L'Arme Fatale ou la redécouverte du doux dingue Gary Busey
Cet été, Vodkaster vous propose de découvrir Air Cinema : une série de programmes courts et décalés donnant une folle seconde vie aux films cultes et à leurs inoubliables VF. Un rendez-vous incontournable pour tous ceux qui aiment les films et les moustaches. Cette semaine : L'Arme Fatale.
L'arme Fatale par Air Cinéma par AirCinema
Air Cinema parle tant à notre nostalgie cinéphile que nous ne pouvions pas en rester là ! Nous avons donc décidé de demander à notre cher Alexandre Hervaud (en vacances de Trailer) de dépoussiérer ses VHS pour accompagner cette série d'été de textes rendant hommage aux films détournés. À lui de jouer avec le cinéma : à la manière d'un « mockumentary », le totalement vrai y côtoie l'archi faux, l'anecdote authentique y fricote avec le canular grossier. Lisez tout, triez ensuite...
L'Arme Fatale © Warner Bros. Pictures
« I'm too old for this shit »
Un quart de siècle après sa sortie, L'Arme Fatale peut se targuer d'appartenir à la catégorie « Madeleine de Proust filmique dont la qualité n'est pas uniquement liée à de vagues souvenirs d'adolescence », le contexte de découverte d'un film influençant l'appréciation du spectateur au risque de franchement le décevoir des années plus tard. Pour tout dire, n'ayant pas forcément digéré le quatrième film de la franchise sorti en 1998, revoir le premier volet signé Richard Donner aujourd'hui réserve son lot de bonnes surprises, à commencer par la tonalité extrêmement sombre de ce fleuron du buddy movie. Rappelons que le héros Martin Riggs (un Mel Gibson clopeur qui portait alors bien la nuque longue et gardait ses saillies antisémites au placard) est quand même un flic badass dépressif qui passe une bonne moitié du film à vouloir se faire sauter le caisson ! Impensable ou presque dans les rejetons actuels produits par les majors, qui ont surtout retenu de L'Arme Fatale l'importance de l'alchimie entre les héros, les punchlines mordantes (merci au scénariste Shane Black, futur réalisateur de Kiss Kiss Bang Bang et Iron Man 3) et la grandiloquence nécessaire des bad guys.
C'est d'ailleurs du côté des « méchants » que notre attention s'est portée en redécouvrant le film. A la 28ème minute du métrage (du moins dans la version director's Cut de 117 minutes qui en comprends 7 de plus que la version salle), une petite frappe rencontre dans un night club le Général, le cerveau du trafic d'héroïne évoqué dans le film. Il semble choqué par sa troupe d'hommes de mains, des mercenaires, et en particulier par leur leader, un certain Mr Joshua. « Where the hell did you get him, Psychos 'R' Us ? », s'enquiert-il, avant de remettre en cause leur loyauté. Ni une, ni deux, le Général, pour lui prouver la fidélité sans faille de ses seconds couteaux, demande au fameux Mr Joshua de se brûler le bras avec un briquet, ce qu'il accepte de bon coeur comme un bon soldat :
© Warner Bros. Pictures
Voilà comment la majeure partie du grand public découvre l'hallucinante ganache de l'acteur Gary Busey, blondin d'origine texane à la mâchoire de bande dessinée. Par « majeure partie », comprendre que le bonhomme, alors âgé de 43 ans, n'était pas totalement inconnu avant ce second rôle. Des apparitions régulières dans des séries TV, pas mal de rôles divers dans des films et surtout une nomination à l'Oscar pour le rôle titre du biopic sur Buddy Holly en 1978 l'avaient déjà fait remarquer :
Pet au casque
L'exposition offerte par sa présence dans L'Arme Fatale (rappelons que le climax du film consiste en une longue baston nocturne mano a mano entre Gibson et lui), véritable carton au box office mondial en 1987, aurait logiquement du lui apporter sur un plateau d'argent pléthore de rôles intéressants. Le sort en aura voulu autrement : un an et demi après la sortie du film, en décembre 1988, Gary Busey est grièvement blessé dans un accident de moto. Faute de port du casque, le gaillard souffre de trauma crânien et les médecins craignent qu'il souffre de lésions cérébrales irréversibles. La suite de sa carrière, et la vie mouvementée de l'acteur, qui s'en sort malgré tout, tendent à donner raison au corps médical tant l'existence de Busey semble placée depuis sous le signe du WHAT THE FUCK ?
