse pour la série d'animation. Plutôt bien foutue et captivante. J'avais, enfant, obtenu chez Quick une figurine du Bat-guy tiré de cette adaptation et le truc avait fière allure... J'avais perdu la cape, mais ses points solides filaient efficacement des dérouillées à mes GI Joes.
Mais ne nous égarons pas. Rebuté par le personnage donc, j'avais d'abord fait l'impasse sur Batman Begins (que j'ai vu il y a quelques jours, nous y reviendrons) et je n'ai donc, comme beaucoup de monde, fait connaissance avec le reboot darkly-serious de Nolan qu'en 2008 avec The Dark Knight. Si je dois concéder une fascination totale pour le Joker d'Heath Ledger, brillamment stylisé, l'ensemble m'était apparu interminable. L'empilement d'intrigues, de dilemmes tragiques et de rebondissements terribles m'avait eu à l'usure. Quelques très belles choses toutefois, comme ce plan sidérant du Joker sortant son affreux visage par la fenêtre d'une bagnole pour humer l'air de New-Yor... (pardon Gotham !) imprégné du mal qu'il y a répandu.
Sublime aussi cette scène d'action qui trouve son apothéose dans le retournement complet d'un semi-remorque, rappelant la jouissance que peut procurer le cinéma à TRÈS gros budget quand il se donne les moyens de produire ce genre de choses extraordinaires.
The Dark Knight avait ainsi prolongé mon sentiment mitigé à l'égard de Christopher Nolan. J'ai plus tard adoré Inception dont j'aime à la fois la belle structure à tiroir et les trouvailles visuelles (la scène "d'apesanteur" justifie le film à elle seule), mais aussi l'étonnante parentée qu'on peut trouver avec Shutter Island de Scorsese film jumeau sorti la même année avec également DiCaprio dans le rôle titre. Ce plaisir cinéphile de la correspondance, je l'ai à nouveau ressenti ce week-end en découvrant à la fois Batman Begins (2004) et American Psycho (2000), la piètre adaptation du roman de Bret Easton Ellis. Ici c'est Christian Bale qui fait le trait d'union et met en lumière quelques amusantes correspondances entre les deux films (le personnage d'Ellis, riche et à la double vie s'appelle Patrick BATEMAN). Contrairement à Inception, ce rapprochement a tendance à jouer en la défaveur des deux longs-métrages. Quoi qu'il en soit, car je m'égare à nouveau, cette vision de Batman Begins m'est apparue ce matin comme un préalable indispensable à la découverte de The Dark Knight Rises. D'abord parce que l'intrigue fait, à plusieurs reprises, des références directes au premier épisode, ensuite, parce que ce visionnage m'a préparé au style narratif adopté par Nolan pour sa trilogie.
Je ne suis pas là !, extrait de American Psycho
C'est l'allégorie de la grenouille. Christopher Nolan, dans ses trois films, opte pour la mise à ébulition progressive du spectateur. Cette montée progressive de l'intensité dramatique, bien aidée par la musique d'Hans Zimmer qui joue le climax permanent, est entièrement tournée vers l'avant. Dans une lente continuité narrative, Nolan s'assure de maintenir constante l'excitation du spectateur pour peu qu'il ait accepté de se mettre dans le bain. A la fin, nul besoin de bouquet final outrancier, on est déjà cuit ! À cela, j'avais besoin d'être préparé pour profiter du souffle épique de The Dark Knight Rises. Malgré mon scepticisme initial, je dois reconnaître que le film se hisse à la hauteur de l'évènement. Moins tragi-romantique que l'épisode précédent, iradié par l'aura implacable du Joker, ce dernier volet y va de ses quelques séquences grandioses (comme un splendide money-shot à base de foot américain dont la bande-annonce nous avait donné un court aperçu), déploie une galerie de personnages secondaires efficaces (dont Anne Hathaway excellente en Catwoman) et clôt ainsi l'épopée en trois tomes de son héros masqué.
