Yippi-kai pauvre con !

Die Hard ou la lutte extra-terrestre qui n'aura pas lieu

Sur le web | Par Alexandre Hervaud | Le 18 juillet 2012 à 14h00

Cet été, Vodkaster vous propose de découvrir Air Cinema : une série de programmes courts et décalés donnant une folle seconde vie aux films cultes et à leurs inoubliables VF. Un rendez-vous incontournable pour tous ceux qui aiment les films et les moustaches. Cette semaine : Die Hard.


Piège de cristal par Air Cinéma par AirCinema

Air Cinema parle tant à notre nostalgie cinéphile que nous ne pouvions pas en rester là ! Nous avons donc décidé de demander à notre cher Alexandre Hervaud (en vacances de Trailer) de dépoussiérer ses VHS pour accompagner cette série d'été de textes rendant hommage aux films détournés. À lui de jouer avec le cinéma : à la manière d'un « mockumentary », le totalement vrai y côtoie l'archi faux, l'anecdote authentique y fricote avec le canular grossier. Lisez tout, triez ensuite...

Die Hard © Twentieth Century Fox

Un chef d'oeuvre d'action 80's

« Yippi-kai, pauvre con », « neuf millions de terroristes au monde et je tombe sur celui qu'a des pieds plus petits que ma petite soeur », « y'a un monsieur qui a appelé et ben il voulait enculer Thérèse ! » : autant de répliques cultes distillées par le toujours aussi efficace premier Die Hard, joliment retitré Piège de Cristal par chez nous à une époque où transformer complètement un titre pour sa version française ne signifiait pas systématiquement violer l'intellect des spectateurs - pensez aux Dents de la mer, habile mutation de Jaws. Puis parlez-en aux créateurs du très drôle Wanderlust bazardé à l'arrache en salles fin mai sous l'atroce blase Peace, Love et plus si affinités.

Huis-clos d'action sur une prise d'otage dans un immeuble par des pseudo-terroristes qui n'avaient pas prévu qu'un flic en goguette vienne les perturber, Die Hard est la troisième mise en scène du génial John McTiernan, dont la réalisation limpide définira les carcans de l'action-movie des 90's, du moins avant que la mode des caméras tremblotantes ne vienne annihiler tout effort possible de lisibilité, de spatialisation, etc. On ne saurait trop conseiller aux plus érudits (ou chômeurs, faut du temps) d'entre vous de lire cette série de décryptages zélés de la photographie du film, signée par Jan de Bont. Oui, le même Hollandais qui éclaira les premiers films de son compatriote Paul Verhoeven avant de traverser l'Atlantique lui aussi pour finir réalisateur de Speed et Twister.

24 ans après la première apparition de John McLane au cinéma, le public retrouvera le personnage dans une quatrième suite prévue pour 2013, pour l'instant nommée A Good Day To Die Hard. Ce come-back sera réalisé par John Moore, dont la filmographie guère reluisante (le remake de La Malédiction, l'adaptation du jeu vidéo Max Payne) suffit déjà à rebuter les plus fidèles des fanboys. Franchise produite par la Fox, Die Hard était revenue pour la première suite, deux ans après Piège de Cristal, sous la caméra de Renny Harlin, tâcheron pas si mauvais qui fait le job avec l'efficace 58 Minutes pour vivre en 1990. Il faut attendre une demi-décennie pour voir le retour aux affaires de McTiernan avec son jouissif Die Hard with a vengeance, aka Une journée en enfer. On croit alors le chapitre McLane définitivement fermé malgré le succès du film, qui dépasse sans peine au box office les deux volets précédents.

Le stagiaire providentiel

Partant réaliser de son côté son épique 13ème guerrier avant de se perdre dans deux remakes successifs et dispensables de films de Norman Jewison (Thomas Crown puis Rollerball), McTiernan résiste aux sirènes du studio Fox qui s'impatiente. La décennie 90's touche à sa fin et aucune des 93 versions du script pour un hypothétique Die Hard 4 ne convainc Bruce Willis. Un concours de circonstances se met alors en branle et entraîne la discrète pré-production du projet le plus fou envisagé à l'aube des années 2000 par un studio hollywoodien. Michael Fayette Jr, stagiaire au département juridique de la Fox, est alors chargé de scruter Internet à la recherche de toute atteinte à la propriété intellectuelle de son employeur. Le piratage naissant de l'époque constitue la majeure partie de son boulot, mais il est également chargé de fliquer les fan fictions, ces histoires commises par des passionnés n'hésitant pas à s'approprier du matériel sous copyright pour assouvir leurs fantasmes scénaristiques. Symbole parmi d'autres de la folie du mash-up, la mode est au crossover. Comme nous l'explique Wikipedia, « dans un univers de fiction, un cross-over désigne une histoire impliquant plusieurs personnages possédant habituellement leur série propre ». Les comics américains sont férus de ce genre d'astuce, et pas seulement entre une seule maison d'édition (ex. Marvel avec ses Avengers) : ainsi, Superman et Spider-Man se sont déjà croisés, de même que Freddy, Jason (des Vendredi 13) et Ash (des Evil Dead) dans une série de BD parue en 2007. D'ailleurs, puisqu'on cause comics, figurez-vous que John McLane lui-même a eu droit en 2009 à sa version BD en mode « prequel », autrement dit dans des aventures antérieures aux événements de Piège de Cristal.