Fortement médicamenté (et pas toujours par des produits sur ordonnance, sa consommation de drogues lui vaudra des démêlés avec la justice américaine), Gary Busey va enchaîner un paquet de séries B et Z malgré quelques rôles dans des films remarqués comme Point Break ou Predator 2. Ses tirades totalement psychotiques en interview lui vaudront une image de chien fou et feront de lui une blague humaine, façon Jean-Claude « aware » Van Damme, à l'image de cette vision de lui donnée par la série animée Family Guy :
Passer en revue toutes les excentricités de Gary Busey, qu'elles soient cinématographiques ou hors plateau, relèverait d'un travail titanesque qu'on laisse aux historiens. Citons toutefois sa participation improbable au film Quigley, en 2003, dans lequel il joue le rôle d'un homme d'affaires victime d'un accident qui se réincarne dans un putain de clébard, une perle absurde que son trailer résume de A à Z :
A quoi ressemble le paradis ?
Le site de LOL-cinéphile Filmdrunk, qui prend un malin plaisir à recenser toutes les Busey stories possibles et inimaginables, s'était fait l'écho de l'invraisemblable dispute qui avait eu lieu sur le tournage de Quigley : Busey s'était fâché sous prétexte que le décor du paradis montré dans le film n'avait rien à voir avec le vrai paradis que Busey avait eu l'occasion de visiter brièvement pendant son coma lors de son accident de moto ! En 2006, Busey avait également fait des siennes en jouant dans le film turc Valley of the Wolves : Iraq, film notoirement anti-américain et antisémite dans lequel il joue le rôle d'un médecin militaire juif qui extrait des organes de civils innocents, prisonniers de guerres, pour les revendre en Occident sur le marché noir...
Le simple fait de googler Gary Busey aujourd'hui (ou d'en chercher des traces sur YouTube) est l'assurance de tomber sur des « moments forts » de sa carrière, comprendre des extraits de nanars honteux ou d'interviews partant en cacahuète. A l'image de David Hasselhoff, autre has been magnifique dont la carrière est derrière lui, Busey a exploité cette image de psychopathe en jouant son propre rôle dans la série Entourage. Il partage d'ailleurs avec Hasselhoff l'affiche de Piranha 3DD, la suite du remake signé Alexandre Aja sortie outre-Atlantique il y a quelques semaines. Conscient de l'image sulfureuse du bonhomme, la production de Piranha 3DD a même sorti un bêtisier spécial Busey, où l'acteur confesse à un moment cette chose terrible : « j'espère que vous me comprenez, parce que moi, non ».
Réunion de parias d'Hollywood
Sur Internet, les blogs et sites d'info sont friands de découvertes a posteriori des apparitions de personnalités avant leur « heure de gloire ». A titre d'exemple, la semaine dernière, le Net s'est enflammé (pardonnez-moi cet infâme cliché) autour de l'apparition exhumée de l'acteur Aaron Paul, de la série Breaking Bad, dans le Juste prix quand il était jeune. Gary Busey est un cas intéressant puisque c'est exactement l'inverse, en ce qui me concerne, qui s'est produit quand j'ai revu pour les besoins de cette chronique L'Arme Fatale. C'est un Busey d'une époque où son nom ne rimait pas avec folie pure et lose sordide (il s'est récemment déclaré en cessation de paiement) qu'il évoque désormais. On ne peut que souhaiter à Busey de rencontrer un Tarantino, premier sur le recyclage de paumés, pour redresser la barre. L'un de ses prochains films, Matt's Chance, sonne à ce titre comme une incroyable réunion de parias hollywoodiens puisqu'il jouera dans cette comédie dramatique aux côtés de Edward Furlong (le John Connor de Terminator 2 carbonisé par son abus de drogues et de films moisis) et Margot Kidder (la Lois Lane du Superman de Richard Donner, réalisateur de l'Arme Fatale, internée suite à moult problèmes psychologiques). Plutôt que de balancer sur Twitter des saillies du genre «le visage de Marie, mère du Christ, est apparue sur la lune ce soir », on peut également suggérer à Gary Busey d'écrire son autobiographie puis d'en vendre les droits à un producteur sérieux : dans un hypothétique biopic, son sosie de fiston d'acteur Jake Busey, vu dans Fantômes contre Fantômes et des pantalonnades comme Nazis at the Center of the Earth, serait parfait dans le rôle du paternel zinzin.
NB : pour les fidèles de la rubrique Air Cinema qui en connaissent le principe (mixer la vraie info et le fake grossier), on précise que tout est authentique dans le présent article. Autant on peut délirer sur une fin alternative de Titanic, le message homophobe d'Independence Day, l'hommage aux Gremlins des frères Dardenne ou l'improbable réunion entre Die Hard et Predator, autant Gary Busey nous a semblé suffisamment tordu pour ne pas avoir à en rajouter...