On regrettera quand même la faiblesse du terreau idéologique que laboure le film. Curieux mélange entre révolution bolchévique, État policier et Occupy Wall Street, le regard que porte Nolan sur le monde contemporain semble à côté de la plaque et donne lieu à un sous-texte vaseux. La structure narrative de son film n'en souffre pas trop - car il se réfère également (au-delà de l'adaptation des Comics) à de grandes thématiques classiques - mais la portée de The Dark Knight Rises (c'était déjà le cas de The Dark Knight) s'en trouve limitée. Si je ne peux bouder mon plaisir devant ce que le film propose de plus spectaculaire, je reste encore trop insensible aux enjeux des personnages de Nolan. Je n'aime toujours pas Batman.
Cynthia Bertin, Bat-fan
Je n'ai pas lu les comics mais je fais partie de la Minikeums génération qui a grandi avec le dessin-animé Batman. J'ai appris à aimer ce personnage tout en paradoxe : aussi sombre que lumineux, aussi puissant que faible, aussi égoïste que généreux. C'est aussi l'aspect « super-héro » sans aucun super-pouvoir qui m'a fasciné, rien de plus admirable qu'un homme qui n'a rien de plus que les autres (si ce n'est quelques millions) qui décide de devenir un justicier masqué. Parce que oui, Batman n'a pas besoin de reconnaissance il agit dans l'ombre, quitte à se faire détester par ceux qu'il essaie de sauver. L'anti-thèse de l'agaçant et grotesque kéké Superman et son slip rouge.
Bref, je suis tombée amoureuse de Batman dès ma plus tendre enfance. Je me rêvais en déesse brune aux yeux bleus dont raffole Bruce Wayne et en femme torturée de voir son amoureux risquer sa vie chaque nuit (chacun son truc). En découvrant les films, Michael Keaton m'a clairement paru en dessous de l'image du Batman que je m'étais construite, mais l'univers gothique de Burton, la musique de Elfman qui donne des frissons de plaisir et la superbe Batmobile m'avait conquise. Je ne parlerai pas des films de Joel Schumacher pour lesquels je n'ai que de la sympathie mais aucun souvenir notable précis.
Batmobile, extrait de Batman, le défi
Si j'avais modérément aimé Batman Begins à cause du côté philosophico-secte et une mise en place du récit un peu trop longue j'avais été complètement transcendée par The Dark Knight. Tout est incroyable, rien est à jeter en passant par la musique de Zimmer, par les scènes d'action puissantes et une photographie impeccable. Christian Bale à son apogée, beau comme un dieu, aussi bien en Bruce Wayne qu'en Batman notamment grâce à sa bouche envoûtante. La figure complètement cinglée du Joker, personnage énigmatique, flippant et fascinant comme le sont les serial killers se révélait être un adversaire de jeu de taille pour Batman. Difficile à surpasser et c'est là tout le problème.
C'est donc pratiquement déjà conquise que je me suis rendue à la projection. Après avoir vu toutes les vidéos possibles et imaginables sur The Dark Knight Rises, les photos volées de tournage, les spoilers en tout genres, j'avais l'impression d'avoir déjà tout vu et pourtant? Ce fut une grosse claque, tant au point de vue de l'atmosphère du film que dans la découverte des personnages. La construction des deux derniers films de Batman est très similaire : la scène d'ouverture, diablement efficace sert de présentation aux Némésis du chevalier noir et éclaire en quelques secondes leur potentiel maléfique appuyé par une musique puissante et métallique signée encore une fois Zimmer. Batman est plus vulnérable que jamais, plus attiré par la mort que par la vie, notre héros enchaine les raclées et même si on l'aime notre héros, il faut avouer que c'est jouissif.
Pourtant, il n'y a pas que du bon dans cette trilogie. A force d'implanter l'univers de Batman dans un monde très réaliste et post 11 Septembre, Nolan nous éloigne du vrai Batman. Le temps où l'on pouvait voir Batman sauter de building en building avec son grappin est maintenant révolu, il se balade désormais tranquillement dans une sorte d'hélicoptère dernier cri, ce qui tue tout le charme du ténébreux vengeur masqué. Quant à la batmobile si élégante et charmante dans le dessin animé et des films de Burton, elle a laissé place à un tank militaire massif et sans prestance. Nolan a fait de Batman un héros des temps modernes, un guerrier pacifiste au grand coeur, et on l'aime pour ce qu'il est.
Excellent article.
http://superherossur...figure-complexe.html