Die Hard : Year One © BOOM! Studios

Parmi les élucubrations souvent mal écrites utilisant des personnages de films Fox, le stagiaire Fayette Jr tombe sur un drôle d'exemple écrit par un anonyme et publié en feuilleton sur un forum de jeu-vidéo : John McLane vs Predator. On notera dès à présent le côté « coup double » de la chose puisque Die Hard comme Predator, non content d'avoir tous deux en commun un premier volet réalisé par McTiernan, sont deux propriétés appartenant à la Fox ! Alors qu'il s'apprête à envoyer une notice menaçante à l'hébergeur du site exigeant le retrait de la fan fiction, Fayette Jr commence à lire la chose. Magie de l'écriture, hasard de la vie, joie de l'espérance : le texte est plutôt bon, captivant, et Fayette décide d'en imprimer l'intégralité pour le conserver avant d'en demander le retrait (car oui, texte de qualité ou pas, Fayette Jr reste une petite crevure aux ordres d'une multinationale qui ne déconne pas avec le copyright, et il aimerait bien se faire embaucher après ses 14 mois de stage non rémunérés). Fayette Jr commet alors une « heureuse imprudence » en laissant en évidence sur son bureau le jet de 36 pages fraîchement imprimé. On vous passe moult détails chiants, mais le fait est que la fan fiction se retrouve le lendemain sur le bureau d'un chief executive producer de la Fox ébahi par la chose et convaincu de son potentiel commercial.

John McLane vs Predator ?

Un mot d'abord sur ledit texte avant d'aller plus loin : principalement influencée par Predator 2, la plutôt bonne (si, si) suite réalisée en 1990 par Stephen Hopkins avec Danny Glover entre deux Arme Fatale, la fan fiction reprend le postulat d'un Predator lâché en milieu urbain. Le deuxième acte et le climax se déroulent dans le Yankee Stadium de New York en plein match de base-ball. Vous l'aurez deviné, qui avait choisi d'emmener sa progéniture voir un match ce jour là ? John McLane lui-même bien sûr, pas très jouasse à l'idée de voir son équipe préférée se faire décimer par un Predator dans les vestiaires. Pour la Fox, c'est l'occasion rêvée de sortir de l'hibernation non pas une, mais deux franchises, et de verser dans deux genres différents : le fantastique trash et l'action pure - un peu comme les deux premiers Predator avaient déjà su le faire par le passé. Nous sommes alors en 2002, et bien que remis en selle par Shyamalan et son Sixième Sens, Bruce Willis enquille deux gros bides avec Mission Evasion puis Les Larmes du Soleil. De son côté, Spider-Man version Sam Raimi casse la baraque et annonce l'ère des super-héros numériquement assistés, de quoi détrôner ad vitam aeternam McLane dans le coeur du public. Demi Moore, sa compagne de l'époque, lui conseille d'accepter le projet fou entre deux séances d'UV : c'est ainsi que Die Hard with a Predator part en développement avec une armée de scénaristes planchant sur le script.

Photomontage préliminaire de la Fox

Un an passe, autant dire une éternité à Hollywood. Les multiples versions du script ne satisfont pas grand monde, d'autant qu'il est question d'embaucher Joel Schumacher pour réaliser le film. Bruce Willis, après une discussion avec son copain Schwarzenegger (qui avait joué Mister Freeze dans le Batman et Robin de Schumy dont il ne garde que de mauvais souvenirs), décide de quitter le navire et préfère cachetonner dans Mon Voisin le tueur 2, suite du succès surprise de l'année 2000. On connaît hélas la suite : la Fox se console en recyclant ses costumes de Predators nouvellement fabriqués en lançant sur un coup de tête cocaïné la production de l'affreux Alien vs Predator sorti en 2004 qui sera suivi par une suite encore plus mauvaise, Aliens vs Predator : Requiem, en 2007. Cette même année 2007 marque d'ailleurs le tant attendu comeback de John McLane dans Die Hard 4 : Retour en enfer, pour un résultat certes pas aussi naze que Indiana Jones 4 dans le rayon « vieille gloire 80's exhumée », mais tout de même pas fameux. Interrogé par Entertainment Weekly sur le mystérieux projet crossover avorté, Bruce Willis déclara en 2010 : « l'idée de pourchasser une saloperie d'alien à dreadlocks dans un stade new-yorkais ne me déplaisait pas, mais j'avais vraiment trop peur qu'on prenne ça pour une métaphore anti-reggae, ce qui m'aurait beaucoup peiné ».

Retrouvez l'épisode précédent sur Les Gremlins et à mercredi prochain pour un nouveau film culte et un autre épisode d'Air Cinéma !

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1 commentaire
  • Cypri3n
    commentaire modéré Un peu plus tiré par les cheveux cette fois-ci, mais agréable à lire tout de même.
    19 juillet 2012 Voir la discussion...
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